Altria serait à l’origine de plusieurs éléments de la loi récemment votée dans le Colorado. Des mesures qui favorisent ses produits et lui promettent un bel avenir.

Révélation de mails confidentiels

Il est de notoriété publique que l’industrie du tabac, particulièrement puissante grâce aux milliards de dollars qu’elle génère chaque année, est en contact étroit avec les décideurs politiques du monde entier, afin de préserver au mieux son business. Pourtant, si tout le monde a conscience de ces faits, rares sont les informations précises qui filtrent à ce sujet.

Rares, mais pas inexistantes, comme nous le montre aujourd’hui le site d’information Colorado Sun, qui aurait mis la main sur divers e-mails échangés entre Altria, branche américaine du fabricant de cigarettes Philip Morris International, et le bureau de Jared Polis, gouverneur de l’État du Colorado.

Lors de ces échanges, Altria aurait demandé au gouvernement local de remplir plusieurs conditions, en échange de l’accord du géant du tabac, de ne pas combattre la législation antitabac à venir, consistant en une augmentation des taxes sur ces produits. Parmi les exigences d’Altria, la mise en place d’un prix plancher pour les cigarettes, fixé à 7 $.

Selon le site américain, Altria aurait clairement expliqué au bureau du gouverneur qu’une telle mesure pourrait être économiquement avantageuse pour l’entreprise, en l’aidant ainsi à évincer ses concurrents à plus bas prix.

« C’est comme forcer notre Honda à se vendre au même prix que Mercedes », commente Craig Hughes, consultant politique démocrate, à propos de la clause demandée par le cigarettier.

« Si nous forcions Honda à augmenter son prix au même niveau que celui de Mercedes, personne ne l’achèterait. … Sommes-nous littéralement en train d’écrire dans une loi d’État quelque chose qui crée un monopole au Colorado pour les produits Altria haut de gamme ? » se demande-t-il ensuite.

Il faut croire que oui, puisque la mesure a été votée puis validée par les électeurs, il y a seulement quelques jours.

Suite aux révélations de cette affaire, un citoyen du Colorado, fumeur, a intenté un procès contre le gouverneur Polis, afin de faire invalider cette clause de prix minimum, tant souhaitée par Altria. Un procès qui débute juste, et qui pourrait durer longtemps.

Un coup savamment joué

Afin d’en apprendre plus sur cette affaire, le site américain a contacté le bureau du gouverneur, pour savoir si cette clause souhaitée par le cigarettier lui crée un « avantage injuste ». Une question à laquelle il n’a reçu aucune réponse puisque les politiques locaux se sont contentés d’expliquer que cette proposition de loi, dans laquelle la clause de prix minimum est incluse, est « une solution gagnante pour le Colorado ».

Gagnante pour le Colorado peut-être, mais surtout gagnante pour Altria.

En effet, en continuant d’étudier les mails, les journalistes sont tombés sur un document noté « hautement confidentiel », baptisé « projet de fiche de conditions ».

Il est noté dans celui-ci que les négociations avec le cigarettier étaient menées par le bureau du gouverneur, mais également avec plusieurs groupes de santé publique.

Des négociations qui comprenaient, en plus d’une clause de prix minimum, un engagement du gouverneur à ne pas augmenter le prix des produits du tabac durant le reste de son mandat.

Ainsi, suite à la mise en place de cette mesure, Altria s’est assuré que les cigarettes les moins chères coûtent désormais le même prix que les siennes, qui étaient jusqu’alors plus onéreuses. De quoi attirer de nombreux nouveaux clients.

Mais ce n’est pas tout. Cette nouvelle loi s’attaque également au vapotage, ce qui, une fois encore, va bien arranger Altria.

En effet, si les produits de la vape n’étaient jusqu’à présent pas taxés dans le Colorado, ils le seront désormais à hauteur de 30 % du prix catalogue de leur fabricant. Une taxe qui passera à 56 % en juillet 2024, puis 62 % en juillet 2027, mais qui ne s’appliquera pas aux produits du tabac chauffé ayant été reconnus comme moins nocifs que le tabagisme.

Et quel produit Altria et Philip Morris considèrent-ils comme leur avenir ? L’IQOS, produit du tabac chauffé ayant justement obtenu une certification de produit à risque modifié par la FDA, et qui ne verra ainsi pas ses taxes augmenter. Bien joué.

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