La cigarette électronique en Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélande et le vapotage : un modèle de réduction des risques

Depuis 2011, la Nouvelle-Zélande s’est fixé un objectif ambitieux avec son plan Smokefree Aotearoa 2025 : faire passer le taux de fumeurs quotidiens sous la barre des 5% d’ici la fin de l’année 2025. Ce qui semblait être un défi insurmontable il y a une quinzaine d’années est aujourd’hui en passe de devenir réalité, faisant du pays insulaire l’un des leaders mondiaux dans la lutte contre le tabagisme.

Une chute spectaculaire du tabagisme

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le taux de fumeurs quotidiens est passé de 16,4% en 2011 à 6,9% en 2023-2024, selon les données du ministère néo-zélandais de la Santé. Cette baisse remarquable place la Nouvelle-Zélande parmi les pays ayant les prévalences tabagiques les plus faibles au monde, bien en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE qui s’élève à 16,5%.

Cette diminution spectaculaire s’est particulièrement accélérée à partir de 2017, année charnière qui a marqué un tournant décisif dans la politique de santé publique du pays. Entre 2018 et 2024, le nombre de fumeurs quotidiens a chuté de 13,3% à 6,8%, soit une division par deux en seulement six ans.

Le rôle central de la cigarette électronique

Si la Nouvelle-Zélande a longtemps été réticente face au vapotage, interdisant même la vente d’e-liquides nicotinés jusqu’en 2017, le pays a radicalement changé d’approche. La levée de cette interdiction en 2017 a constitué un moment décisif dans la stratégie anti-tabac néo-zélandaise.

En 2020, le pays a adopté la loi Smokefree Environments and Regulated Products (Vaping) Amendment Act, qui reconnaît officiellement l’utilité de la cigarette électronique pour l’arrêt du tabac. Le ministère de la Santé affirme clairement que le vapotage est nettement moins nocif que le tabagisme et peut aider les fumeurs à arrêter.

Les données montrent une corrélation forte entre l’augmentation du vapotage et la baisse du tabagisme. En 2023-2024, près de 11,1% des adultes vapotent quotidiennement, contre seulement 0,9% lorsque cette mesure a été introduite en 2015-2016. Cette progression parallèle de la vape et du recul du tabac illustre l’efficacité d’une approche basée sur la réduction des risques.

Des initiatives innovantes de santé publique

Pour accompagner sa politique, le gouvernement néo-zélandais a mis en place plusieurs initiatives remarquables. En 2019, un site gouvernemental dédié, “Vaping Facts”, a été créé pour informer les fumeurs sur la cigarette électronique. En 2022, une vaste campagne de communication baptisée “Vape to quit strong” a été lancée, avec des spots télévisés diffusés en prime time, affichages publics et présence sur les réseaux sociaux.

Depuis janvier 2025, le pays a franchi une étape supplémentaire en lançant un programme de distribution gratuite de kits de vapotage aux fumeurs adultes souhaitant arrêter, via des services de santé agréés. Cette initiative, d’abord testée sous forme de projet pilote auprès de 24 centres d’aide à l’arrêt du tabac, a montré des résultats encourageants avec plus de 1 400 validations de sevrage au monoxyde de carbone à quatre semaines sur 4 326 personnes suivies entre janvier et juillet 2025.

Un parcours politique mouvementé

Le chemin vers l’objectif Smokefree 2025 n’a pas été linéaire. En décembre 2022, le gouvernement travailliste de l’époque avait adopté une loi historique prévoyant l’interdiction de vente de tabac à toute personne née après le 1er janvier 2009, ainsi qu’une réduction drastique du nombre de points de vente et une diminution de la teneur en nicotine des cigarettes.

Cependant, l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement de coalition en novembre 2023 a marqué un revirement. En février 2024, ces mesures ont été abrogées, le gouvernement invoquant des craintes liées au développement d’un marché noir. Cette décision a suscité une vive controverse parmi les acteurs de santé publique, tant en Nouvelle-Zélande qu’à l’international.

Malgré ce revers, le pays maintient son engagement envers l’objectif Smokefree 2025, en s’appuyant davantage sur des approches de réduction des risques et sur la promotion du vapotage comme outil de sevrage tabagique.

Une réglementation équilibrée du vapotage

Pour protéger les jeunes tout en préservant l’accès des fumeurs adultes à la cigarette électronique, la Nouvelle-Zélande a mis en place une réglementation progressivement renforcée. Depuis juin 2025, les cigarettes électroniques jetables sont interdites, tous les dispositifs devant être équipés de batteries rechargeables ou remplaçables.

Les magasins de vapotage ne peuvent plus s’installer à moins de 300 mètres des écoles et des marae (lieux sacrés maoris). Les produits de vapotage doivent être cachés de la vue des clients dans les supermarchés et stations-service, et les appellations d’e-liquides aux noms trop attrayants ont été bannies au profit de descriptions plus neutres.

Le taux maximum de nicotine autorisé est de 20 mg/ml pour les e-liquides classiques et de 28,5 mg/ml pour les cigarettes électroniques à sels de nicotine, un niveau considéré comme permettant un sevrage efficace tout en limitant les risques de dépendance.

Des défis persistants

Malgré des progrès remarquables, des inégalités importantes subsistent. Les populations maories présentent un taux de tabagisme trois fois supérieur à la moyenne nationale, bien qu’il ait été divisé par deux en cinq ans. Les habitants des régions les plus défavorisées et les populations du Pacifique restent également surreprésentés parmi les fumeurs.

Par ailleurs, l’augmentation du vapotage chez les jeunes suscite des inquiétudes. Chez les 15-17 ans, le taux de vapotage quotidien atteint 10,5%, alors que le tabagisme quotidien est tombé entre 1 et 2%. Cette situation alimente le débat sur l’équilibre à trouver entre la protection de la jeunesse et l’accès au vapotage pour les fumeurs adultes.

Un exemple pour le monde

L’approche néo-zélandaise fait de ce pays un laboratoire mondial en matière de lutte contre le tabagisme. En reconnaissant officiellement le rôle de la cigarette électronique dans la réduction des risques et en l’intégrant pleinement dans ses politiques publiques, la Nouvelle-Zélande démontre qu’une stratégie pragmatique basée sur les preuves scientifiques peut produire des résultats spectaculaires.

Avec environ 80 000 fumeurs supplémentaires devant arrêter pour atteindre l’objectif de 5% d’ici la fin 2025, la course contre la montre continue. Mais les résultats obtenus jusqu’à présent montrent que l’objectif, aussi ambitieux soit-il, reste à portée de main.

Sources