L’institution est accusée d’avoir largement outrepassé ses droits en prenant cette décision qui ne lui appartenait pas selon les plaignants.
Une directive appliquée illégalement ?
C’est une affaire qui devrait faire grand bruit. Le 3 novembre 2022, l’Union européenne (UE) publiait une directive interdisant la plupart des arômes pour les produits du tabac chauffé. La directive, qui entrait officiellement en vigueur le 23 novembre 2022, laissait jusqu’à la date du 23 juillet 2023 aux États membres pour la transposer dans leur législation nationale.
L’Irlande, comme tous les autres pays de l’UE, a transposé cette nouvelle directive. Ce qui lui a valu d’être attaquée en justice devant la Haute Cour irlandaise par deux entreprises : PJ Carroll and Company Ltd, société s’occupant de l’importation, de la distribution et des ventes de produits du tabac et du vapotage en Irlande, et Nicoventures Trading, dont le seul objectif est la fabrication de « nouveaux produits du tabac ». Deux entreprises qui appartiennent au cigarettier British American Tobacco (BAT).
Lors du procès qui s’est tenu, les firmes appartenant au géant du tabac ont fait valoir que la nouvelle directive européenne interdisant les arômes pour les produits du tabac chauffé était illégale. Selon elles, en publiant cette directive, la Commission européenne a outrepassé ses droits. De plus, cette nouvelle législation empêcherait PJ Carroll, qui détient environ 10 % du marché de la vape irlandais, de « capitaliser pleinement sur l’opportunité unique d’être la première entreprise à lancer des produits du tabac chauffés sur le marché irlandais pour les fumeurs adultes qui, autrement, continueraient à fumer ».
Victoire pour les plaignants
Et Cian Ferriter, juge de la Haute Cour, a donné raison aux filiales de BAT. Dans son jugement, il a indiqué que la directive européenne avait bien interdit « une catégorie de produits du tabac qui était nouvelle sur le marché, qui n’existait pas au moment de la promulgation de la directive sur les produits du tabac (TPD) en 2014 et qui n’avait pas fait l’objet d’évaluations politiques et sanitaires distinctes ». Selon lui, cette décision relevait ainsi d’un « choix politique qui n’était ouvert qu’à la législature de l’UE (le Conseil et le Parlement, N.D.L.R.) et non à la Commission ».
À la demande des plaignants, le juge irlandais va donc saisir la Cour de justice européenne, qui sera chargée de répondre à plusieurs questions, dont celle de savoir si oui ou non, il appartenait à la Commission d’interdire ces produits, ou si les organes législatifs de l’UE devaient s’en charger.
L’équilibre institutionnel remis en question
Comme le rappelle Eureporter, à l’époque de la promulgation de cette nouvelle directive, quatre États membres de l’UE s’étaient prononcés contre, arguant que celle-ci comportait « des éléments essentiels réservés aux législateurs européens » et que la Commission « excédait donc les limites des pouvoirs délégués qui lui étaient accordés ». Selon eux, cette méthode d’utilisation du pouvoir délégué était « problématique » et « mettait à l’épreuve l’équilibre institutionnel, créant une insécurité juridique et des difficultés pratiques pour toutes les parties concernées ».
Un équilibre institutionnel que la Cour de justice européenne va désormais être chargée de rétablir, si elle estime que celui-ci a été bafoué par la Commission.
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