Est-ce la fin des puffs en France ? L’interdiction, sur toutes les lèvres depuis l’apparition du phénomène, ressemblait au Godot de la pièce de Beckett, qu’on attendait, mais qui ne venait jamais. Et, soudain, depuis quelques semaines, des pas se font entendre sur le palier. Bientôt, la loi toquera à la porte.
Le ministre et les puffs
Le 28 mai dernier, C’était une émission du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro assez classique, François Braun, ministre de la Santé, y répondait aux questions des journalistes, quand, soudain, l’extraterrestre de Roswell fit son entrée dans le studio, chevauchant le monstre du loch Ness. Ou presque, mais pour la vape, c’était quasiment la même chose : à une question, le ministre venait de répondre qu’il était favorable à l’interdiction des puffs.
Les puffs sont un sujet de discussion animée, pour ne pas dire polémique, depuis leur apparition fin 2021 dans les mains d’influenceurs, eux aussi rappelés à l’ordre depuis sur d’autres sujets, et sur celui également. Mais si, dans le personnel politique, tout le monde s’accordait sur le fait qu’elles apportaient plus de mal que de bien, le gouvernement se montrait curieusement passif. Et sans ce soutien, ce serait plus compliqué.
Des initiatives sont toujours en cours, et ce renfort inattendu pourrait leur simplifier la tâche : une unanimité transpartisane sur un sujet, pour un vote, c’est l’idéal. La députée des Hauts-de-Seine, Francesca Pasquini (EELV-Nupes), a déposé un texte de loi, fin 2022, qui est toujours en projet. Nous lui avons demandé comment il avait évolué depuis.
La loi d’interdiction sur les bons rails ?
“Depuis notre dernier échange, les choses ont bien avancé, explique Francesca Pasquini. Nous avons travaillé avec Alliance contre le tabac, avec qui nous nous sommes accordés pour faire une conférence en mai sur les puffs. C’est un sujet qui intéresse les médias, et nous avons beaucoup communiqué pour garder ce sujet brûlant.”
Brûlant au niveau médiatique, mais aussi au niveau politique. “Grâce à tout cela, nous avons réussi à faire cosigner le texte par 63 députés de huit groupes politiques. Un tiers d’entre eux viennent d’autres groupes que la Nupes.” Ce qui fait de ce sujet une véritable problématique transpartisane.
La déclaration du ministre au Grand Jury n’a pas surpris la députée : “Nous avions déjà échangé avec lui lors d’une séance de questions au gouvernement. Lui aussi est convaincu de la nécessité d’interdire les puffs. Suite à cela, nous avons pu enclencher des discussions avec son cabinet.”
Ce qui met la loi sur les bons rails pour être celle qui apportera une solution au problème. “Nous avons bon espoir qu’elle soit discutée à la rentrée. Le consensus politique, y compris avec le ministre, et les signatures de membres de plusieurs groupes rendent optimistes dans ce scénario.”
Interdiction concrète après septembre
En termes pratiques, il est difficile de donner des dates, il faut caler les discussions au programme de l’Assemblée nationale, puis viendra l’étape de la navette parlementaire avec le Sénat, et enfin, attendre sa promulgation. Mais l’interdiction, une fois ceci fait, devrait être rapide. Et sèche.
“Il n’est pas prévu de délai de carence pour écouler les stocks, explique Francesca Pasquini. L’interdiction sera appliquée dès la promulgation du texte, en l’état.” Une information qui devrait faire dresser l’oreille des fabricants : “Je n’ai pas à leur dire quoi faire, souligne la députée. Mais à leur place, je changerais mon modèle économique.”
Francesca Pasquini rappelle que le problème n’est pas franco-français : “Il y a un consensus politique en France, mais nous ne sommes pas les seuls. D’autres pays en sont parvenus aux mêmes conclusions que nous et se dirigent vers l’interdiction. C’est un problème écologique majeur, la pollution plastique, les batteries jetées dans la nature alors qu’elles pourraient être réutilisées, les emballages, nous en avions parlé (cf. Les Puffs dans le viseur des politiques), mais aussi de santé publique pour les jeunes. Une récente enquête de l’UFC Que Choisir ne vous aura pas échappé, qui montre que beaucoup de puffs sont achetées par des mineurs dans des magasins dont la vente de vape n’est pas la vocation première.”
Et puff, disparue ?
Est-ce la fin des puffs ? Lorsque l’Assemblée nationale, de la gauche à la droite de l’hémicycle, tombe d’accord, avec le soutien du ministre concerné, il y a peu de chances, en effet, que les puffs passent l’année. Ce qui tranchera le débat.
Certes, les puffs ont quelques avantages, qu’il faut constater par honnêteté. Mais les inconvénients sont nombreux et majeurs, et la balance bénéfices/inconvénients n’est raisonnablement pas en faveur du modèle.
Interrogés par nos soins, les fabricants en ont conscience et beaucoup confient avoir déjà préparé la suite : des puffs rechargeables et réutilisables. Ils pourraient appeler cela la “vape”, c’est un bon nom. L’enseignement de tout cela, ce sont également les problèmes posés par des gens qui vendent des puffs sans que ça en soit le métier : bimbeloteries, déstockages, etc. L’enquête de l’UFC a démontré l’exemplarité des boutiques de vape en la matière. Un encouragement politique serait peut-être bienvenu.
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