La fuite de plusieurs documents a révélé la façon dont Philips Morris International a tenté, en 2018, de faire passer un projet de loi qui aurait assoupli la réglementation de la cigarette électronique et des produits du tabac chauffé au Royaume-Uni. Une mesure dans laquelle il proposait d’investir 1 milliard de livres sterling en compagnie d’autres cigarettiers, qui était présentée comme étant destinée à améliorer la santé publique, mais qui aurait aussi et surtout permis de grandement améliorer les ventes de l’IQOS et des produits de la vape fabriqués par l’industrie du tabac.
Philip Morris International au secours des fumeurs du monde
Une voie dans laquelle le cigarettier continuait de s’engouffrer en avril 2018 lors de la refonte de son site internet, dont le nouveau mot-clé devenait alors “unsmoke your world”, et que l’entreprise avait transformé clamant qu’il était désormais « grand temps que nous vivions dans un monde sans cigarettes ». Un schéma de pensée à nouveau confirmé quelques mois plus tard par Jacek Olczak, directeur général de l’entreprise, qui indiquait dans une nouvelle interview vouloir « accélérer le déclin » des ventes de cigarettes dans le monde.
1 milliard pour la santé publique… ou pour l’IQOS ?
Si les différentes interventions citées ci-dessus avaient d’ores et déjà valu au cigarettier d’être accusé d’une grande hypocrisie par de nombreux médias et associations anti-tabac, toutes ces déclarations ne restaient finalement que des mots. Des mots prononcés par différents dirigeants d’une entreprise qui, en parallèle, continuait et continue encore de vendre des produits du tabac sur plus de 180 marchés.
Mais si l’on en croit les récentes fuites révélées par la presse britannique, en l’objet d’un mail et de deux documents d’information datés de mars et mai 2018, le cigarettier ne se contenterait pas que de beaux discours.
Les documents révèlent en effet que PMI aurait approché le député travailliste Kevin Barron, aujourd’hui à la retraite, qui était à l’époque connu pour ses positions anti-tabac très fermes, et qui avait notamment été à la tête de la mise en place d’une interdiction de fumer dans les lieux publics au Royaume-Uni.
Ces discussions auraient pris la forme d’une proposition au député, de la part du cigarettier, de faire adopter un projet de loi destiné à la mise en place d’un fond de transition pour le tabac d’une valeur d’un milliard de livres sterling, qui aurait été dépensé par les autorités locales de santé publique afin de « persuader les fumeurs d’abandonner la cigarette au profit d’alternatives telles que son produit du tabac chauffé [IQOS] ».
En d’autres termes, le cigarettier se proposait de verser, en compagnie de tous les grands cigarettiers ayant des produits sur le marché au Royaume-Uni, un milliard aux autorités de santé publique en l’échange d’un projet de loi qui assouplirait la réglementation sur la cigarette électronique et les produits du tabac chauffé une fois le pays hors de l’Union Européenne.
Ce projet de loi, s’il avait été adopté, aurait signifié la suppression des restrictions en matière de publicité pour les produits de la vape et du tabac chauffé, ainsi que la fin de la limitation à 20mg/ml du taux de nicotine pour les e-liquides.
Le projet de loi aurait également inclus la redéfinition du statut de l’IQOS en tant que “considerably less harmful novel smokeless tobacco product”, c’est-à-dire un « nouveau produit du tabac considérablement moins nocif », nouvelle catégorie créée pour l’occasion et dont la réglementation aurait alors été plus légère et dont la promotion aurait pu être faite auprès des personnes « qui ne peuvent pas arrêter de fumer et ne passent pas aux cigarettes électroniques » indique l’un des documents ayant fuité.
Les organismes de santé publique auraient du rendre des comptes au cigarettier
Mais les documents ne s’arrêtent pas là. En effet, ces derniers précisent également que parmi la somme versée aux autorités de santé publique, 15 millions auraient été alloués à Public Health England (PHE), qui aurait alors du « rendre compte chaque année de ses efforts et de ses réalisations pour améliorer la base de connaissances scientifiques et la compréhension des consommateurs sur les alternatives non combustibles ».
Oui, si ce projet de loi avait été adopté, PHE, agence exécutive du ministère de la santé britannique, aurait dû rendre des comptes à un cigarettier dont les produits font partie de ceux qui tuent chaque année plus de 7 millions de personnes dans le monde.
Ce projet de loi a été présenté et soutenu par le député le 30 octobre 2018, mais n’a pas été adopté.
Pour Deborah Arnott, directrice générale d’Action on Smoking and Health (ASH), cette tentative est « d’une hypocrisie à couper le souffle » et « totalement inacceptable » :
« L’industrie du tabac est l’entreprise de consommation la plus rentable de la planète, vendant des produits qui tuent 7 millions de personnes par an dans le monde et près de 100 000 au Royaume-Uni seulement. L’industrie peut se permettre de payer et on devrait la faire payer, sans lui permettre de s’asseoir à la table des décisions politiques du gouvernement afin qu’elle puisse s’assurer que le fonds est utilisé pour promouvoir les intérêts de ses actionnaires plutôt que la santé publique » a-t-elle déclaré.
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