Verra-t-on demain un Al Capone de la vape ? Loin d’être incongrue, cette question peut être sérieusement posée. La TPD a déjà engendré un marché noir de la vape, marginal mais actif. Une législation prohibitive comme celle de l’Ontario où les projets de la Commission européenne ne ferait alors qu’amplifier le phénomène, avec des conséquences désastreuses. La prohibition américaine en est un cas d’école.

Le marché noir de la vape

La récente loi sur la vape en Ontario, la chape tombée sur le marché Italien, les projets sinistres de la Commission européenne, laissent de plus entrevoir la possibilité d’une réelle prohibition de la vape.

Alors que j’écris le présent article, j’ai, sur mon bureau, devant moi, un certain nombre de produits achetés après la TPD et explicitement interdits par elle. Ces produits, parmi lesquels des e-liquides contenant de la nicotine en bouteilles d’une contenance supérieure à 10 ml et de bases nicotinées allant au-delà du maximum de 20 mg/ml, ont été achetés en dehors des circuits de distribution habituels.

Des groupes sont déjà actifs, en réaction à la TPD, sur un marché noir de la vape.

Les groupes qui proposent de trouver ce type de plan sont actifs, et même s’ils sont marginaux et somme toute inoffensifs, ils constituent la base de ce qu’il est convenu d’appeler un marché noir. Il s’agit jusqu’ici de quelques personnes qui n’acceptent pas les règles de la TPD, les jugeant injustes, et préfèrent jouer aux gendarmes et au voleurs avec les douaniers plutôt que se plonger dans les contournements « officiels » (type biberons de liquides boostés).

Ils pourraient constituer les fondations d’un phénomène plus important en cas de durcissement de la loi. 

Mais si des restrictions plus sévères venaient à être prises dans l’avenir, ces groupes constitueraient la base d’un marché parallèle de la vape. Et c’est paradoxalement des lois prises pour « La protection de la santé du consommateur » qui pourraient mener à des expérimentations bien plus dangereuses. C’est ce qui s’est passé pendant la prohibition.

Le paradoxe d’Al Capone

La prohibition américaine qui courut de 1919 à 1933, était à l’origine destinée à combattre l’abus d’alcool en l’interdisant purement et simplement sur le territoire américain. Il y eut en vérité plusieurs phases, à partir des années 1890 : la production d’alcool fut d’abord contrôlée, suite à de nombreux accidents, ce qui entraîna aussitôt un système de fraudes organisé et massif.

La prohibition américaine est, historiquement, un cas d’école riche d’enseignements.

Puis la production fut interdite sur le territoire américain, ce qui eut pour effet de reporter l’intégralité de la consommation d’alcool sur les produits importés et fut nuisible à une part de l’économie américaine, puisque, outre les pertes d’emploi dans les distilleries et dans l’agriculture, la fuite des devises vers l’étranger augmenta.

Enfin, à partir de 1919, la phase de prohibition telle que nous la connaissons fut mise en place. Aussitôt, le crime organisé prit le relais, à travers l’importation illégale, en contrebande, et une production locale faite avec les moyens du bord donnant des produits de faible qualité, et un réseau de distribution entièrement contrôlé par la mafia : les speakeasies, les fameux bars clandestins ou Eliott Ness fit tant de descentes.

Elle eut pour effet sanitaire l’inverse de celui escompté, et favorisa l’apparition de gangsters puissants comme Al Capone. 

Le paradoxe, c’est que, en essayant de lutter contre les méfaits de l’abus d’alcool, le gouvernement américain perdit la main sur toute forme de contrôle, et les accidents dus aux alcools frelatés, les règlements de comptes entre mafieux et l’alcoolisme partirent de plus belle. L’alcool fort étant plus rentable à trafiquer, la bière légère se vit substituer le whisky ou le gin plus fortement dosé.

Al Capone

La prohibition, un cas d’école pour la vape ?

Cette période de la prohibition d’alcool américaine est et restera un cas d’école : l’interdiction, la taxation excessive ou la coercition d’un produit de consommation courante auquel la population est attaché est impossible et engendrera immédiatement un marché parallèle par définition incontrôlable.

Ce modèle peut-il s’appliquer à la vape ? Pas à la même échelle, mais avec les même mécanismes. 

Ce modèle peut-il s’appliquer à la vape ? Non, évidemment, pas à cette échelle. On ne verra pas un Al Capone distribuer des liasses de billets aux policiers corrompus en tirant d’énorme clouds. Mais nul doute que si le marché noir de la vape s’avérait être, au final, rentable, le crime organisé y verrait le moyen de faire des bénéfices supplémentaires. En y appliquant ses méthodes.

Aussi contraignante et disproportionnée qu’elle soit, la législation sur la vape a fait disparaître un certain nombre d’éléments qui pouvaient s’avérer préjudiciables, comme le diacetyl, par exemple. Une prohibition, avec la création d’un marché parallèle qui s’affranchirait de toute réglementation, de contrôles et de suivi pourrait marquer son grand retour.

N’importe qui peut fabriquer et vendre du liquide, si il s’affranchit des règles. 

Le plus inquiétant là-dedans serait, entre autres, la provenance de la nicotine. D’où proviendrait-elle ? Qui l’aurait extraite ? Dans quelles conditions, avec quels produits ?

N’importe qui peut fabriquer du e-liquide dans son garage et le vendre. Il ne sera pas possible d’interdire le propylène glycol et la glycérine végétale, ces produits ayant maints autres usages, mais il sera possible d’interdire les arômes destinés à la vape. Dès lors, on verrait inévitablement apparaître des arômes « maison » à base de produits alimentaires, adaptés au système digestif, mais pas au système respiratoire.

Un enfer politique

Même si les néo-vapoteurs ne seront pas directement concernés par ce marché noir, une bonne dose de curieux et de convaincus s’y plongeront avec avidité, plutôt que d’arrêter ou de changer de méthode d’absorption de la nicotine. Les amis d’amis convertis auxquels viendront s’ajouter ceux qui sont irrésistiblement attirés par l’interdit viendront grossir les rangs de cette « dark vape ».

Les néo-vapoteurs viennent d’ailleurs plus rapidement au DIY qu’auparavant. Habitués à mélanger leurs liquides avec des boosters de nicotine, ils seront par ailleurs moins effrayés par les mélanges “maison”. Et, avec l’accroissement constant du marché de la e-cig, les apprentis-sorciers ne manqueront pas.

Imaginerait-on l’image d’un gouvernement jeter quelqu’un en prison pour avoir essayé d’arrêter de fumer ? 

Quand à la coercition… On a du mal à imaginer un gouvernement jeter un vapoteur en prison, pour qu’ensuite un avocat médiatique viennent expliquer dans tous les journaux « Tout ce que voulait mon client, c’est arrêter de fumer. »

Une prohibition de la vape, en dehors des millions de fumeurs qui seront maintenus dans le tabac, aura une autre conséquence sanitaire désastreuse, celle de milliers de personnes qui vaperont n’importe quoi. Il n’est pas abusif de dire qu’une législation trop dure, dans l’intention de protéger, aurait l’exact effet inverse de celui qu’elle vise.

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