Entre conseils utiles et désinformation, nous passons au crible les recommandations d’un hôpital américain et vous donnons les clés pour aborder sereinement ce sujet délicat.

Ce qu’il faut retenir

  • Les 9 signes proposés mélangent indices réels (objets suspects) et symptômes banals de l’adolescence (irritabilité) ;
  • Aucune étude sérieuse ne confirme les saignements de nez comme effet secondaire du vapotage ;
  • Le vapotage est deux à trois fois plus efficace que les substituts nicotiniques pour arrêter de fumer ;
  • Si vous découvrez que votre enfant vapote, privilégiez le dialogue et évitez la diabolisation excessive qui pourrait le pousser vers le tabagisme.

Un article médical sans rigueur scientifique

Il y a quelques jours, le site officiel de Nebraska Medicine, réseau académique privé de santé à but non lucratif, a publié un article destiné aux parents américains.

Rédigé par la professeure Amber K Brown Keebler, celui-ci est censé les guider afin de savoir si leur enfant vapote, en dressant une liste de 9 indices que nous reprenons ci-dessous.

Si vous avez de jeunes enfants ou des adolescents, la question vous a sans doute traversé l’esprit. Mon enfant vapote-t-il, et comment puis-je le savoir ? Vous avez raison de vous en inquiéter.<span class="su-quote-cite">Extrait de Nebraska Medicine</span>
  • Une odeur sucrée dans l’air : avant l’interdiction récente, de nombreuses cartouches de vape proposaient des arômes sucrés, souvent prisés des adolescents, et pouvant persister dans l’air après usage. Même si ces arômes ont été interdits pour limiter le vapotage des jeunes, votre enfant peut encore en avoir ou vous vous souvenez peut-être d’une odeur sucrée dans sa chambre ;
  • Des stylos ou clés USB inhabituels : les cigarettes électroniques prennent de nombreuses formes, mais la plus courante ressemble à un stylo ou à une clé USB. Cependant, les dispositifs de vape comportent des ouvertures à chaque extrémité ;
  • Il boit plus d’eau : le vapotage peut entraîner une déshydratation ou une sécheresse buccale, souvent due au propylène glycol contenu dans l’e-liquide. Si votre adolescent boit davantage d’eau ou présente des cernes sombres, signe de déshydratation, il peut être utile d’enquêter ;
  • Il saigne du nez : si votre enfant a des saignements de nez, le vapotage peut en être la cause. Le propylène glycol est une substance déshydratante qui réduit l’humidité dans le nez. En expirant souvent par le nez, la vapeur assèche les muqueuses et peut provoquer ces saignements ;
  • Il tousse ou présente des aphtes : des recherches récentes associent la vape à des plaies buccales qui guérissent mal, ainsi qu’à une toux ressemblant à celle des fumeurs. La vapeur semble perturber le système immunitaire et nuire aux cellules ;
  • Il possède de nouvelles batteries ou chargeurs : la plupart des appareils de vape nécessitent des piles rechargeables ou à changer toutes les deux heures d’utilisation. Certains peuvent être rechargés par câble USB. Soyez attentif à des piles ou chargeurs inhabituels ;
  • Des cartouches ou des vape jetées : si vous trouvez des objets comme du coton usagé, des petites pièces métalliques, des pods ou atomiseurs (qui transforment le liquide en vapeur) dans le sac ou la poubelle de votre enfant, il est probable qu’il vapote ;
  • Il prend souvent de courtes pauses : votre adolescent peut sortir vapoter pour éviter d’être surpris. Si vous remarquez qu’il sort plus souvent pour de courtes pauses, cela peut être un signe ;
  • Il est irritable : la dépendance à la nicotine peut provoquer de l’irritabilité, surtout entre deux utilisations. Les symptômes de sevrage incluent irritabilité, agitation, maux de tête et envies pressantes. Cela peut indiquer un usage de la vape.

Un ton alarmiste, et de fausses informations

Bien que les e-cigarettes soient parfois présentées comme un moyen d’arrêter de fumer, rien ne prouve leur efficacité. En réalité, les recherches montrent qu’elles augmentent les risques de commencer à fumer.<span class="su-quote-cite">Extrait de Nebraska Medicine</span>

L’article poursuit en présentant le vapotage aux parents inquiets. Il indique par exemple que l’aérosol d’une cigarette électronique « renferme certains des mêmes produits toxiques que la fumée de cigarette, telle que le formaldéhyde, le chrome, le plomb et le nickel, exposant les poumons à des particules métalliques toxiques et à des substances cancérigènes. » Et poursuis : « Encore plus inquiétant : d’autres substances peuvent être utilisées avec les cigarettes électroniques, comme le cannabis, l’huile de haschisch, les opiacés ou des drogues de synthèse dangereuses. »

À mon avis, il n’y a rien de positif dans le vapotage.<span class="su-quote-cite">Extrait de Nebraska Medicine</span>

Sans oublier de préciser que « bien que les e-cigarettes soient parfois présentées comme une aide au sevrage, aucune preuve ne montre leur efficacité réelle. Au contraire, les recherches indiquent que le vapotage augmente le risque de se mettre à fumer. »

Bien sûr, pas une seule affirmation présentée n’est sourcée. Lorsque l’article parle d’études scientifiques, il ne les cite pas. Lorsqu’il met en lumière certains des soi-disant symptômes du vapotage, il n’apporte pas le moindre élément qui puisse les corroborer. Tout comme il se contente de remettre en cause l’efficacité du vapotage dans le cadre du sevrage tabagique, sans expliquer pourquoi.

Ce qui dit la science sur le vapotage

Ce qu’affirme Nebraska Medicine Ce que dit la science
« Le vapotage provoque des saignements de nez. » Aucune étude sérieuse n’a établi ce lien. Les effets secondaires connus sont plutôt toux, irritations ou céphalées passagères.
« Rien ne prouve l’efficacité des e-cigarettes pour arrêter de fumer. » De nombreuses études et méta-analyses montrent qu’elles sont 2 à 3 fois plus efficaces que les substituts nicotiniques classiques.
« La vapeur contient les mêmes toxiques que la fumée de cigarette. » La vapeur contient bien moins de composés nocifs : plus de 90 % de réduction par rapport au tabac selon le service de santé britannique, par exemple.
« Le vapotage mène au tabagisme. » Le lien de causalité n’est pas démontré. En revanche, pour les fumeurs adultes, la vape est un outil reconnu de réduction des risques.

Plus de dix ans ont passé depuis l’adoption du vaporisateur personnel par le grand public, et plusieurs centaines de recherches s’y sont intéressées. Aujourd’hui, il existe un faisceau concordant de preuves qui indiquent que, non seulement la cigarette électronique aide à arrêter de fumer, mais elle serait même l’outil le plus efficace pour y parvenir1,2. Selon les sources, l’efficacité du vapotage dans le cadre du sevrage tabagique serait deux à trois plus élevée que celle des substituts nicotiniques habituels, comme les patchs de nicotine, les gommes à mâcher, les inhalateurs, etc. Des chiffres qui proviennent, par exemple, d’une méta-analyse regroupant 90 études, et dont les auteurs ont conclu qu’il existe « des données probantes d’un niveau de confiance élevé indiquant que les cigarettes électroniques contenant de la nicotine augmentent les taux d’abandon [du tabagisme, N.D.L.R.] par rapport aux substituts nicotiniques. »

Les interventions les plus efficaces pour arrêter de fumer étaient les cigarettes électroniques avec nicotine, la varénicline et la cytisine (toutes d’un niveau de confiance élevé).<span class="su-quote-cite">Extrait d'une autre méta-analyse regroupant cette fois 319 études et 157 179 participants.</span>

De même, la composition de l’aérosol (la vapeur) produit par une vapoteuse, a été largement étudiée. S’il peut légèrement varier en fonction du e-liquide consommé, du modèle de cigarette électronique, et de la puissance à laquelle l’appareil est utilisé, toutes les données convergent dans la même direction : la vapeur d’une e-cigarette contient beaucoup moins de composés nocifs que la fumée de tabac. Là encore, les chiffres varient selon les sources, mais il est généralement admis que le vapotage réduit de plus de 90 % les composés nocifs et potentiellement nocifs par rapport au tabagisme3,4,5,6.

Soulignons également qu’il n’existe, à notre connaissance, aucune étude scientifique sérieuse n’ayant décelé le saignement de nez comme potentiel effet secondaire du vapotage. Les effets secondaires de l’utilisation d’une cigarette électronique2 sont généralement :

  • Une toux, qui disparaît le plus souvent après quelques jours de vapotage ;
  • Une irritation de la gorge et de la bouche ;
  • D’éventuels maux de tête ou nausées.

Autant d’effets secondaires qui proviennent le plus souvent de la consommation de nicotine, et, parfois, des nombreux mécanismes qui se mettent en place dans l’organisme lors du sevrage tabagique. Notons toutefois que la nicotine entraîne, elle aussi, certains effets secondaires, comme une augmentation du rythme cardiaque, de la tension artérielle, ainsi qu’une réduction de l’appétit. Des travaux lui prêtent également certains effets positifs, comme une augmentation de la concentration et de la mémoire7,8.

Le vapotage des plus jeunes, un problème insoluble

Si, comme souvent aux États-Unis, cet article propage de fausses informations au sujet des dangers du vapotage, reste que l’utilisation de la cigarette électronique par les mineurs est un véritable sujet.

Si l’adolescent avait pour habitude de fumer : si le vapotage remplace le tabagisme, alors son utilisation est positive. En utilisant une cigarette électronique, le mineur expose son organisme à (beaucoup) moins de substances nocives ou potentiellement nocives. Bien sûr, il restera toujours mieux pour lui de ne pas fumer, et de ne pas vapoter. Dans le cas d’un mineur, l’addiction à la nicotine étant récente, les chances sont d’autant plus grandes de réussir à l’en sevrer sans passer par un outil de substitution, comme le vaporisateur personnel.

Si le jeune ne fumait pas : en l’absence de tabagisme, l’utilisation de la cigarette électronique doit cesser. La seule raison d’être du vapotage est de fournir, aux fumeurs qui n’ont pas réussi à arrêter de fumer autrement, une alternative au tabagisme. L’utilisation du vaporisateur personnel doit toujours venir en remplacement (ou, dans le pire des cas, en parallèle) des cigarettes de tabac. Un adolescent qui ne fumait pas n’a aucune raison de vapoter. Sauf si, sans vapoter, il aurait fini par fumer.

Le problème étant qu’on ne peut jamais savoir si un adolescent vapoteur aurait, sans cela, commencé à fumer, c’est ici que le débat devient insoluble.

Alors que faire si mon enfant vapote ?

Si votre enfant utilise une cigarette électronique, prenez le temps d’en discuter avec lui. Quels que soient ses choix, lors de l’adolescence, le dialogue est particulièrement important. Bien que parfois difficile.

Adoptez une position nuancée. Si le mieux, pour toute personne, quel que soit l’âge, est de ne pas fumer ni vapoter, la cigarette électronique est reconnue comme étant beaucoup moins nocive que le tabagisme. S’il ne souhaite pas arrêter, dans ce cas précis, il peut être acceptable d’adopter une position de, « il aurait pu fumer, ça aurait donc pu être pire. »

La clé reste le dialogue et l’information. Car une diabolisation excessive du vapotage peut, paradoxalement, pousser vers le tabagisme.

Sources et références

1 P. Hajek, A. Phillips-Waller, D. Przulj, et al., A randomized trial of e-cigarettes versus nicotine-replacement therapy, N Engl J Med, 380 (7) (2019), pp. 629-637

2 Hartmann-Boyce J, McRobbie H, Lindson N, Bullen C, Begh R, Theodoulou A, Notley C, Rigotti NA, Turner T, Butler AR, Hajek P. Electronic cigarettes for smoking cessation. Cochrane Database of Systematic Reviews 2020, Issue 10. Art. No.: CD010216. DOI: 10.1002/14651858.CD010216.pub4.

3 Britton, J. and I. Bogdanovica, Electronic cigarettes : A report commissioned by Public Health England.London : Public Health England, 2014

4 McNeill A, Brose LS, Calder R, Hitchman SC, Hajek P, McRobbie H : E-cigarettes : an evidence update – A report commissioned by Public Health England, 2015

5 Nutt, D.J., et al., Estimating the harms of nicotine-containing products using the MCDA approach.European addiction research, 2014. 20(5): p. 218-225

6 Hajek, P., et al., Electronic cigarettes: review of use, content, safety, effects on smokers and potential for harm and benefit.Addiction, 2014. 109(11): p. 1801-1810

7 Rusted J, Graupner L, O’Connell N, Nicholls C, « Does nicotine improve cognitive function? » [archive] Psychopharmacology (Berl.) (en) 1994;115(4):547–9. DOI 10.1007/BF02245580 PMID 7871101.

8 Heishman SJ, Kleykamp BA, Singleton EG, « Meta-analysis of the acute effects of nicotine and smoking on human performance », Psychopharmacology (Berl) (en), vol. 210, no 4,‎ 2010, p. 453-469 (PMID 20414766, PMCID PMC3151730, DOI 10.1007/s00213-010-1848-1).

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