Efficacité de la mise en place de la taxation minimum sur les produits du tabac au sein de l’Union Européenne, évolution des revenus qu’elle génère pour les Etats membres, évolution du marché du vapotage, retour sur le dernier rapport de la commission européenne.

Etudier la pertinence d’une directive en place depuis 9 ans

Il y a quelques jours, la commission européenne publiait un rapport (1) de 75 pages sur l’efficacité de la taxation des produits du tabac au sein de l’Union Européenne, et son efficacité dans la réduction du taux de prévalence tabagique pour les Etats membres. Selon ses auteurs, l’étude possédait pour objectif de :

  • Déterminer si la directive appliquée en 2011 (council directive 2011/64/eu) qui fixe les taux minimums de taxation a atteint son double objectif, qui est d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur et, en même temps, de garantir un niveau élevé de protection de la santé,
  • Evaluer sa contribution à d’autres politiques de l’UE telles que la lutte antitabac et la lutte contre le commerce illicite,
  • Déterminer si de nouvelles préoccupations et de nouveaux défis sont apparus depuis son adoption, et si des mesures politiques ultérieures sont nécessaires pour remédier aux lacunes identifiées et à l’évolution récente du marché.

Pour l’analyse, les auteurs indiquent s’être appuyés sur de la recherche documentaire, l’analyse de données économiques et statistiques, des consultations avec les parties prenantes et les administrations des Etats membres, ainsi qu’une consultation publique.

Le tabac, énorme source de revenus pour les états membres

Selon le rapport de la commission, en 2016, les taxes d’accises sur le tabac ajoutées à la TVA auraient représenté 106,5 milliards d’euros pour les Etats membres, soit 2,7 % du revenu total de l’Union Européenne.

Les cigarettes de tabac resteraient « de loin » la première source de ces revenus, malgré une diminution de leur consommation. Le document note ainsi qu’en 2005, si l’Europe avait observé la vente de 728 milliards de cigarettes, ce chiffre passait à 606 milliards en 2010, et 475 milliards en 2017. Une tendance à la diminution donc, qui aurait également été enregistrée pour les cigares et cigarillos, ainsi que les « autres produits du tabac ». Seule la consommation du tabac à rouler aurait augmenté, passant de 57 millions de kilos vendus en 2005, à 82 millions en 2010, puis 83 millions en 2017.

Selon les auteurs, les taxes sur les produits du tabac représenteraient « une contribution pertinente au budget des États membres ».

Ainsi, en France, ces taxes représenteraient 2,2 % des revenus totaux rapportés par l’ensemble des taxes du pays. Un chiffre largement inférieur à ceux d’autres pays, comme en Bulgarie par exemple, où il monte à 14,5 %.

Le vapotage en nette augmentation

Concernant la cigarette électronique, le document rapporte que le nombre de vapoteurs aurait doublé entre 2013 et 2017, passant de 6 à 12 millions d’utilisateurs, dont « la majorité utilise quotidiennement » sa vapoteuse.

La prévalence la plus élevée aurait été enregistrée au Royaume-Uni et en France, avec 4 à 5 % de la population qui utiliseraient un produit de la vape, contre 1 à 2 % pour les autres pays membres.

En terme de chiffres, le marché de la vape aurait été estimé à 2,54 milliards d’euros en 2017, avec en première position, le Royaume-Uni où, localement, le marché serait estimé à 776 millions d’Euros, puis en France, où sa valeur aurait été de 544 millions. Les auteurs notant que l’Allemagne et la Pologne complètent ce top 4 avec des marchés dont la valeur serait estimée entre 100 et 300 millions d’Euros.

Les taux de taxation minimaux fixés par l’UE inefficaces pour soutenir les marchés intérieurs

Dans la seconde partie du rapport, les auteurs ont souhaité étudier la façon dont a influé la mise en place de taxes d’accises minimum au niveau européen, sur les marchés intérieurs. Selon ses termes, cette dernière a été « mitigée ».

Le document note ainsi que si cette taxation minimum avait pour objectif de « prévenir le risque que des écarts de taxation élevés ne génèrent des flux importants de produits des pays à faible fiscalité vers les pays à forte fiscalité », sa mise en place aurait en fait « légèrement creusé l’écart » entre les pays à faible taxation et ceux à forte taxation. La faute de certains Etats membres qui auraient adopté « un programme de santé publique ambitieux » en augmentant encore les taux de taxation.

Le rapport note ainsi que pour améliorer son efficacité, il serait nécessaire d’adopter un taux de taxe maximum, en plus du minimum. Un fait jugé « irréalisable et indésirable du point de vue de la santé publique ».

La taxation minimum peu efficace pour protéger la santé publique

Lors d’une analyse d’impact réalisée en 2008 et censée prévoir les résultats de la mise en place de la directive européenne 3 années plus tard, il était attendu une baisse de la prévalence tabagique de l’ordre de 10 % au sein de l’Union Européenne.

Selon le document de la commission, cet objectif n’a pas été atteint :

« Dans l’ensemble, l’étude a montré que les taux minimaux de l’UE n’ont eu un impact sur la santé publique que dans une minorité d’États membres d’Europe orientale (…) Dans certains États membres, l’impact de la fiscalité sur la dissuasion du tabagisme chez les jeunes a été plus faible que prévu ».

Un impact mitigé

Les auteurs indiquent que la mise en place de la directive n’a pas atteint ses objectifs premiers. Ils expliquent ainsi que :

  • En ce qui concerne l’objectif d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, les dispositions de la directive sur les taux d’accises minimaux ont été modérément efficaces pour augmenter les taux de taxation et les prix dans les États membres. Le manque de convergence des taux dans l’UE génère dans certains cas des niveaux élevés de flux transfrontaliers non intentionnels. La perte de recettes fiscales est importante pour certains États membres, tandis que d’autres enregistrent des recettes supplémentaires considérables par rapport aux consommations locales,
  • En ce qui concerne l’objectif d’atteindre un niveau élevé de protection de la santé, la directive a contribué à la baisse de la prévalence du tabagisme, mais seulement jusqu’à un certain niveau, et les niveaux de prévalence du tabagisme restent plus élevés que prévus.

Les chercheurs indiquent également que les dispositions actuelles (taux minimaux, structures et catégories fiscales) « ne sont plus pertinentes pour relever les défis futurs, en particulier pour des produits tels que les cigarettes électroniques et les produits du tabac chauffés, et les nouveaux produits qui arrivent sur le marché ».


(1) Commission staff working document evaluation of the Council Directive2011/64/EU of 21 June 2011 on the structure and rates of excise duty applied to manufactured tobacco – https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/10-02-2020-tobacco-taxation-report.pdf

Les derniers articles sur l’Europe

Annonce