Hasard du calendrier, alors que le CBD dans la vape a fait la une de l’actualité il y a quelques jours, le procès de Kanavape vient de se dérouler à Marseille. 18 mois avec sursis et 15 000 euros d’amende ont été requis. Les points à retenir.
Mise à jour du 20 novembre 2020 : la Cour de Justice Européenne a finalement donné raison à Kanavap, ouvrant la voie à la légalisation de la vente du CBD en France (voir notre article).
Le poids des mots
L’affaire Kanavape peut se résumer en peu de mots : Sébastien Beguerie, 33 ans, spécialiste du chanvre diplômé d’un master en sciences des plantes aux Pays-Bas, et Antonin Cohen-Adad, 31 ans, commercial issu d’une grande école, avaient fondé Kannavape en 2014. Les deux associés avaient vu avant tout le monde le potentiel d’associer CBD et vape dans une e-cigarette spécifique.
Comme nous le prouve l’actualité récente et comme nous l’avions expliqué dans notre article sur la législation du CBD, ce n’est pas en substance ce qu’on leur reproche. Les deux entrepreneurs ne sont pas poursuivis à cause du produit commercialisé, mais pour le champ lexical employé.
En effet, à la veille de la commercialisation du Kanavape, Antonin Cohen-Adad avait accordé une interview au magazine Vice et s’était, semble-t-il, quelque peu emballé. Après avoir expliqué que, marseillais, les deux entrepreneurs avaient grandi au milieu de fumeurs de joints à qui ils souhaitaient proposer une alternative plus saine, il s’était lancé dans un éloge du CBD à usage médical. Selon lui, Kanavape pouvait aider les patients atteints de cancers ou de sclérose en plaques.
S’ensuit un communiqué de presse, ou le duo insiste cette fois-ci sur les bienfaits relaxants et déstressants de son produit. C’est à ce moment-là que la communication a dérapé, la presse titrant sur le e-joint, et les deux hommes publiant des démentis trop tard.
Face à cela, Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, avait saisi la justice, au motif que la communication de Kanavape constituait une « incitation à la consommation de cannabis ».
Pour aller plus loin : notre page récapitulative sur le CBD
Justice aveugle, mais attentive
Le procès s’est donc déroulé ce lundi 4 décembre, et la séance a duré pas moins de neuf heures. Une durée exceptionnelle, du fait du juge Sebag, président de la chambre du tribunal correctionnel de Marseille. Passionné par l’affaire, comme le rapportent de nombreux membres de l’assistance, le magistrat a laissé chaque partie dérouler arguments et explications.
L’accusation d’incitation à la consommation de cannabis est assez faible et ne devrait pas porter à d’importantes conséquences. Dans le cas contraire, ils faudrait s’attendre à voir défiler dans les tribunaux toute la scène musicale reggae et rap française, sans compter les fabricants de bijoux, tee-shirts, posters… A l’effigie du cannabis. Et j’en oublie.
C’est sur la confusion entretenue, selon le ministère public, avec les médicaments, que le bât blesse. L’avocat de l’ordre des pharmaciens, partie civile, souligne d’ailleurs « dans leur discours, il y a des allégations thérapeutiques, une confusion organisée. Notamment parce que quand on s’inscrit sur le site de Kanavape, on reçoit des renseignements sur l’association qui promeut le cannabis médical ! »
Les deux entrepreneurs avaient interrogé l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, qui avait répondu tardivement que Kanavape ne pouvait pas être considéré comme un médicament, et donc, ne requérait pas d’autorisation. Mais, autre face de la pièce, ne pouvait donc pas utiliser d’allégations thérapeutiques.
Le ministère public n’a fait aucun cadeau aux deux entrepreneurs et a requis 18 mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende. Le jugement a été mis en délibéré jusqu’au 8 janvier.