Lors du dernier Sommet de la vape, le professeur Benoît Vallet, ex-directeur de la direction générale de la santé (DGS) française, a soutenu ouvertement le vapotage dans la lutte contre le tabagisme. Retour détaillé sur l’un des discours les plus importants de cet évènement qui a marqué 2019.
Les phrases clés :
- La cigarette est l’invention la plus meurtrière de toute l’histoire de l’humanité,
- En France, le nombre de fumeurs a baissé de 1,6 million entre 2016 et 2018,
- Le vapotage permet de réduire le nombre de fumeurs de 200 000 par an en moyenne,
- On a des données probantes qui confirment bien la supériorité du vapotage sur les substituts nicotiniques pour aider au sevrage,
- Les e-liquides ne contiennent pas les plus de 4000 substances chimiques du tabac fumé,
- Aujourd’hui, on a le paradoxe d’un principe de précaution qui s’oppose à une méthode de réduction des risques.
Retranscription de l’allocution de Mr Benoît Vallet (les titres et les liens hypertextes sont un ajout de notre rédaction) :
Je suis très heureux d’être parmi vous et je vous remercie très chaleureusement, les organisateurs du troisième sommet de la vape, de m’avoir confié à leur programme de travail, en particulier, bien sûr, les associations, que ce soit pour la vape ou pour la réduction des risques. Vous le savez, je vous le redis, cela a été un très grand plaisir de travailler avec vous sur ce sujet de la réduction des risques, qui est malheureusement encore un peu méconnu des décideurs des politiques publiques, alors que depuis deux ans, finalement, il n’y a pas eu de Sommet de la vape.
Le tabagisme, première cause de mortalité évitable
Le tabac reste la première cause de mortalité évitable de notre pays. Le tabac tue une personne sur 8, soit 75 000 décès annuels, un chiffre qui a été réitéré par l’Agence de santé publique. Et pour le monde, c’est plus de 8 millions de personnes qui décèdent chaque année. Là aussi, les rapports se suivent et se ressemblent. Là, c’est celui de l’OMS qui nous l’indique.
Ce qui est un peu fâcheux, c’est que pour le milliard de fumeurs dans le monde, ce qui représente, et on comprend que l’industrie du tabac ne se précipite pas vers la réduction des risques, 740 milliards de cigarettes vendues par an, pour ce milliard de fumeurs dans le monde, près de 80 pour cent d’entre eux vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Et là, les marchés de la cigarette prospèrent. Donc, la lutte, elle est aussi mondiale. Et un jour, peut être que les acteurs de la vape française contribueront à une action internationale. C’est en tout cas ce à quoi je les invite. J’ai une mission qui m’a été confiée par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche sur la mise en place d’une académie de l’OMS en France. Et peut être qu’on pourra faire évoluer aussi l’OMS sur cette question.
Chaque jour est confirmée la triste affirmation faite de Robert Proctor dans son ouvrage, dont le titre est évidemment porteur de messages, The Golden Holocaust, selon laquelle la cigarette est l’invention la plus meurtrière de toute l’histoire de l’humanité. Ce qui est embêtant, c’est que dans un monde où circulent des informations très contradictoires, l’enquête BVA qui vient de vous être présentée délivre un résultat catastrophique.
80% des interrogés pensent que la nicotine est cancérigène. C’est un retour en arrière absolument invraisemblable et ce sommet de la vape doit frapper fort par rapport à cette question. Ce sondage nous dit aussi que près de trois Français sur cinq pensent que vapoter est au moins aussi dangereux que fumer. Comment est ce qu’on en est arrivé à ce stade là ? Cette résistance au vapotage, alors même qu’il est considéré par l’Agence de santé publique comme le moyen le plus utilisé par les fumeurs pour arrêter de fumer ?
Je vous propose donc cinq points d’analyse permettant d’expliquer ces résistances, celles des décideurs.
La résistance du cadre législatif
Le premier point, c’est celui du cadre législatif. Il n’encourage pas les décideurs, mais en pratique, il a réussi à implémenter une vraie lutte contre le tabagisme dans ce pays. C’est la directive européenne qui a été transposée dans la loi de modernisation du système de santé. Cette loi de 2016, portée par Marisol Touraine, a permis des pas gigantesques en matière de lutte contre le tabac, en installant le paquet neutre, en développant la capacité à prescrire des substituts nicotiniques, notamment par une foultitude de professionnels de santé.
En imposant aussi, et ceci est très important, l’obligation légale de transparence des acteurs de la vie publique vis à vis de l’industrie du tabac et la co-détermination des prix du tabac par les ministères de la Santé et des Finances. C’est cette dernière mesure qui a facilité en 2017 la mise en œuvre dans la durée d’une politique de relèvement soutenu des prix et la création. Et ceci est très important également, on y reviendra, d’un fond de lutte contre le tabac au sein de la CNAM, qui permet le financement d’actions nouvelles et le financement de la recherche.
La politique volontariste de 2016, qui s’est accompagnée de marketing social et en particulier du lancement de l’opération Mois sans tabac, a clairement permis d’obtenir un million de fumeurs en moins, de fumeurs quotidiens, entre 2016 et 2017. L’augmentation des prix à laquelle je faisais référence en 2017 a permis d’engranger à nouveau 600.000 fumeurs de moins, c’est à dire qu’en deux ans, entre 2016 et 2018, le nombre de fumeurs a baissé de 1,6 million, ce qui était évidemment une baisse historique.
Une baisse de la prévalence de 4 points amène donc aujourd’hui la prévalence en population, prévalence moyenne, il reste des inégalités sociales que je ne vais pas détailler, à 25,4 pourcent, ce qui dit que l’objectif initial du PNRT de 2014 est en passe d’être atteint. Puisqu’il prévoyait une prévalence à moins de 20 % à l’horizon 2024. C’est atteignable. Mais le vapotage doit prendre une place très forte pour cette atteinte.
Je parlais du cadre législatif. Le Code de santé publique qui traite de la lutte contre le tabagisme, a bien inscrit un chapitre qui s’appelle Les produits du vapotage, et il est distinct du chapitre historique des produits du tabac.
Des distinctions ont bien été apportés entre tabagisme et vapotage en particulier, et nous y avons travaillé ensemble sur les lieux publics de consommation. Mais n’en est pas de même, toutefois, sur d’autres chapitres qui restent probablement à faire avancer. Un chapitre, par exemple, comme celui de la publicité et de la propagande, pour favoriser l’incrémentation de l’utilisation du vapotage au niveau du grand public et changer cette perception que le sondage nous a rapporté.
La mise en place du cadre législatif aura aussi servi de contexte favorable à cette politique publique tournée vers le recours au vapotage pour le sevrage. Les ventes de tabac ont baissé de 1,4 pourcent entre 2016 et 2017.
J’en profite pour remercier le directeur général des douanes de l’époque, Rodolphe Gintz, qui a été particulièrement transparent sur l’évolution des ventes du tabac. Ce qui n’était pas le cas précédemment. Et ces ventes du tabac ont un nouveau baissé de 10 % entre 2017 et 2018. La vente des substituts nicotiniques a augmenté de 28,5 % et les ventes du produit du vapotage auront augmenté de 15 % en 2017 et de 21 % en 2018, selon une étude Xerfi récente. Souhaitons que ce progrès ne suive pas d’une stagnation telle qu’elle est annoncée pour la rentrée de septembre [ndlr : 2019].
Le vapotage permet de réduire, cela a a été dit dans l’introduction, le nombre de fumeurs de 200 000 par an en moyenne. Une estimation de l’Agence de santé publique, que l’on remercie pour avoir mis à disposition des informations sur le tabagisme maintenant, et ceci depuis 2014, de manière annuelle.
Il est possible d’estimer une baisse des dépenses d’assurance maladie par le vapotage, qui ne coûte rien à l’assurance maladie, de 100 millions d’euros par an, soit de 700 millions sur sept ans, si on part sur la base prudente de dépenses liées au tabac, d’environ 13 milliards d’euros par an, chiffres 2017, et un nombre de fumeurs quotidiens de l’ordre de 13 millions, soit un coût de 1.000 euros par fumeur et par an.
Ce type d’objectif est certainement à avoir à l’esprit, même si la santé dépasse beaucoup la question du coût. Mais là, on a un engagement qui ressemble aussi à ce qui peut être favorable à la société. C’est le langage qui nous permet d’être entendu par les autorités de santé publique. La réalité d’une telle économie par le tabac devra être mesurée, mais elle devrait être rapidement appréciable, tout particulièrement en matière de risques cardio-vasculaires.
Cela a été dit, mais des études récentes, et en particulier des études publiées dans JAMA par Duncan et Cie, montrent que le risque est diminué de près de 40 pour cent à seulement cinq ans du début du sevrage. Donc, on a un enjeu qui se chiffre en seulement quelques années, et il est évidemment tout à fait indispensable que nous puissions nous concentrer sur des outils qui permettent effectivement cette réduction drastique du tabagisme.
Le PNRT a bien servi de contexte favorable au vapotage, au moins autant qu’aux substituts nicotiniques. Mais comme tout est affaire de perception et de comportement dans ce domaine, le succès de la vape par rapport aux substituts nicotiniques fait dans une large mesure, appel au registre du plaisir. L’obtention du fameux hit des vapoteurs, là où les substituts nicotiniques sont associés à la maladie et aux traitements, ça, c’est une différence considérable. Et d’ailleurs, on a des données probantes qui confirment bien la supériorité du vapotage sur les substituts nicotiniques pour aider au sevrage.
L’étude, qui va sans doute être discutée aujourd’hui de Peter Hajek, montre que sur plus de 880 fumeurs qui sont répartis en deux groupes, d’un âge moyen de 40 ans, qui consomment 15 cigarettes par jour, entre un peu plus de 400 vapoteurs et un peu plus de 400 qui utilisent des substituts nicotiniques, on observe qu’à 12 mois, le taux d’abstinence a quasi doublé chez les vapoteurs par rapport aux utilisateurs de substituts. Ça ne marche pas chez tous ceux qui ont été entrés dans l’essai, mais le résiduel est beaucoup plus important chez ceux qui ont utilisé les substituts nicotiniques.
Les critiques de la publication ont bien fait remarquer que 79% poursuivent leur vapotage. Donc, ils continuent de prendre de la nicotine, mais ce n’est pas le problème. Contre seulement 9% qui poursuivent les substituts nicotiniques. Oui, mais il y en a moins qui ont réussi à sortir du tabac.
Autrement dit, passer l’année de sevrage, les vapoteurs continuent de vapoter. Est-ce que c’est un échec pour autant ? Certainement non. C’est bien la continuation du tabagisme qui est un échec. C’est ça qu’il faut marteler.
La résistance des décideurs sur la toxicité méconnue de la cigarette électronique
Deuxième point: les décideurs demeurent inquiets sur une toxicité méconnue de la vape. Les autorités de santé publique nous disent au fond, on a un recul de seulement 10 ans depuis son apparition à cette vaporette, et donc on n’a pas réellement de mesure des conséquences sanitaires, le principe de précaution s’impose. Bon, ça fait dix ans quand même maintenant.
De fait, des épisodes sanitaires très inquiétants, très médiatisés, ont été observés récemment. Très rapidement, le 26 août 2019, les CDC d’Atlanta révèlent la mystérieuse maladie pulmonaire qui touche plusieurs centaines d’utilisateurs du vapotage. Quelques uns sont décédés. On rappellera ici, pour faire bonne mesure, que le tabagisme est considéré comme responsable de 480.000 morts aux Etats-Unis, 1500 morts par jour, 1500 morts par jour aux Etats-Unis !
Le 9 septembre, soit une quinzaine de jours seulement après la déclaration des CDC, la maladie pulmonaire des vapoteurs était rattachée à l’utilisation de produits de la vape contenant de l’huile de tétrahydrocannabinol (THC), et de l’acétate de vitamine E, entraînant une pneumopathie lipidique exogène aiguë dont le traitement efficace a été le recours à la corticothérapie. Ceci me parle. Je suis réanimateur. J’avais juste envie de vous le dire au passage.
En Europe et en France, à ce jour, aucun cas de pneumopathie équivalente, après consommation de produits du vapotage d’origine européenne n’a été enregistré, de source sûre auprès des autorités sanitaires de ce pays.
Le directeur général de l’ANSES, qui a indiqué que la vitamine E ou les produits à base de THC ne sont pas autorisés en Europe ou en France, rappelle que le système de déclaration obligatoire qui a été installé en Europe et en France, loi de 2016, impose à tous les fabricants de produits de vapotage de déposer la composition intégrale de ces produits, soit 1200 produits différents. L’ANSES ayant pour mission ensuite de vérifier par échantillonnage. On aura beaucoup travaillé à l’époque sur cette question des déclarations pour les rendre faciles, pas onéreuses de manière anormale, etc. C’est un point important, il garantit la sécurité des consommateurs.
Des travaux expérimentaux qui nous sont régulièrement donnés avec des rats, des souris, pour montrer les lésions tissulaires induites par la e-cigarette, contribue à la visibilisation de la nocivité de cette e-cigarette. J’emploie à dessein le terme d’e-cigarette dans ce cas.
Une dernière étude, par exemple, publiée en octobre, indique que la vapeur issue du vapotage induit des lésions carcinogènes pulmonaires et vésicales chez les souris. Ok. Enfin, les auteurs disent que chez le rat, ça ne fait strictement rien. Et pourtant, ils ont été plongés, c’est le cas de le dire, dans les mêmes conditions expérimentales. Qu’est ce qu’on peut dire de ça ?
Premièrement, bien sûr, la surveillance sanitaire s’impose à tous les produits de consommation courante. C’est ce qu’est le vapotage. Et d’ailleurs, il en va des produits du vapotage, comme par exemple, du lait en poudre pour nouveaux nés. Rappelez-vous l’affaire Lactalis.
Deuxièmement, que la recherche et son financement doivent favoriser les études de cohorte chez l’humain. C’est très important. Et ça, c’est à vous aussi de favoriser l’émergence de travaux de recherche, de favoriser l’apparition d’équipes de recherche. On va y revenir.
Troisièmement, rappeler quand même que les e-liquides ne contiennent pas les plus de 4000 substances chimiques du tabac fumé, parmi lesquelles des irritants, des produits toxiques, goudrons, monoxyde de carbone, etc. Et plus de 50 substances qui peuvent provoquer ou favoriser l’apparition du cancer, tel que rapporté par l’OMS. L’Organisation mondiale de la santé considère d’ailleurs que toutes les formes de consommation du tabac sont nocives, y compris les produits tabac chauffé. Ils ne rapportent rien en termes de nocivité sur les produits du vapotage. Ils disent « attention, attention, on ne sait pas ».
Sevrage tabagique contre double usage
Troisième point : les décideurs estiment que l’usage de la vape se prolonge au delà du sevrage tabagique.
Ah, ça, c’est un gros péché. Une partie des utilisateurs des produits du vapotage sont des fumeurs qu’on appelle des utilisateurs doubles. Ça, c’est encore pire, car ils consomment en alternance des cigarettes traditionnelles et des produits du vapotage.
Selon les résultats du dernier baromètre de l’Agence de santé publique, on remerciera beaucoup cette agence pour ses travaux, les utilisateurs doubles étaient moins de 1 % à n’avoir jamais fumé. 26 % de ses utilisateurs double ont baissé de moitié leur consommation avec le vapotage, contre seulement 11 % parmi les fumeurs exclusifs. Parmi les utilisateurs double 23 % ont fait une tentative d’arrêt d’au moins 7 jours, contre seulement 11 % des fumeurs.
Donc toujours un avantage quand même. Même si on reste, hélas dans une double prise. Toujours un avantage quand même, au fait que le vapotage puisse s’installer. Voilà, ne condamnons pas d’avance, et essayons d’aller toujours plus loin pour que le vapoteur puisse se débarrasser définitivement du tabagisme. Mais c’est par une action comportementale, par un accompagnement militant, qu’on peut arriver à ça.
D’ailleurs, de manière très intéressante, vous savez qu’il est en général indiqué que même une petite consommation de tabac, 1 à 5 cigarettes par jour, est associée à une augmentation des risques pour la santé ? Oui, mais l’étude référencée le plus souvent pour étayer cette affirmation, une étude de 2003, montre que le risque relatif de développer un cancer du poumon, est bel et bien réduit, non pas par un facteur de 2, 5, ou 10, mais bien un facteur de 15 quand on diminue le nombre de cigarettes d’un paquet par jour à 5 cigarettes ou moins par jour.
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la réduction, elle est quand même là, au rendez vous, par un effet dose. Alors ceci est [valable] pour le cancer du poumon et pour toutes les causes de cancer. Pour le risque cardio-vasculaire, c’est moins net, il faut être honnête. Mais néanmoins, on ne peut pas juste affirmer que c’est tout ou rien. C’est aussi une progressivité et ceci est très important.
La passerelle vers le tabagisme via le vapotage
Quatrième point : les jeunes entreraient dans une nouvelle addiction, celle de la vape. Elle engagerait vers une renormalisation du tabagisme. Encore l’alerte médiatique qui vient des Etats-Unis.
Effectivement, ils ont observé que l’usage de la cigarette électronique a doublé chez les adolescents américains entre 2007 et 2019. L’Institut national américain dédié à la toxicomanie attribue cette hausse à une cigarette électronique particulière qui s’appelle la Juul, qui a été proposée par Juul Labs.
Cette vaporette d’un nouveau style, est en passe de devenir, où est devenue, le numéro un de la cigarette électronique dans ce pays. Qu’en est-il de la France, alors même que cette e-cigarette a été rendue disponible chez nous depuis décembre 2018 ? C’est une question que je vous pose.
Nous avons à remarquer ici que Juul Labs, une startup créée en 2015, s’est mariée avec Altria, propriétaire de Marlboro. Ils ont donc créé un consortium d’intérêts entre l’industrie du tabac et du vapotage, qui n’est pas sans nous susciter des interrogations et des inquiétudes, alors même que l’OMS nous recommande évidemment, de ne pas être influencé par les intérêts commerciaux liés aux inhalateurs électroniques, mais en particulier lorsqu’ils sont proposés par l’industrie du tabac. Cette vigilance, elle est aussi dans vos mains. Je pense que c’est très important que vous en ayez conscience.
Alors, en France, il y a bien une augmentation de l’utilisation des produits du vapotage chez les jeunes collégiens et lycéens de 11 à 18 ans. C’est l’enquête en classe de l’OFDT qui montre que l’expérimentation est passée d’un tiers des jeunes sondés à la moitié en 2018, mais que seulement une minorité a essayé le vapotage sans avoir expérimenté avant l’usage du tabac. Ça augmente un peu, presque dix pourcent maintenant, contre seulement 4% en 2015.
L’étude PETAL, qui fait partie de ces études qui ont été financées par les programmes de recherche proposée par le fond tabac, OFDT / Inserm, confirme effectivement que la moitié des adolescents de 17 ans ont expérimenté le vapotage et que 59 % d’entre eux l’ont fait pour la cigarette.
La moitié d’entre eux sont des fumeurs quotidiens, sont rentrés dans une logique de sevrage, 7,7 % d’entre eux n’ont jamais expérimenté le tabac et seulement 2 % d’entre eux font état d’un usage régulier.
Le professeur Levy, qui est ici avec nous de l’Université de Georgetown de Washington, montre qu’en réalité, il n’existe pas entre 2011 et 2018 chez les jeunes Américains d’augmentation du tabagisme résultant du vapotage, alors même que la réduction du tabagisme chez eux, chez les jeunes Américains, a bel et bien baissé depuis 2004, et qu’elle continue de le faire, voire même que celle ci s’est accélérée depuis 2011.
Les résultats présentés par Leoni Brose, du King’s College, sont consistants avec ces données. Ils montrent que le vapotage n’est utilisé que chez 5 % des 16-17 ans et en majorité par des fumeurs habituels.
Pour le professeur Dautzenberg, qui est aussi présent avec nous. L’étude qui l’a conduite chez les collégiens et les lycéens parisiens de 2013 à 2017 montre que le nombre global de vapoteurs, de fumeurs exclusifs, et ceux qui associent les deux, diminue depuis 2013. Et la proportion de ceux associant les deux modes de consommation est passée de 26 % à 16 %.
Rien ne confirme donc aujourd’hui que les produits du vapotage peuvent servir chez les jeunes de passerelle vers le tabagisme ou faciliter la renormalisation du tabagisme en société, comme le craint le dernier rapport de l’OMS, et comme nous pourrions le craindre nous-mêmes, pour être honnêtes.
Une formation nécessaire des professionnels de santé
Cinquième point : que dire de l’insuffisance de publication et de formation des professionnels ? L’absence de publication. On peut discuter, on en a quand même citées pas mal déjà là ce matin, au pupitre, les uns après les autres.
Manque-t-on de données ? Oui, on en manque. On manque de données sur de nombreux sujets. Le financement de la recherche dans le domaine du vapotage constitue un enjeu considérable, car sont cruciales les questions relatives à l’observation de l’amélioration de la santé des vapoteurs anciens fumeurs. On sait mesurer cet effet, je parlais tout à l’heure de la réduction sur le risque cardiovasculaire, par exemple.
Mesurer les effets du vapotage au long cours, aux sujets relatifs aux sciences humaines et sociales permettant d’approfondir ce qui s’apparente à un nouveau comportement de vie, et comprendre mieux comment ces dispositifs sont rentrés dans nos sociétés.
Je le redis ici, le fonds de lutte contre le tabac, issu de la loi de 2016, a été doté d’un premier montant de 100 millions d’euros en 2018, 120 millions d’euros en 2019, dont seulement 15 millions d’euros chaque année pour des travaux de recherche proposés par l’INCa, L’IReSP ou l’INSERM.
C’est pas mal 15 millions d’euros. Mais sur les 100 ou 120 millions d’euros, c’est peut être un peu plus qu’il faudrait consacrer. Alors, la réponse à ça, c’est souvent oui, mais les équipes de recherche ne sont pas là. Donc, il faut encourager la construction de ces équipes de recherche et permettre le développement de ces projets.
Huit projets e-cigarette ont ainsi été financés entre 2016 et 2018 et trois projets ont été soumis pour 2019. PETAL que j’ai référencé tout à l’heure, Electra-Share trajectories, la cigarette électronique chez les jeunes adultes. Trajectoires d’usage et facteurs associés.
L’étude Cig-Electra, une étude longitudinale des trajectoires de consommation de cigarettes électroniques et de tabac dans la cohorte CONSTANCES, YEMI Marketing et e-cigarette, [ainsi qu’une autre sur] l’impact respiratoire d’exposition à long terme de la cigarette électronique, qui a d’ailleurs un volet animal.
On notera, et je le dis ici à dessein, il n’y a pas d’étude en l’état de ce que j’ai lu, qui s’intéresse aux données sur l’impact sanitaire du sevrage tabagique par le vapotage. Je pense que c’est important de pouvoir en faire.
Alors c’est plutôt la formation qui est déficiente en fait. La prise de conscience que nos professionnels du soin sont insuffisamment formés à la promotion de la santé est aujourd’hui une évidence.
On ne peut, à ce titre, que se féliciter de la mise en place du service sanitaire. Près de 48.000 étudiants tous les ans, depuis septembre 2018, qui pourront aborder avec un oeil neuf les questions relatives à la prévention et à la promotion de la santé qui, d’ailleurs, vont construire de nouveaux professionnels de santé et non plus des procédures de soins.
Ces étudiants pourront aussi s’intéresser aux questions de dépistage et de repérage précoce de réduction des risques. Il faut les former à la réduction des risques, mais aussi, et c’est très important, je ne sais pas si aujourd’hui c’est réellement dans leur programme, mais la question de la démocratie sanitaire. La formation de ces futurs formateurs ou ces futurs professionnels, elle pourrait être aussi faite avec le secteur associatif.
On peut aussi vous demander de participer à la formation de ces futurs professionnels de santé. C’est cela la démocratie sanitaire. Dans ce domaine, il reste à espérer que les sujets de formation aux questions de lutte contre le tabac seront abordés courageusement et que les questions de la formation de tous les professionnels de santé à toutes les ressources utilisables pour le sevrage, en particulier le vapotage, seront bien au rendez vous des programmes. Ayez la vigilance de regarder ce que fait le service sanitaire aujourd’hui. Essayez de vous rapprocher de ceux qui se forment par le service sanitaire. C’est un enjeu d’avenir considérable.
Intégrer la cigarette électronique dans les programmes de lutte contre le tabagisme
Juste pour dire avant de passer à la conclusion, on sait que dans cette salle, des associations ont démontré leur capacité à rentrer dans la sphère de la santé publique, de la formation, ou de l’évolution du système de santé publique. Je veux citer Fivape et AIDUCE, qui ont proposé la construction d’une commission de la norme du vapotage à l’Afnor. C’était très important puisque ça a permis effectivement de réguler de manière normative, et donc de protéger les consommateurs vis à vis de l’utilisation de la vape.
Mais on peut citer aussi, et je ne pourrais pas citer tout le monde, la Vape du Cœur qui, par la distribution de matériel de vapotage, à des milieux qui ont des ressources financières égales à zéro ou pas loin, ont permis effectivement le développement du sevrage dans ces secteurs particuliers, ce qui leur a permis d’ailleurs d’être reconnus comme une association d’intérêt général, et par là même occasion, de bénéficier du crédit d’impôt. Voilà tout ça, c’est la réalité d’une dynamique, qui est la dynamique associative.
Au total, aujourd’hui, on a le paradoxe d’un principe de précaution qui s’oppose à une méthode de réduction des risques.
Si nous assistons bien à une intégration de la cigarette électronique dans les programmes de lutte contre le tabagisme, les pouvoirs publics le reconnaisse-t-il ?
La position de précaution à l’égard du vapotage persistante est à double tranchant. D’un côté, elle évite aux pouvoirs publics d’être un jour accusés d’avoir promu une consommation dangereuse pour la santé, si jamais des effets nocifs du vapotage devaient in fine être mis en évidence. De l’autre, elle expose ces mêmes pouvoirs publics à n’avoir pas favorisé le vapotage comme une solution de substitution au tabagisme permettant d’éviter des millions de morts et de maladies.
Autrement dit, l’utilisation du vapotage est encouragée par les pouvoirs publics de manière indirecte, par un dialogue plus ou moins important, en particulier avec les agences de santé publique, mais sans faire l’objet d’une véritable déclaration officielle.
Et pourtant, les associations, les militants pro vape, ont été sollicités pour jouer un rôle dans les dernières campagnes de mois sans tabac. J’espère que c’est vrai pour 2019. Ça va commencer le 1er novembre [2019], et ils sont intégrés au comité de coordination du Programme national de lutte contre le tabac.
Mais il faudrait se rappeler que ces mêmes associations prônent le mode d’encadrement britannique du vapotage. En effet, la stratégie suivie par la Grande-Bretagne, ainsi que celle du Canada et de la Nouvelle-Zélande, est provape. Et les Stop Smoking Services utilisent la e-cigarette, d’ailleurs, une terminologie que le NHS veut définitivement bannir, ils sont en train de réfléchir à quelle terminologie utilisée, place donc le vapotage comme l’outil le plus utilisé pour engager le sevrage.
Le NHS, National Health Service pour le Royaume-Uni, indique que le vapotage doit être proposé par les professionnels de santé. On peut penser qu’on est encore un peu loin de cela. De même, l’interdiction d’être qualifiée de produit du sevrage tabagique ne pèse pas sur la cigarette électronique britannique, alors qu’elle s’applique à son homologue française.
Pour conclure de ces cinq points d’analyse, cinq points d’analyse qui sont un peu comme les cinq doigts de la main du vapoteur, le vapotage se présente aujourd’hui comme un outil de réduction des risques efficace, adopté par des consommateurs responsables et désireux d’éviter les pratiques nocives pour leur santé.
Vous êtes des anciens fumeurs quand vous êtes des vapoteurs engagés, et vous avez ce militantisme dans la peau, parce que vous voulez pas qu’on vous confonde, ou qu’on vous associe avec un fumeur, parce que vous savez que c’était nocif pour vous même.
L’utilité pourrait être enfin confortée par une décision publique d’encourager son recours reconnu comme outil de sevrage tabagique. Souhaitons que le sommet de la vape de cette année puisse permettre cette avancée.
Malgré le soin apporté à cette retranscription, des erreurs ou omissions peuvent apparaitre dans le texte. Si vous avez noté une erreur, merci de nous contacter.