Selon certaines organisations de lutte contre le tabagisme, la nicotine contenue dans les cigarettes électroniques représenterait un risque élevé pour le cerveau des plus jeunes. Le professeur Michael Siegel, professeur de santé publique à l’université de Boston, présente cet argument puis le déconstruit.
Les opposants aux e-cigarettes affirment qu’elles provoquent des lésions permanentes au cerveau chez les jeunes utilisateurs
Selon un article publié sur le site internet de Voice of America (VOA), l’utilisation de cigarettes électroniques peut provoquer des lésions permanentes au cerveau. [ndlr: l’OMS parle également de risques liés à la consommation de nicotine chez les adolescents.]
Selon cet article :
« Le Dr. Jonathan Winickoff, pédiatre au Massachusetts General Hospital et à l’Ecole de médicine de Harvard, a comparé l’expérimentation par les adolescents de produits de nicotine, dont les cigarettes électroniques, ‘au jeu de la roulette russe avec le cerveau’.
Le Dr. Winickoff travaille en collaboration avec l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) afin de protéger les enfants du tabac et du tabac passif. Ce dernier a déclaré à VOA ‘qu’essentiellement, cette drogue créé un besoin biologique qui peut être permanent’. Les effets incluent une baisse de la mémoire de travail, des problèmes de tension à l’âge adulte ainsi qu’un taux élevé de cas de dépression et d’anxiété ».
Dans cet article, Jennifer Duke, journaliste à RTI International, a clairement fait savoir qu’il n’existait aucune preuve que l’e-cigarette représentait une passerelle vers la cigarette traditionnelle. Cependant, le Dr. Winickoff ne semble pas être du même avis :
« Madame Duke a déclaré ‘qu’il n’existait aucune preuve définitive que l’utilisation de cigarettes électroniques incite à l’utilisation de produits du tabac’ – propos que l’on retrouve dans le rapport pour la lutte antitabac. Cependant, le Dr. Winickoff affirme que ses études et ses expériences l’ont mené à tirer une conclusion très différente.
‘L’e-cigarette programme également le cerveau des adolescents à une dépendance plus durable et plus forte’, pas seulement à la nicotine, mais également aux autres substances comme la cocaïne, la marijuana et d’autres drogues’. [ndlr : lire La nicotine comme passerelle vers d’autres drogues]
Le Dr. Winickoff ajoute que le cerveau d’un adolescent devient dépendant à la nicotine beaucoup plus vite que celui d’un adulte. ‘Le plus influençable des adolescents perdra son autonomie vis-à-vis de la cigarette traditionnelle après en avoir fumé seulement quelques-unes.
Par conséquent, avant même qu’il ne se rende compte qu’il est devenu dépendant, il commencera par ressentir dans un premier temps une certaine envie, puis un besoin intense de nicotine à chaque fois que l’intervalle de temps entre chaque cigarette s’allonge’.
‘Par ailleurs, une exposition accrue à la nicotine à un âge précoce régulera les récepteurs nicotiniques plus rapidement chez ceux qui développent des centres du cerveau que chez les adultes. Davantage de récepteurs équivaut à un désir plus intense’.»
Une propagande hystérique
Il est très important pour les lecteurs et le public de comprendre qu’il s’agit d’une propagande hystérique qui n’est soutenue par aucune preuve scientifique. Les opposants aux e-cigarettes ont tout simplement inventé cette histoire, déformant la science par la même occasion.
Voici les quelques brins de vérité contenus dans les affirmations mentionnées préalablement :
Tout d’abord, il est vrai que dans les études conduites sur des animaux, l’administration de nicotine peut entraver le développement cérébral. Chez les jeunes animaux, la principale inquiétude est l’interférence avec le développement complet du cortex préfrontal.
Dans les quelques études que j’ai examiné sur les effets potentiels liés à l’interférence nicotinique avec le développement du cortex préfrontal des humains, ces effets n’ont été relevé que chez les fumeurs et surtout chez les fumeurs qui ont commencé à fumer à un très jeune âge.
Il est primordial de reconnaître qu’il n’existe aucune preuve selon laquelle l’exposition à la nicotine a la capacité d’entraver le développement cérébral de l’adolescent.
Plus important encore, il n’existe aucune preuve qui montre qu’une exposition occasionnelle et sporadique à la nicotine, comme cela semble être le cas avec virtuellement tous les jeunes non-fumeurs qui ont expérimenté l’e-cigarette, puisse provoquer des lésions sévères ou permanentes du cerveau.
Le second brin de vérité est que les jeunes sont davantage susceptibles de développer une dépendance au tabac que les adultes et qu’un jeune pourrait devenir dépendant au tabac à partir de seulement 4 cigarettes. Cependant, ceci relève d’une dépendance au tabac et non pas à la cigarette électronique. Aucune étude n’a jamais montré qu’une exposition à un nombre moins élevé d’e-cigarettes pouvait pousser un jeune non-fumeur à devenir dépendant à la nicotine.
En effet, des preuves provenant du Royaume-Uni suggèrent que presque tous les utilisateurs réguliers de cigarettes, qui pourraient potentiellement s’avérer dépendants, sont des fumeurs préexistants. Les chercheurs ne sont pas parvenus à trouver un seul jeune non-fumeur qui aurait expérimenté les e-cigarettes et serait par la suite devenu dépendant à la nicotine. En outre, aucune étude n’a établi qu’un seul jeune non-fumeur soit devenu dépendant au tabac après avoir expérimenté des cigarettes électroniques.
Une diabolisation de la cigarette électronique au détriment de la santé publique
Le reste de l’article est qu’à ce stade, les opposants aux e-cigarettes montent de toute pièce cette histoire afin d’effrayer les décideurs politiques et le public sur les risques fictifs liés à une utilisation de cigarettes électroniques.
Malheureusement, ces méthodes nuisent gravement à la santé publique car elles mettent en péril la connaissance du public (y compris des jeunes) au sujet des graves dangers liés à la cigarette de tabac.
Ces méthodes découragent par ailleurs les jeunes fumeurs à passer aux e-cigarettes et les fumeurs adultes à arrêter la cigarette grâce à l’utilisation de la cigarette électronique. Enfin, elles encouragent les fumeurs à continuer à fumer plutôt qu’à essayer d’arrêter grâce à l’utilisation des e-cigarettes.
Après tout, si les e-cigarettes provoquaient des lésions permanentes au cerveau, alors pour quelles raisons les fumeurs passeraient des cigarettes traditionnelles aux cigarettes électroniques ?
[ndlr: Michael Siegel s’adressant ici aux auteurs de l’article :] Vous devriez alors citer d’autres dangers comme les maladies cardiaques, l’obstruction des voies respiratoires, les AVC et les cancers. Cela ne semble-t-il pas mieux que des lésions permanentes au cerveau ?
Les risques liés au tabagisme mis de côté
De manière ironique, alors que l’Académie américaine de pédiatrie met en garde le public face aux risques de lésions permanentes au cerveau liés à une exposition occasionnelle aux e-cigarettes contenant un taux quasi pur de nicotine, à aucun endroit sur leur site internet peut-on trouver une affirmation telle que le tabac peut provoquer des lésions cérébrales !
Les seules fois où l’AAP parle des effets de la nicotine sur le développement cérébral est dans un contexte lié au tabagisme maternel et à l’exposition au tabac passif des adolescents. Apparemment, le fait que le tabac provoque des lésions permanentes au cerveau des adolescents ne soulève pas de préoccupations particulières.
Honnêtement, les opposants à la cigarette électronique sont devenus si obsédés par leurs attaques personnelles contre ce produit qu’ils ont totalement oublié l’impact catastrophique du tabac aussi bien sur les jeunes que sur les adultes. La cigarette de tabac, et non pas la cigarette électronique, représente en 2015 la menace la plus importante pour la santé des adolescents. Ce n’est pas le cas, si vous écoutez les opposantes aux e-cigarettes.
Apparemment, le principal problème est les lésions permanentes au cerveau des millions de jeunes qui utilisent les cigarettes électroniques. De manière ironique, peut être que si les jeunes reprenaient leur habitude tabagique au lieu de consommer des cigarettes électroniques, ces opposants aux e-cigarettes arrêteront d’effrayer le public au sujet des effets de la nicotine et des lésions cérébrales encourues par les adolescents.
Traduit de l’anglais d’après l’article original “E-Cigarette Opponent Claims that E-Cigarettes are Causing Permanent Brain Damage among Youth Experimenters“, The Rest of the Story, Michael Siegel, 5 mai 2015.