La cigarette électronique classée comme médicament se profile dangereusement.

Le 10 juillet dernier, la Commission santé et environnement du Parlement européen recommande que la cigarette électronique soit définitivement qualifiée comme médicament, ce qui est déjà une aberration en soi : un médicament doit avoir des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines (def. Commission des Affaires juridiques).Or, la cigarette électronique n’a pas plus la prétention de prévenir des maladies que d’en soigner.

Faute de définition claire et censée, une classification aberrante.

Sur France Inter le 17 juillet dernier, Marion Adler, médecin et tabacologue à l’Hôpital Antoine Béclère de Clamart affirme haut et fort que la cigarette électronique n’était ni un substitut nicotinique, ni un produit pharmaceutique, ce qui ne l’empêche pas :

– de confirmer qu’elle ne désapprouvait pas ses patients de vapoter si les patches et gommes (qui sont bien des substituts nicotiniques, il me semble) ne leur suffisaient pas,

– d’approuver son confrère le Professeur Yves Martinet, chef du service de pneumologie du CHU de Nancy, qui s’oppose à la vente libre de ce produit et veut une vente uniquement en pharmacies.

Je prends en exemple ces deux discours parce qu’ils font écho à la contradiction générale qui règne un peu partout, que ce soit dans le milieu médical ou parlementaire : la cigarette électronique alors, c’est quoi ? Substitut nicotinique, produit dérivé du tabac, bien de consommation coutante, médicament ?

Avant de donner de grandes recommandations, il faudrait peut-être que nos parlementaires (et nos médecins) accordent leurs violons. Malheureusement, déjà entre le courant médical et parlementaire qui l’approuve entièrement et a compris qu’elle était probablement une véritable révolution bénéfique à la santé des fumeurs et celui qui continue à la désapprouver au motif que son innocuité n’a pas été démontrée, qu’elle inciterait à « poursuivre une certaine forme de tabagisme » voire à faire commencer les gens (surtout les mineurs) à « fumer »( !), cet accord à l’heure actuelle est impossible à trouver.

Que risque-t-il de se passer concrètement si la recommandation est votée en septembre à Strasbourg ?

Sans faire une redite de ce que le premier numéro du magazine de l’Aiduce (juillet 2013) a fort bien expliqué concernant les intérêts à la fois des lobbys du tabac et de ceux des entreprises pharmaceutiques à empocher à terme le marché de l’e-cig, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que ni l’un ni l’autre n’aient envie que le marché que représente à terme la cigarette électronique ne leur passe sous le nez. Encore aurait-il fallu que ces lobbys s’y prennent autrement : pour l’instant, on n’entend pas grand-chose du côté des pharmaciens. Quant aux e-cig proposées récemment par les compagnies de tabac, elles ne peuvent en aucun cas rivaliser avec les produits que les vapoteurs un tant soi peu confirmés utilisent.

Si la recommandation du 10 juillet devait en septembre prochain être approuvée par l’ensemble du parlement et par le conseil de l’UE, nous nous retrouverions donc concrètement avec une cigarette électrique « médicament », autrement dit, soumise à une AMM avant que d’être distribuée en pharmacies (ou « vente libre » sous condition de certifications, délivrées par le corps médical- tout un programme…).

Et encore plus concrètement, comment alors concevoir la chose ? Des rayonnages entiers dans les pharmacies dédiés aux dizaines d’atomiseurs, de clearomiseurs, de cartomiseurs, de mods…et aux centaines de liquides ? Une espèce de « boutique e-cig » dans la pharmacie ? Il faudrait déjà qu’un préparateur en pharmacie ne se consacre qu’à ça ! Donc, bien évidemment, les choses ne se passeraient pas de cette manière. Ce sont bien les produits qui se verraient réduits à leur portion congrue : choix minimum, matériel introuvable.

Comme par ailleurs la publicité pour la cigarette électronique (pour la bonne cause qualifiée là de « produit dérivé du tabac ») est interdite, imaginons un matraquage des sites internet, une interdiction de publier, voire de vendre.

Cette perspective, même à moyen terme, a vraiment de quoi nous inquiéter.

Il faut plus que jamais rester ferme : la cigarette électronique est bien un substitut nicotinique parfaitement (et de mieux en mieux) contrôlé par ses fabricants. Elle est assurément dénuée de tous les composants mortifères du tabac inhalé en fumée. De par son mode d’utilisation, elle est physiologiquement et psychologiquement le moyen le plus efficace pour venir à bout de la cigarette-tabac meurtrière.

En faire un médicament signifie tuer son expansion dans l’œuf.

Concrètement la rencarder sur le coin d’un rayon de pharmacie et la réduire à un modèle ou deux qui ne pourront en aucun cas satisfaire la communauté des vapoteurs.

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