À travers un rapport de 218 pages, le Royal College of Physicians a donné son nouvel avis sur le vapotage ainsi que de nombreuses recommandations au gouvernement pour en tirer bénéfice.

 

 

Alors que de plus en plus de voix s’élèvent contre le vapotage à travers le monde, au Royaume-Uni, pays ayant toujours soutenu la cigarette électronique, ses défenseurs continuent de s’exprimer. Dernière publication en date, un rapport de 218 pages réalisé par le Royal College of Physicians (RCP), principale organisation britannique de professionnels de la médecine.

Baptisé E-cigarettes and harm reduction: An evidence review (2024), le document a pour objectif de formuler des recommandations au gouvernement afin de pouvoir continuer d’exploiter les bénéfices que peut offrir le vaporisateur personnel en tant qu’outil de sevrage tabagique.

Cet article résume les principales recommandations du rapport.

Dans un pays où l'environnement de contrôle du tabac est mature et très réglementé, il reste possible, en agissant avec prudence et réflexion, d'utiliser les e-cigarettes dans le cadre de notre ambition de rendre le tabagisme obsolète.<span class="su-quote-cite">Dr Sarah Clarke, Présidente du Royal College of Physicians</span>

Informer sur la thermodégradation

Si les médecins rappellent que les méfaits pour la santé du vapotage sont bien moindres que ceux du tabagisme, l’utilisation d’une cigarette électronique n’est pour autant pas complètement sans risque. Ils soulignent que la majorité des constituants nocifs présents dans l’aérosol d’une e-cigarette provient de la dégradation thermique de différents produits au moment du processus de vaporisation.

Les recommandations

 

  • Des recherches supplémentaires devraient être entreprises pour déterminer les effets à long terme de l’exposition à la nicotine sans confusion avec le tabagisme à long terme.
  • Le gouvernement britannique devrait mettre en place des réglementations visant à garantir que la conception des e-cigarettes minimise la génération de produits de thermodégradation toxiques et l’exposition à d’autres composants potentiellement nocifs.
  • Des conseils devraient être donnés aux utilisateurs d’e-cigarettes sur les dispositifs qui permettent de réduire l’exposition aux produits de thermodégradation.

Les niveaux de substances toxiques sont plus élevés lorsque des dispositifs à forte puissance sont utilisés pour vaporiser des liquides à faible concentration de nicotine, et plus faibles avec des dispositifs à faible puissance et à forte concentration de nicotine.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport</span>

Mettre en avant le vapotage comme méthode pour arrêter de fumer

Les preuves que la cigarette électronique est un outil efficace pour se sevrer du tabagisme sont nombreuses, rappellent les auteurs du rapport, citant notamment les deux méta-analyses Cochrane (voir ici et ici). Mais le gouvernement britannique, bien que très favorable à son utilisation, n’en fait pas encore assez pour les médecins.

Les recommandations

 

    • Les e-cigarettes devraient être promues comme un moyen efficace d’aider les fumeurs à arrêter de fumer.
    • Les campagnes recommandant les e-cigarettes pour le sevrage tabagique devraient inclure les populations susceptibles d’en tirer le plus grand bénéfice, notamment les personnes souffrant de troubles mentaux, celles qui sont défavorisées sur le plan socio-économique et celles qui vivent dans des logements sociaux.
    • Les e-cigarettes devraient être proposées comme un traitement efficace pour le sevrage tabagique dans tous les établissements du NHS (National Health Service, système de santé publique anglais, N.D.L.R.), parallèlement à la pharmacothérapie établie.
    • Les priorités de recherche incluent le rôle des e-cigarettes dans la prévention des rechutes, l’arrêt de l’utilisation des e-cigarettes, et l’efficacité pour l’arrêt du tabac des différents types de dispositifs d’e-cigarettes et de leurs caractéristiques, y compris les arômes des e-liquides.

Certains signes indiquent que les e-cigarettes peuvent être bénéfiques à la fois pour l'arrêt du tabac et pour la réduction des risques chez les fumeurs souffrant de maladies mentales, y compris ceux qui ne sont pas motivés pour arrêter de fumer et qui n'ont pas réussi à le faire auparavant.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport</span>

Améliorer l’étude de la vape

Si le début de ce paragraphe est axé autour de la présence de preuves solides quant à la réduction de toxicité du vapotage par rapport au tabagisme, les auteurs ont souhaité aller plus loin.

Ils se sont penchés sur les dernières données disponibles concernant les effets du vapotage sur la santé. Utilisant des données publiées entre 2021 et 2023, ils indiquent que les taux sanguins de nicotine et de ses métabolites chez les vapoteurs sont similaires ou inférieurs à ceux des fumeurs, et que les taux de monoxyde de carbone sont plus faibles. Concernant les niveaux de nitrosamines spécifiques au tabac, de composés organiques volatils et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, ces derniers seraient plus faibles chez les vapoteurs que chez les fumeurs et  plus élevés ou similaires à ceux des non-vapoteurs/non-fumeurs.

Les recommandations

 

  • Un accord doit être trouvé sur les méthodes de recherche sur les risques sanitaires du vapotage, y compris sur les biomarqueurs les plus pertinents à étudier en ce qui concerne les risques relatifs et absolus du vapotage.
  • De grandes études de cohortes longitudinales sont nécessaires : d’une part, sur  des personnes qui vapotent et qui n’ont jamais fumé et, d’autre part, auprès d’anciens fumeurs qui vapotent en tenant compte de leurs antécédents de tabagisme.

L'utilisation des e-cigarettes pour la réduction des risques afin de réduire la morbidité et la mortalité dues au tabac combustible est basée sur des preuves évidentes que les e-cigarettes sont moins nocives pour la santé que le tabac combustible.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport</span>

Mettre en place une législation plus restrictive, mais juste

Comme le soulignent les auteurs du rapport, le Royaume-Uni s’est fondamentalement différencié du reste du monde en apportant un soutien massif au vapotage dès les premières années. Cependant, selon eux, il resterait beaucoup de progrès à faire concernant la législation de la cigarette électronique.

Les recommandations

 

  • Depuis qu’il a quitté l’Union européenne, le Parlement britannique n’a pas les pouvoirs législatifs nécessaires pour modifier la réglementation britannique sur le tabac et les produits connexes. Le gouvernement doit introduire une législation pour prendre ces pouvoirs. Il s’agit d’une priorité urgente.
  • Les restrictions réglementaires concernant la promotion, le prix et la disponibilité de tous les produits de consommation à base de nicotine doivent être proportionnelles au risque sanitaire qu’ils représentent et conçues pour décourager la consommation chez les jeunes et réduire, plutôt que perpétuer, le tabagisme.
  • La procédure de notification de la MHRA (Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, agence de réglementation des produits de santé, N.D.L.R.) devrait être révisée pour exiger un système normalisé de déclaration du contenu et des émissions des cigarettes électroniques, et pour exiger un échantillonnage aléatoire des produits en vue d’une validation indépendante des données relatives à ces derniers.
  • Les réglementations devraient être révisées pour permettre aux autorités compétentes telles que la MHRA de percevoir et d’utiliser les frais de notification pour procéder à la validation systématique des données notifiées et pour financer les activités de mise en œuvre.
  • Les services des normes commerciales devraient disposer de ressources suffisantes pour appliquer efficacement la législation sur la vente d’e-cigarettes et réduire les ventes aux mineurs.
  • Un registre des détaillants de tabac et de nicotine devrait être mis en place, assorti d’une obligation de vérification de l’âge et de sanctions significatives en cas d’infraction à la loi, dans le but de limiter l’accès des jeunes à ces produits.
  • Des réglementations sur la publicité et la promotion des e-cigarettes devraient être introduites pour restreindre les plateformes en ligne et la publicité dans les points de vente afin de limiter le marketing pour les produits de la vape auprès des jeunes.
  • Une graduation des taxes à des niveaux correspondant aux dommages probables ou causés devrait être imposée sur les produits à base de nicotine au Royaume-Uni.
  • Les stratégies de prix et de taxation des e-cigarettes devraient cibler les produits les moins chers et les plus couramment utilisés par les jeunes vapoteurs, tout en veillant à ce que les produits les plus susceptibles d’être utilisés par les fumeurs adultes désireux d’arrêter de fumer restent abordables.
  • Il convient d’envisager l’interdiction des promotions et des remises sur les prix des e-cigarettes, ainsi que la fixation d’un prix minimum pour ces produits.
  • Le gouvernement devrait envisager une série d’options politiques pour relever les défis du recyclage de la vape d’un point de vue environnemental, notamment – modifier les normes de produits, les descripteurs et la notification à la MHRA pour soutenir le recyclage – l’enregistrement auprès des agences environnementales par le biais de programmes de conformité des producteurs, en tant que composante obligatoire de la notification à la MHRA – modifier les réglementations relatives aux déchets électriques et aux piles afin d’y inclure les vapes jetables – veiller à ce que les vendeurs respectent les coûts de recyclage des produits de vapotage – fournir des points de dépôt accessibles.

La réglementation des e-cigarettes devrait être conçue de manière à protéger les utilisateurs contre les dommages évitables et à empêcher, dans la mesure du possible, les enfants qui ne fument pas de devenir des vapoteurs.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport</span>

Encourager le vapotage pour arrêter de fumer

Malgré la grande disponibilité des produits de la vape au Royaume-Uni, le nombre de vapoteurs reste relativement limité. La population britannique reste aussi très mal informée au sujet de la réduction du risque tabagique offerte par le vaporisateur personnel. Une grande partie de la population pense par exemple qu’il est plus nocif de vapoter que de fumer.

Les recommandations

 

  • Les mesures encourageant l’utilisation de l’e-cigarette pour le sevrage tabagique, qui englobent les politiques relatives à la disponibilité, à l’accessibilité financière et à l’accès aux e-cigarettes contenant de la nicotine, ainsi qu’à l’information et au soutien pour l’utilisation de ces produits, devraient être étendues afin d’améliorer les taux de sevrage tabagique au Royaume-Uni.
  • Les mesures visant à encourager l’utilisation de l’e-cigarette par les fumeurs doivent être associées à des mesures visant à décourager l’adoption de l’e-cigarette par les non-fumeurs, en particulier les enfants et les jeunes.
  • Les interventions visant à améliorer la perception des risques du vapotage, en particulier par rapport au tabagisme, sont importantes, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier les moyens les plus efficaces d’y parvenir.
  • Une gamme d’arômes devrait être disponible pour faciliter l’arrêt du tabac chez les adultes qui utilisent les e-cigarettes pour arrêter de fumer.
  • Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour étudier directement les effets du type de dispositif, de la concentration de nicotine et d’autres caractéristiques sur le sevrage tabagique.
  • Des messages sur les risques relatifs du vapotage et du tabagisme devraient figurer sur les paquets de cigarettes et sur les notices d’emballage, afin d’atteindre les fumeurs, mais pas les non-fumeurs.
  • Des messages sur les risques réduits devraient figurer sur les paquets de cigarettes.
  • Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer comment maximiser la crédibilité des messages sur les risques réduits, faire en sorte que les fumeurs les remarquent et y prêtent attention, et comprendre dans quelle mesure l’exposition au message peut favoriser un comportement d’utilisation réel.
  • Des recherches approfondies sont nécessaires pour comprendre comment la publicité pour l’e-cigarette peut augmenter l’adoption de l’e-cigarette chez les fumeurs afin de soutenir et de maintenir les tentatives d’arrêt du tabac.
  • Dans tous les établissements de soins de santé, des spécialistes formés devraient proposer une aide au sevrage tabagique en utilisant des e-cigarettes et d’autres thérapies fondées sur des données probantes.
  • Les interventions en matière de sevrage tabagique devraient favoriser un changement d’identité positif par rapport au vapotage. Des recherches sont nécessaires pour identifier les moyens les plus efficaces pour y parvenir.
  • Les fumeurs qui essaient d’arrêter de fumer en utilisant des e-cigarettes devraient être encouragés et soutenus pour adopter les modes d’utilisation de l’e-cigarette les plus susceptibles de conduire à un arrêt du tabac réussi.

Les e-cigarettes sont un traitement efficace contre la dépendance au tabac, mais bien qu'elles soient facilement accessibles dans un large éventail de points de vente au Royaume-Uni, elles sont sous-utilisées par les personnes qui souhaitent arrêter ou réduire leur consommation de tabac.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport</span>

Décourager le vapotage auprès des non-fumeurs

C’est là que réside la plus grande peur des autorités politiques dans le monde. Que la cigarette électronique soit adoptée par des personnes qui ne fument pas. Bien que certaines études aient conclu que si la vape n’existait pas, les vapoteurs non-fumeurs auraient probablement fumé, cette peur continue de motiver de nombreuses politiques antivape.

Les recommandations

 

  • Des mesures devraient être adoptées pour décourager les non-fumeurs de se mettre au vapotage.
  • Les changements de politique visant à réduire l’adoption du vapotage chez les personnes qui n’ont jamais fumé doivent être soigneusement ciblés afin de minimiser leur impact sur l’adoption du vapotage pour le sevrage tabagique. L’objectif commun doit être de réduire la mortalité, les maladies et les disparités.
  • Des informations doivent être fournies aux jeunes et aux personnes n’ayant jamais fumé sur les risques sanitaires du vapotage, mais ces informations doivent être soigneusement conçues pour ne pas désinformer les gens sur les méfaits relatifs du tabagisme et du vapotage, et dissuader les fumeurs de passer au vapotage.
  • Des recherches supplémentaires sont nécessaires sur les aspects de la conception des produits qui a) facilitent le sevrage tabagique chez les fumeurs et b) réduisent l’attrait des produits pour les non-fumeurs.
  • Des emballages neutres standardisés combinés à des descriptions réduites des arômes et des marques, ainsi que des interdictions d’exposition au détail, devraient être introduits pour réduire l’intérêt des jeunes à essayer le vapotage.
  • Les stratégies de prix et de taxation des e-cigarettes devraient réduire l’accessibilité des produits les moins chers les plus couramment utilisés par les jeunes vapoteurs (c’est-à-dire les e-cigarettes jetables), tout en veillant à ce que les produits les plus susceptibles d’être utilisés par les adultes qui fument/cessent de fumer (c’est-à-dire les produits rechargeables), qui sont également moins nocifs pour l’environnement, restent abordables.
  • Une révision de la réglementation actuelle en matière de publicité pour les e-cigarettes, y compris les réseaux sociaux et le placement de produits dans le commerce de détail, est nécessaire pour s’assurer qu’elle protège de manière adéquate les jeunes et les non-fumeurs.
  • Des politiques et des réglementations devraient être introduites pour réduire l’accès des jeunes aux e-cigarettes, en particulier dans le commerce de détail, y compris des systèmes de licences de vente au détail et la vérification de l’âge au point d’achat.
  • Des recherches sont nécessaires pour tester les interventions en milieu scolaire visant à prévenir l’utilisation de l’e-cigarette.

Les modèles suggèrent que la restriction des arômes pourrait conduire de manière disproportionnée à ce que davantage de personnes continuent à fumer ou retombent dans le tabagisme, plutôt que d'empêcher l'adoption du vapotage ou du tabagisme.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport</span>

L’industrie du tabac et la vape

Produit né de l’esprit d’un pharmacien asiatique, la cigarette électronique s’est rapidement développée dans le monde en tant que produit de consommation courante. Au fil des ans, de nombreuses entreprises ont été créées afin de se lancer dans ce qui, à l’époque, n’était qu’un marché au futur incertain.

Quelques années après sa création, la cigarette électronique a été de plus en plus adoptée par les fumeurs du monde entier, empiétant sur les plates-bandes de l’industrie du tabac dont les ventes de cigarettes ne faisaient que diminuer. Rapidement, cette dernière a réagi, d’abord en rachetant des marques de vape, puis en créant les siennes pour lancer ses propres produits.

Aujourd’hui, selon le rapport du RCP, l’industrie du tabac posséderait 26 % des parts de marché du vapotage. Autrement dit, près des trois quarts resteraient indépendants. Comme l’indiquent les auteurs dans le document, Big Tobacco s’est rapidement saisi du concept de réduction du risque tabagique jusqu’à en faire le principal argument de sa tentative de changer de business model, qu’il appelle « transformation ».

Selon les médecins britanniques, cette stratégie lui aurait profité à plusieurs niveaux. D’abord, pour réhabiliter son image et augmenter son influence. Ensuite, pour diviser et saper la communauté de la santé publique, mais également se positionner comme la solution à l’épidémie de tabagisme que les cigarettiers ont eux-mêmes créée. Enfin, pour s’opposer aux mesures de lutte antitabac à l’échelle de la population dont l’efficacité est prouvée, mais qui réduisent leurs ventes.

Les recommandations

 

    • Si l’on veut tirer parti des avantages potentiels des e-cigarettes en matière de santé publique, il est essentiel de tenir compte de la conduite de Big Tobacco. Cela nécessite une réglementation forte et bien appliquée pour garantir que les entreprises qui tirent profit de la fabrication et de la vente de tabac ne jouent aucun rôle dans l’élaboration des politiques.
    • L’impact des approches de réduction des risques sera spécifique au contexte et variera en fonction de la capacité de réglementation et d’application, de sorte que ce qui fonctionne dans une juridiction peut ne pas fonctionner ailleurs. La protection de l’espace politique national doit donc être respectée.
    • La nécessité de dénormaliser l’industrie du tabac et de protéger les politiques publiques de l’ingérence de l’industrie du tabac, conformément à l’article 5.3 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), est plus importante que jamais ; le déclin de la position du Royaume-Uni dans l’indice mondial d’ingérence de l’industrie du tabac indique qu’il s’agit d’un problème clé au Royaume-Uni.

Les études financées par l'industrie du tabac représentent une part importante de la science sur les nouveaux produits et les approches de réduction des risques ; pourtant, des éléments indiquent qu'ils pourraient s'engager dans de nombreuses pratiques scientifiques problématiques du passé, ce qui soulève des inquiétudes quant à la qualité et à la véracité de ces travaux.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport</span>

Le reste de l’actualité au Royaume-Uni

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