Une étude [1]  publiée dans la revue Tobacco Control affirme que la vape est une passerelle directe vers le tabagisme pour les jeunes. Elle ne résiste pas à la relecture acérée et ulcérée de Michael Siegel. Pas davantage à celle des britanniques Peter Hajek et Linda Bauld [2].

Les chercheurs ont analysé le comportement de 347 lycéens en 2014 et en 2015. Ils étaient catégorisés au départ vapoteurs s’ils avaient utilisé une cigarette électronique au moins une fois pendant les 30 derniers jours, sinon ils étaient classés non vapoteurs. En 2015, l’initiation au tabagisme était définie comme la consommation d’au moins une cigarette pendant l’année écoulée.

4,8 fois plus de risques de commencer à fumer

Les chercheurs ont observé l’initiation au tabagisme des vapoteurs qui n’avaient encore jamais fumé au début de l’étude, en 2014. Ils ont évalué un taux d’expérimentation du tabagisme de 31% chez les vapoteurs et de 7% chez les autres. Selon les auteurs de ce rapport, les vapoteurs sont 4,8 fois plus susceptibles de commencer à fumer que les autres.

Interpellé par le résultat de l’étude, dont les auteurs affirment démontrer l’effet passerelle, le Professeur Michael Siegel s’est interrogé sur la conclusion de chercheurs qui ne n’ont envisagé aucun autre facteur pouvant expliquer l’initiation au tabagisme que le fait de vapoter. Il s’est ensuite également intéressé à la méthodologie employée.

S’initier ou consommer régulièrement ?

Le professeur de l’Université de Boston remet en question les deux variables : le vapotage récent et l’initiation au tabagisme.

Les chercheurs n’en disent pas plus sur ces vapoteurs récents, nous ne savons pas s’ils étaient des vapoteurs réguliers, s’ils étaient dépendants à la cigarette électronique ou même à la nicotine. Nous ne savons pas non plus si l’initiation au tabagisme débouche ou non sur une consommation régulière de cigarettes.

Siegel se demande pourquoi l’étude n’a pas examiné si les vapoteurs récents étaient plus susceptibles de devenir des fumeurs réguliers par rapport aux non vapoteurs. La taille de l’échantillon n’était pas assez grande selon les chercheurs, mais alors pourquoi cet échantillon a permis aux auteurs de conclure comment l’ont-ils fait ?

Quatre réponses

En remontant à la source des données le Professeur Siegel s’est aperçu que les conclusions de l’équipe de l’Arkansas étaient tirées à partir de quatre réponses. Une information que les auteurs se sont bien gardés de partager.

La théorie de la passerelle s’effrite face à l’argumentation scientifique

Pourquoi, le document ne partage-t-il pas cette information avec le lecteur, demande le professeur de Boston. Son jugement est sans appel : “Ce document a violé l’aspect peut-être le plus important de la publication d’un rapport scientifique, révéler la taille de l’échantillon sur laquelle est basée la principale conclusion”.

Une croisade morale ?

Siegel insiste, il est essentiel de comprendre que la principale conclusion du document – le taux de « l’initiation au tabagisme » chez les jeunes non-fumeurs est 4,8 fois plus élevé chez ceux qui avaient vapé au cours du dernier mois – est basée sur la réponse de quatre adolescents ayant essayé une cigarette ou deux durant l’année écoulée.

Il avoue qu’il est difficile de ne pas souscrire aux propos du professeur britannique Robert West qui estimait que les chercheurs américains «mènent une croisade morale contre les cigarettes électroniques» et qu’ils «exagèrent leurs résultats».

Ce rapport est publié quelques jours après celui de l’association Truth Initiative dont les conclusions vont à l’opposé de la théorie de la passerelle.


[1] Miech R, Patrick ME, O’Malley PM, et al E-cigarette use as a predictor of cigarette smoking: results from a 1-year follow-up of a national sample of 12th grade students Tobacco Control Published Online First: 06 February 2017. doi: 10.1136/tobaccocontrol-2016-053291

[2] L’analyse critique (en anglais) de Peter Hajek et Linda Bauld 

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