La Ministre de la santé, Agnès Buzyn, a déclaré dimanche 17 mars, dans “Le grand Jury” sur RTL, qu’elle préférait que les fumeurs utilisent les substituts pharmaceutiques plutôt que la vape.
Cohérence et incohérences
Agnès Buzyn, Ministre de la santé française a parlé, le dimanche 17 mars, dans le Grand Jury sur RTL, du vapotage. Après avoir reconnu que “la cigarette (tabac, NDLR) était nettement plus toxique que le vapotage” elle précise que le vapotage cause de petites réactions inflammatoires, et surtout, qu’on ne connaît pas ses effets à long terme.
D’après elle, il va falloir attendre trente ans avant d’être fixés sur les effets à long terme de la vape. Comme il a fallu attendre pour le tabac, précise-t-elle.
Trente ans de tabagisme
L’explication au fait qu’on ait mis des dizaines d’années à connaître la toxicité du tabagisme, c’est qu’à l’époque, il manquait surtout la volonté de savoir, et que les recherches coûtaient bien plus cher qu’aujourd’hui. Si deux chercheurs ne s’étaient pas interrogés, presque par hasard, en 1960, sur le lien entre cigarette et cancer du poumon, personne n’aurait creusé. A part peut-être l’industrie du tabac, qui semblait être déjà au courant depuis longtemps.
Oui, la première question sur la dangerosité du tabac, ça a été en 1960. La première taxe sur le tabac, c’était en… 1629, et le décret était signé du Cardinal de Richelieu. On m’objectera que la première campagne antitabac a été ordonnée par Adolf Hitler. Mais elle ne reposait pas sur des faits scientifiques, juste sur le fait que le chancelier nazi trouvait l’habitude de fumer répugnante.
Si la cigarette avait été inventée hier, un tour en laboratoire aurait suffi pour un verdict, que l’on pourrait vulgariser par “Mais vous avez vu ce qu’il y a dans cette fumée ? Et vous voulez inhaler ça ? Mais vous êtes fou ?” et aurait immédiatement été interdite. Ça aurait pris une semaine. La vape n’aura pas attendu si longtemps pour être disséquée, scrutée, analysée. Et elle est toujours légale plus de dix ans après.
Prudence est mère de risques
Aujourd’hui, il existe des études favorables au vapotage, des études plus prudentes sur certains de ces aspects, mais aucune étude qui fasse consensus sur sa dangerosité à court ou long terme. Par consensus, entendez : qui met tout le monde d’accord.
Personne ne peut, la main sur le cœur, certifier aujourd’hui que la vape est inoffensive, mais personne ne peut prouver qu’elle est dangereuse. Elle l’est beaucoup moins que le tabac, ça, c’est indubitable. Il vaut mieux vaper que fumer, et il vaut mieux ne rien faire de l’un ou de l’autre si on a le choix. C’est ce qu’on appelle le principe de “réduction des risques”.
C’est le paradoxe politique de la vape : si on l’autorise on cours le risque de découvrir, peut être, dans trente ans, qu’elle présente un risque pour la santé. Si on l’interdit, on a la certitude de tuer 2 340 000 personnes pendant ce temps, mais comme on le sait déjà, ça n’est pas un problème.
Question n’est pas certitude
La faute d’Agnès Buzyn est de sortir du factuel. Si son discours sur la vape avait été “Il y a des études, mais pas encore de consensus scientifique”, ça aurait été défendable. Mais inciter les fumeurs à se tourner vers les substituts pharmaceutiques, qui sont sur le marché depuis plus longtemps et qui ont fait preuve d’une efficacité bien moindre, c’est problématique.
Il s’agit, ni plus ni moins, d’un refus de proposer aux nombreux fumeurs pour qui les substituts ont été inefficaces la réduction des risques. C’est une posture purement idéologique qui a un coût, celui de toutes les vies que la vape aurait pu sauver. Il faudrait que la Ministre Agnès se rappelle qu’elle a été, et est encore, le Docteur Buzyn.