Nous avons invité des personnalités de la vape et de la réduction des risques à exprimer dans nos colonnes leur vision de la cigarette électronique. Aujourd’hui, c’est au tour de Pierre Rouzaud, toxicologue-tabacologue et président de l’association Tabac & Liberté à Toulouse, de nous livrer ses réflexions. Très remonté contre le gouvernement français il estime que nos dirigeants jouent le jeu des cigarettiers.

Deux poids et deux mesures

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Pierre Rouzaud, toxicologue – tabacologue et président de l’association Tabac et Liberté

Le toxicologue apprécie toujours les mesures prises en faveur de la protection du consommateur quelle que soit la voie de consommation : digestive ou respiratoire.

La Commission européenne va mettre en œuvre la directive 2014/40/UE qui prévoit que tous les ingrédients contenus dans les e-liquides doivent être déclarés voire contrôlés sur le plan toxicologique. Cela nous semble normal. La loi précise déjà que pour tous les produits ingérés, le consommateur doit être informé et protégé.

C’est ainsi que le simple pot de yaourt doit avoir imprimé sur son emballage tous les produits qui y ont été ajoutés. Pour parfaire l’information du consommateur, il y a même le numéro Allô consommateur pour expliquer la nature des additifs qui sont parfois représentés par des symboles (E227, E331…).

Le législateur interdit ainsi la e-cig dans les lieux publics comme il interdit la cigarette traditionnelle alors qu’il n’a aucun argument scientifique pour justifier cette dernière interdiction.

La loi par contre est différente pour les produits inhalés. Le consommateur devrait recevoir la même information et la même protection vis-à-vis des produits qu’il mange que vis-à-vis des produits qu’il respire. Bien au contraire, non seulement il n’est pas protégé vis-à-vis de ce qu’il respire mais on l’informe qu’on va le tuer ! C’est ainsi que sur le paquet de cigarette est écrit « Tabac tue », il y a donc deux poids et deux mesures.

Il y a encore un autre paradoxe, lorsque le législateur veut appliquer à la e-cig les mêmes lois qu’à la cigarette traditionnelle. Il interdit ainsi la e-cig dans les lieux publics comme il interdit la cigarette de tabac alors qu’il n’a aucun argument scientifique pour justifier cette interdiction.

Tant pis si 78 000 fumeurs meurent chaque année en France de leur tabagisme.

Dans un cas, le législateur refuse la protection qu’il doit au consommateur-fumeur, quitte à le tuer (le tabagisme tue). Dans l’autre cas le législateur considère consommateur-fumeur et consommateur-vapoteur sur un même plan alors que la e-cig n’a jamais tué.

L’explication semble évidente. Comme dans la fable de La Fontaine, le législateur joue à la chauve-souris : « je suis oiseau voyez mes ailes, je suis animal voyez mes poils ». Lorsqu’il veut protéger le commerce lucratif des cigarettiers, le législateur les dispense des contraintes liées aux contrôles toxicologiques. Ils favorisent ainsi les bénéfices des cigarettiers et ceux de l’Etat. Tant pis si 78 000 fumeurs meurent chaque année en France de leur tabagisme.

Les vapoteurs français devraient être libres de se libérer des chaines mortelles du tabagisme, libres de vivre.

Dans les deux cas, l’Etat participe au miracle réalisé par les cigarettiers : réussir à tuer une clientèle tout en assurant son renouvellement. C’est ainsi qu’en France, les cigarettiers maintiennent un taux de fumeurs à 33-34% alors que nos voisins anglais sont à 20%. Il faut dire aussi que le législateur anglais a reconnu dans sa très grande sagesse les bienfaits devenus évidents de la e-cig.

L’ennuyeux c’est que les vapoteurs français qui essayent de se sauver du tabagisme en se réfugiant auprès de la e-cig sont des hommes et des femmes qui devraient être libres, libres de se libérer des chaines mortelles du tabagisme, libres de vivre.


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