Le Docteur Luc Réfabert, médecin tabacologue à Paris, s’est intéressé de près à la cigarette électronique, en s’appuyant notamment sur certaines études concernant leur composition. Il propose son analyse du produit sur son site internet.
Des arômes naturels pas si naturels
Il rappelle dans un premier temps les éléments présents dans un e-liquide et présente brièvement le fonctionnement d’un vaporisateur. Il avertit notamment son lectorat sur les arômes “naturels” qui ne seraient pas issus des fruits représentés sur les étiquettes.
Une accusation qui pourrait interpeller certains fabricants français qui dépensent parfois beaucoup d’argent pour justement se procurer des arômes naturels souvent bien plus chers que les arômes de synthèse. L’exemple de l’extrait naturel de concombre pourrait par exemple être cité, pouvant aller jusqu’à 500 euros le kilos contre 22 euros dans sa version artificielle.
Puis le médecin souligne l’absence de données officielles concernant la stabilité thermique des arômes alimentaires utilisés dans les e-liquides. Une préoccupation justifiée mais qui par extension pourrait aussi créer la panique chez les adeptes des plats réchauffés achetés en grandes surfaces. Pour étayer cette réflexion peut être faudrait-il aussi citer les propos de son confrère Philippe Presles qui rappelle de son côté qu’un aliment a du goût parce que l’on respire justement ses arômes.
De manière plus empirique n’oublions pas également qu’un arôme qui ne résisterait pas à une température naturelle de vape ne risque pas de satisfaire les papilles du consommateur. Enfin certains arômes connus pour leur toxicité relative (par la présence de certaines molécules) sont volontairement évités par de nombreux fabricants. Ce pourra être le cas des arômes naturels de cannelle, d’estragon ou encore du café. Selon nos sources des lignes de travail concernant un “grade vapologique” pour les arômes pourraient être en cours au sein de l’AFNOR.
Vapotage passif
Dans un second temps, ce praticien de l’hôpital Necker évoque la question de la nicotine dans les e-liquides et compare les taux de nitrosamines qui composent le tabac à ceux susceptibles d’être trouvés dans les e-liquides. Le tabacologue cite ici Gonievicz pour mettre l’ecig au même niveau que certains substituts nicotiniques vendus en pharmacie.
Il s’intéresse par la suite au vapotage passif, source d’inquiétude pour les utilisateurs et non-utilisateurs de cigarette électronique et se focalise sur la présence de nicotine dans l’air ambiant pour justifier une approche prudente afin de protéger l’entourage du vapoteur. Ce concept de vapotage passif a pourtant été maintes fois relativisé par d’autres études non-citées par ce médecin. On pensera notamment à la récente explication de Farsalinos sur l’étude Montse Ballbè et Al.
Le Docteur Réfabert affirme ensuite que les études actuelles démontrent que le vaporisateur personnel favoriserait l’entrée des jeunes dans le tabagisme. Une idée qui semble persister dans les esprits et qui alimente toujours les craintes alors qu’elle a été de très nombreuses fois infirmée, notamment au Royaume-Uni et en France.
Risque de renormalisation du tabagisme
Les conclusions de Luc Réfabert à l’encontre du dispositif sont par conséquent plus que mitigées. S’il estime que l’e-cigarette est un “bon outil de réduction des risques chez les fumeurs”, il indique dans le même temps que cet appareil contribue à “renormaliser l’acte de fumer” et encourage l’instauration d’une réglementation similaire à celle appliquée par les pouvoirs publics sur les cigarettes classiques, afin de protéger les non fumeurs.
Alors que ses propos sont en parfaite opposition avec un certain courant de pensée qui défend activement le vaporisateur on soulignera néanmoins l’effort de documentation dont ce professionnel fait preuve, même si de nombreuses données semblent avoir été écartées de son analyse. Luc Réfabert admet que le vaporisateur offre une réduction des risques pour le fumeur, qu’il participe à la baisse de la prévalence tabagique et que la toxicité de la vapeur émise est bien souvent “sans comparaison” avec la fumée de tabac, mais appelle à une réglementation stricte pour encadrer son usage.
Il semblerait encore une fois que la vape soit entachée par la présence de l’industrie du tabac qu’elle utiliserait, selon Férabert, comme un “cheval de Troie”. A méditer.
Via Luc Férabert. Cigarette électronique : gadget ou poison ?