Les études comptabilisant les vapoteurs mineurs utiliseraient une méthode de comptage qui ne serait pas adaptée, faussant ainsi leurs résultats.

En résumé

  • Les études qui comptabilisent le nombre de jeunes qui vapotent utilisent le même mode de calcul que pour les adultes fumeurs.
  • Les jeunes étant différents des adultes, et le tabagisme étant différent du vapotage, utiliser le même mode de calcul poserait plusieurs problèmes de fiabilité.
  • Les chercheurs recommandent de modifier les questions posées aux jeunes vapoteurs afin de pouvoir les comptabiliser plus précisément.

Un produit et des utilisateurs qui diffèrent

Et si les jeunes vapoteurs n’étaient pas aussi nombreux que le prétendent certaines études ?

Dans de nombreux pays du monde, la réglementation du vapotage se durcit. Parmi les principaux arguments avancés par les gouvernements pour justifier, par exemple, une interdiction des arômes, s’en trouve un qui occupe une place prépondérante : le nombre de jeunes qui vapotent. À cet argument, les défenseurs de la cigarette électronique opposent généralement le leur, qui consiste à rappeler qu’il est préférable que les mineurs se tournent vers le vaporisateur personnel pour consommer de la nicotine, puisque son utilisation est considérablement moins dangereuse que le tabagisme, plutôt que vers la cigarette combustible. Un argument parfois accompagné d’un autre qui voudrait que si le vapotage n’existait pas, peut-être que ces mêmes jeunes auraient fumé à la place. Un raisonnement qui peut s’entendre, mais reste toutefois impossible à prouver puisqu’il semble très compliqué de démontrer comment aurait vraiment agi cette population si la cigarette électronique n’existait pas.

La semaine dernière, nous rapportions les résultats de l’Eurobaromètre 2024. Parmi les précisions apportées par notre rédaction s’en trouvait une qui va particulièrement nous intéresser aujourd’hui : le fait que le rapport considérait un jeune comme étant vapoteur même lorsqu’il n’avait vapoté qu’une seule fois dans sa vie. Nous soulignions alors que cette méthode de comptage pouvait fausser de nombreux résultats. 

Il est regrettable que les paramètres actuellement utilisés pour évaluer l’utilisation de la cigarette électronique chez les jeunes aient été directement empruntés à ceux utilisés pour le tabagisme chez les adultes, sans réévaluer si leur validité est valable pour un produit différent et dans une population différente.<span class="su-quote-cite">Extrait du commentaire</span>

Tabagisme n’est pas vapotage

Hier, plusieurs scientifiques ont confirmé cette observation lors de la publication d’un commentaire1 dans la revue médicale Frontiers in Public Health. S’intéressant aux méthodes utilisées par les chercheurs du monde entier (Américains en particulier) pour comptabiliser le nombre de jeunes vapoteurs, les auteurs du commentaire ont fait part de leurs préoccupations quant aux faiblesses de ces dernières. Ils notent ainsi que les méthodes de comptages actuellement utilisées pour recenser le nombre de mineurs qui vapoteurs sont tout simplement les mêmes que celles utilisées pour calculer le nombre de fumeurs adultes. Pourtant, « ces mesures validées du tabagisme chez les adultes ont été adaptées de deux façons distinctes sans évaluer rigoureusement si ces adaptations modifient leur utilité »


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Car il existerait deux différences fondamentales entre le comptage des fumeurs adultes et des jeunes qui utilisent une cigarette électronique. D’abord, parce qu’il s’agit de produits différents. « En ce qui concerne la première adaptation – de la cigarette à l’e-cigarette – des complications peuvent résulter du fait que les cigarettes électroniques ont un profil de risque beaucoup plus faible que les cigarettes, ce qui semble indiquer qu’une définition de seuil plus élevé est justifiée pour mesurer un niveau équivalent de risque pour la santé. En outre, les cigarettes électroniques et les cigarettes impliquent des modes d’utilisation différents, de sorte qu’une définition donnée de l’utilisation peut être incomparable entre les produits »

Les définitions de l’utilisation qui sont plus révélatrices des mesures de l’utilisation vraiment problématiques doivent inclure des critères d’utilisation continue pendant un certain temps, d’utilisation cumulative au cours de la vie et d’utilisation fréquente.<span class="su-quote-cite">Extrait du commentaire</span>

Ensuite, parce que la méthode utilisée est adaptée aux adultes puis calquée sans aucune modification aux jeunes. « En ce qui concerne l’adaptation des adultes aux jeunes, il existe des complications supplémentaires découlant du fait que la consommation chez les jeunes n’est généralement pas aussi importante ou prolongée que la consommation chez les adultes, et qu’elle est plus souvent transitoire et expérimentale »

Ils soulignent également le fait que dans les études s’intéressant au tabagisme, des questions sont systématiquement posées sur l’intensité ou la durée de cette pratique. Dans le cadre des études sur l’utilisation du vaporisateur personnel par les jeunes, ces questions ne sont tout simplement pas posées. « Les questions précises sont différentes : la consommation actuelle chez les adultes est généralement évaluée comme une consommation “certains jours” ou  “tous les jours” (par opposition à “pas du tout”), tandis que la consommation actuelle chez les jeunes est évaluée comme “toute consommation, même une bouffée, au cours des 30 derniers jours” », expliquent ainsi les chercheurs.

Les seuils bas ont une plus grande « capture » et peuvent susciter des réactions émotionnelles qui ne sont pas fondées sur la quantification des risques réels pour la santé individuelle et publique.<span class="su-quote-cite">Extrait du commentaire</span>

Ce manque de précision dans les questions posées lors des études conduit inexorablement à des imprécisions dans leurs résultats. « L’inconvénient de l’utilisation de définitions d’utilisation indulgentes est qu’elles englobent une grande partie de l’utilisation expérimentale qui n’évolue pas vers une utilisation à long terme et (sinon) présente des dommages négligeables pour la santé humaine », concluent les chercheurs. Ils recommandent ainsi de mettre en place des questions permettant de juger de l’intensité du vapotage, par exemple via le nombre de bouffées inhalées chaque jour, ou le nombre de fois que des bouffées sont inhalées au quotidien. 


1 Selya A, Ruggieri M and Polosa R (2024) Measures of youth e-cigarette use: strengths, weaknesses and recommendations. Front. Public Health. 12:1412406. doi: 10.3389/fpubh.2024.1412406.

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