Au Canada, la cigarette électronique n'a pas la belle vie.

Au Canada, les e-liquides contenant de la nicotine sont toujours interdits.

Voici un article paru cette semaine dans le journal canadien “National Post” et dans lequel le journaliste Jesse Kline parle de la cigarette électronique avec une certaine maturité, chose assez étonnante pour un journal réputé conservateur.

Il faut rappeler que sous la pression très forte des groupes anti-tabac, la cigarette électronique au Canada a la vie dure. Alors que les autorités sanitaires américaines travaillent actuellement sur sa régulation, le débat sur l’e-cigarette au Canada s’intensifie et l’article de Jesse Kline offre je pense un bon point de vue sur le sujet. En voici la traduction :

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Début de l’article de Jesse Kline (“Jesse Kline: E-cigarettes are not your father’s smokes” – The National Post, 4 février 2013)

S’il existait une technologie qui pouvait aider les fumeurs à arrêter de fumer, qui ne contenait pas les nombreux produits chimiques et cancérigènes des cigarettes conventionnelles et qui ne produisait pas d’odeurs désagréables ou de fumée passive, vous penseriez que les militants anti-tabac seraient de la partie, pas vrai ?

Détrompez-vous.

Cette technologie existe et s’appelle la cigarette électronique ou e-cigarette pour faire plus court. Pour les non-initiés, l’e-cigarette est un dispositif qui chauffe un liquide aromatisé, contenant souvent de la nicotine, et qui produit une vapeur d’eau qui simule la fumée, sans le besoin d’inhaler de la matière végétale brûlée.

De nombreux partisans de la santé publique défendent ce produit comme un moyen pour réduire les risques associés au tabac et qui pourrait sauver des millions de vies dans le monde. Pourtant, Santé Canada maintient une interdiction depuis 2009 sur les liquides qui contiennent de la nicotine. Le gouvernement fédéral ayant récolté $20,4 milliards de taxes sur le tabac entre 2001 et 2008, il semble y avoir peu de volonté de la part des régulateurs à faire des recherches approfondies sur les avantages potentiels des cigarettes électroniques.

Le débat sur leur utilisation a été ravivé récemment lorsque, pour commémorer la Semaine nationale sans fumée, l’Association pulmonaire du Canada (Canadian Lung Association) a publié un communiqué exhortant la population à « éviter les gadgets dont l’efficacité n’est pas démontrée » pour arrêter de fumer, « comme les cigarettes électroniques ». Ce communiqué coïncide avec une conférence sur les e-cigarettes qui s’est tenue à Toronto et qui a été présentée par les militants anti-tabac ainsi qu’avec une série d’attaques sur ce produit dans les médias canadiens.

L’argument le plus fréquemment avancé contre ces dispositifs sans fumée, cité par l’Association pulmonaire et d’autres, est un ancien essai de la Food and Drug Administration (FDA) qui avait décelé dans un échantillon de cigarette électronique des substances cancérigènes et chimiques utilisées dans les antigels. Cependant, ceci est trompeur.

Les tests réalisés par la FDA étaient limités, seuls 18 échantillons furent testés, et aucun de ces échantillons ne contenaient plus que des traces de substances cancérigènes – pas plus que celles trouvées dans d’autres produits de remplacement à la nicotine comme les patchs et les gommes. Seul un échantillon contenait la substance chimique utilisée dans les antigels, probablement le résultat d’un défaut de fabrication étant donné qu’il s’agit d’un élément utilisé dans la fabrication du plastique. Cet élément n’a plus été décelé dans les tests réalisés depuis, ce qui indique que les fabricants ont pris des mesures pour améliorer la sécurité et le contrôle de la qualité.

Participant à une émission intitulé “The Current” sur CBC Radio la semaine dernière, Melodie Tilson, Directrice des politiques à l’Association pour les droits des non-fumeurs, a reconnu « qu’il était virtuellement impossible qu’une cigarette électronique soit aussi nocive qu’une cigarette ordinaire pour les personnes utilisant ce produit ». Mais ce fait, qui devrait être l’élément le plus important à prendre en considération pour ceux qui sont intéressés par la réduction du nombre de décès provoqués par le tabac, n’est pas suffisant pour ceux qui non seulement haïssent les cigarettes, mais également tout ce qui y ressemble.

Melodie Tilson ajoute que « nous devons prendre une vue plus large et mesurer leur impact sur le taux de tabagisme global. Si la promotion à grande échelle de ces produits, et leur disponibilité, incitent les jeunes à les utiliser pour passer ensuite aux cigarettes ordinaires, alors il y a une hausse des risques ».

Personne ne veut voir des adolescents commencer à fumer. Même les fausses cigarettes ne doivent pas être touchées. Pourtant, selon des chercheurs de l’organisation canadienne TobaccoHarmReduction.org (Réduction des risques du tabagisme), il n’existe « aucune preuve tangible qu’une personne qui n’aurait autrement pas fumé, commence suite à une consommation de tabac sans fumée. »

Il est également extrêmement difficile de croire qu’un fumeur passerait d’un produit disponible dans une variété d’arômes à un autre qui a le goût du tabac brûlé. C’est comme affirmer que le rhum cola est « une drogue d’introduction » qui poussera les jeunes à se piquer à l’héroïne.

Aussi bien Santé Canada que l’Association pulmonaire exhortent les fumeurs qui veulent arrêter de fumer à utiliser des produits de désaccoutumance au tabac qui ont été approuvés, comme les lozenges ou les inhalateurs de nicotine. Mais une étude menée en 2011 et publiée dans le journal Addiction, a montré que la grande majorité des utilisateurs d’e-cigarettes ont déjà essayé d’autres méthodes pour arrêter de fumer mais sans succès. De plus, 79% des fumeurs ayant utilisé la cigarette électronique sont parvenus à substituer de manière totale leur accoutumance au tabac.

Une analyse documentaire publiée dans l’édition de septembre 2012 du même journal avance que « retirer les e-cigarettes du marché ou décourager leur utilisation pourrait affecter la santé publique en privant les fumeurs d’une option éventuellement importante pour arrêter de fumer ». L’auteur affirme « qu’il serait malavisé de demander à la population d’écarter une approche qui œuvre en faveur d’une autre qui s’est déjà avérée inefficace ».

En rejetant cette technologie évidente, les non-fumeurs se montrent au grand jour. Leurs actions montrent une profonde antipathie envers les fumeurs et envers tout ce qui ressemble à une cigarette plutôt qu’une préoccupation pour la santé publique globale.

Santé Canada doit également mettre un terme à son interdiction sur les liquides contenant de la nicotine. Peut-être que les règlementations sur le contrôle de la qualité peuvent être améliorées et des mesures peuvent être prises pour empêcher les mineurs d’acheter ce produit. Mais les décideurs politiques doivent réaliser que, en tant que technologie visant à réduire les risques, les e-cigarettes pourraient sauver de nombreuses vies. Et, en fin de compte, les adultes qui choisissent d’en faire usage devraient être libres de prendre leurs propres décisions.

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Fin de l’article de Jesse Kline

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