Contrairement à Jean-François Etter, Jacques Le Houezec ou encore Philippe Presles qui se sont rapidement positionnés pour la cigarette électronique, le professeur Bertrand Dautzenberg a pris son temps et continue à adopter une attitude plutôt réservée, bien que plus engagée que par le passé vis-à-vis de la cigarette électronique. On peut lui reprocher (gentiment) sa tiédeur concernant l’ecig, mais pas sa ferveur contre les méfaits du tabac.
Mi-figue mi-raisin le Pr Dautzenberg reste toujours prudent quant à ses déclarations sur la vapote. Professeur de pneumologie à l’université Pierre et Marie Curie, pneumologue à La Pitié-Salpêtrière et président de l’OFT, Bertrand Dautzenberg a, au cours des deux dernières années, fait évoluer son discours concernant la cigarette électronique. Lui qui déconseillait l’ecig, et ce, de manière assez virulente, semble aujourd’hui plus enclin à l’envisager comme une alternative moins dangereuse que la cigarette traditionnelle.
Fumer, c’est un peu comme prendre l’autoroute à contresens. Vapoter, c’est rouler à 140 km/h au lieu de 130 km/h. -B. Dautzenberg
Le professeur souligne le rôle majeur que tient aujourd’hui la cigarette électronique dans la guerre contre le tabac. 9 millions de personnes en France l’ont déjà essayée et selon l’étude Etincel réalisée par l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (ODFT), on dénombre entre 1,1 et 1,9 million de vapoteurs réguliers.
Et quelles sont conséquences directement observées : des ventes du tabac qui reculent de 6,2% en 2013 (estimation OFDT). Baisse que le professeur Dautzenberg voudrait voir se poursuivre, lui qui se bat depuis 40 ans contre les méfaits de la cigarette traditionnelle. Plutôt contre la cigarette électronique en 2012, le Pr reconnait que son avis a évolué, changement de point de vue qu’il justifie aussi par l’évolution du produit lui-même.
Même si Bertrand Dautzenberg continue de penser et de déclarer que l’ecig est « un produit toxique et addictif », il reconnaît aussi que la cigarette électronique est surtout « 100 à 1000 fois moins dangereux que le tabac » et qu’elle est efficace dans le sevrage tabagique ce qui n’est pas toujours le cas pour les autres substituts nicotiniques.
Dans son livre « La république enfumée » le professeur déclare une guerre ouverte au Tabac. Le dernier livre du professeur est une belle main tendue à la cigarette électronique. Il y vante ses mérites, mettant en avant le plaisir de la vapote qui devrait éloigner les fumeurs du tabac, ultime objectif de ce professeur en pneumologie, qui qualifie la cigarette traditionnelle de « tueuse, arme de destruction massive », responsable de 100 millions de morts au XXe siècle et de 73 000 morts par an en France.
Ayant participé à la création de l’association Paris sans tabac en 1991, puis à celle de l’OFT qu’il préside aujourd’hui, le professeur Dautzenberg déclare qu’en tant que pneumologue, il est plus efficace de prévenir les méfaits du tabagisme que de traiter les cancers du poumon. Mieux vaut prévenir que guérir. Mais c’est sans compter sur les lobbies…
Issu d’une famille … très nombreuse de non-fumeurs (cinq frères et cinq sœurs), père de cinq enfants eux aussi non-fumeurs, le professeur Dautzenberg est pourtant lui-même un ancien fumeur. Il reconnaît qu’à une époque, fumer dans les lieux publics ne choquait personne, tout comme acheter cigarettes et cigares pour ses confrères médecins internes… Le tabac était omniprésent. Rien de plus naturel en somme que de vivre au milieu d’un nuage de fumée nocive, d’y travailler, de voyager dans des trains fumeurs, de fumer dans sa voiture, en présence d’enfants ou de sujets fragiles.
Mais en 1972, le Pr Dautzenberg rejoint l’équipe du Professeur Sors à La Pitié-Salpêtrière et décide alors de s’intéresser aux méfaits du tabac.
Une déclaration de guerre ouverte est alors annoncée contre l’industrie du tabac. Il salue le plan Cancer de Jacques Chirac, mais dénonce celui de Nicolas Sarkozy qu’il trouve « calamiteux ».
Quoi de plus normal donc que de le retrouver sur tous les fronts, médiatiques entre autres, pour l’annonce du troisième plan Cancer de François Hollande le 4 février dernier. Satisfait par les annonces de ce troisième plan Cancer qui s’est fixé pour objectif de réduire d’un tiers le nombre de fumeurs de cigarette traditionnelle, le Pr Dautzenberg s’était aussi positionné auprès de l’Europe pour la directive encadrant la cigarette électronique, directive votée le 26 février dernier.
Souvent considéré comme « extrémiste » de par ses méthodes parfois très offensives, ou critiqué pour ses travaux réalisés pour le compte de l’industrie pharmaceutique, le Pr Dautzenberg déclare n’avoir qu’un seul intérêt celui de faire reculer le tabac coûte que coûte, « ne rouler pour personne » excepté très certainement pour la Santé Publique.
Comme en témoigne le Dr François Bourdillon, responsable du pôle santé publique : « Bertrand Dautzenberg a fait cette bascule incroyable, de la compréhension de la clinique individuelle à la santé publique, ce qui n’est pas un parcours facile pour un clinicien. »
Source: Le Monde