L’agence française s’en prend notamment aux sachets de nicotine pour lesquels elle demande une réglementation spécifique.

Le bilan des centres antipoison français

Il y a quelques jours, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié un rapport1 analysant les cas enregistrés par les centres antipoison concernant les « produits du tabac, produits connexes et arômes ». Le rapport d’étude de toxicovigilance s’intéressait à une période comprise entre janvier 2017 et décembre 2022. Son objectif était d’étudier l’évolution du nombre d’appels rapportés depuis les cinq dernières années concernant des cas d’empoisonnement liés au tabac chauffé, tabac à mâcher, snus, sachets de nicotine et billes aromatiques pour filtres.

Au cours de cette période, les auteurs du rapport indiquent que 295 appels à des centres antipoison ont été recensés suite à une consommation volontaire ou accidentelle des produits sus-cités. 12 concernaient le tabac à chauffer, 16 les sachets de nicotine, 31 le snus ou des « sachets indéterminés », 98 le tabac à mâcher, et enfin, 138 pour les billes aromatiques.

Répartition annuelle du nombre de cas d’exposition aux produits du tabac, produits connexes
et arômes d’intérêt, rapportés aux CAP entre le 01/01/2017 et le 31/12/2022 (source : SICAP)

Comme le démontre le tableau ci-dessus, le nombre d’appels recensés durant la période étudiée est resté stable pour tous les produits, sauf pour les billes aromatiques dont le nombre de cas a explosé à partir de l’année 2021.

Le nombre d’appels pour une exposition aux billes aromatiques a considérablement augmenté.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport de l'Anses</span>

Concernant le tabac à chauffer, les victimes étaient toujours des nourrissons âgés de 9 à 20 mois dont la circonstance d’exposition était invariablement accidentelle. Le tabac à mâcher concernait des enfants de stade nourrisson jusqu’à l’âge de 7 ans et, là encore, il s’agissait d’ingestion accidentelle. Seuls trois adultes auraient contacté un centre antipoison suite à la consommation de tabac à mâcher, dont l’un après avoir participé à un « défi d’ingestion ».

Le cas du snus et des sachets de nicotine est différent puisque la majorité des personnes était âgée de 12 à 17 ans. Là encore, seuls trois adultes auraient consulté à ce sujet. Comme l’indiquent les rapporteurs, les mineurs représentaient ainsi 83,3 % des victimes, et pour 72,3 % de tous les cas enregistrés, il s’agissait cette fois d’une consommation volontaire, sauf pour les enfants en bas âge.

Répartition par classe d’âge du nombre de cas d’exposition au snus ou aux sachets de
nicotine, rapportés aux CAP entre le 01/01/2017 et le 31/12/2022 (source : SICAP)

Enfin, les billes aromatiques, qui sont le produit ayant enregistré le plus d’appels à des centres antipoison, auraient particulièrement touché les enfants. Comme le note l’Anses, les trois quarts des exposés étaient des enfants, dont plus de la moitié était âgée de un à trois ans. Le quart restant concernait des personnes majeures. Comme pour le tabac à mâcher ou le tabac chauffé, dans presque tous les cas (99,3 %), il s’agissait d’une exposition accidentelle. En fait, le seul cas de consommation volontaire concernait un adolescent souffrant de troubles psychiatriques.

Des empoisonnements de gravité variable

Chez les mineurs ayant été exposés à l’un de ces produits, le pourcentage de cas symptomatiques, c’est-à-dire présentant des symptômes de gravité faible ou moyenne étaient le plus élevé pour le snus et les sachets de nicotine. Pour ces produits, 91,95 % des victimes présentaient des troubles de gravité variable. Le tabac à mâcher enregistrait quant à lui 75,5 % de cas symptomatiques, un taux qui descendait respectivement à 41,7 % et 29 % pour le tabac à chauffer et les billes aromatiques.

Gravité des cas d’exposition chez les mineurs par type de produits d’intérêt, rapportés aux
CAP entre le 01/01/2017 et le 31/12/2022 (source : SICAP)

Gravité nulle : aucun symptôme.

Gravité faible : au moins l’un des symptômes suivants : tachycardie, palpitations, sensation de malaise, nausées, vomissements, pâleur, vertiges, tremblements.

Gravité moyenne : hospitalisation et au moins un des symptômes suivants : vomissements prolongés avec risque de déshydratation, hypotension ayant nécessité un remplissage vasculaire, convulsions,troubles de la conscience et hypotonie.

Aucun cas grave n’a été reporté pour les produits étudiés durant cette période.

Les sachets de nicotine dans le viseur de l’Anses

Dans les conclusions de son rapport, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail indique qu’une « attention particulière » doit être portée aux sachets de nicotine.

Rappelant que ces produits n’entrent actuellement dans le cadre d’aucune réglementation mondiale harmonisée de par leur composition, elle appelle à la mise en place d’un cadre juridique européen les concernant, notamment à cause de leur émergence rapide sur le marché, mais aussi à cause de « leur attractivité chez un public jeune, leur statut réglementaire non harmonisé, l’absence de contrôle quant aux concentrations de nicotine et le manque de données quant à leur toxicité ».

Dans cette étude de l’Anses et des Centres antipoison, l’évolution clinique des intoxications était toujours favorable lorsqu’elle était connue.<span class="su-quote-cite">Extrait du rapport de l'Anses</span>

Aucun cas d’empoisonnement n’aurait pour l’heure été rapporté au sujet des sachets de nicotine contenant une bille aromatique à casser avant consommation.

L’Anses appelle également à encadrer les emballages des billes aromatiques, dont certains contiendraient « des dessins de fruits aux couleurs vives particulièrement attractifs pour les enfants ». Un packaging qui entraînerait régulièrement une confusion entre elles et des bonbons, « d’ailleurs la circonstance des accidents rapportés dans cette étude ».

Des chiffres à relativiser

S’il convient d’alerter lorsque l’utilisation d’un produit conduit à des accidents, les 295 cas relatés dans cette étude sont à mettre en perspective. Par exemple, entre 2005 et 2012, 7 562 cas d’exposition ont été relevés concernant les dosettes de lessive. La lessive classique en poudre n’est d’ailleurs pas en reste puisque sur la même période, 6 871 cas ont été recensés par les centres antipoison en France. Entre 2012 et 2018, des intoxications concernant l’ingestion de plantes qui ont été confondues avec leurs homologues comestibles concernaient 1 872 personnes. Toujours entre 2012 et 2019, c’était cette fois au tour des chenilles processionnaires d’être responsables de 1 274 cas d’exposition symptomatiques. Entre 2010 et 2019, 1 494 personnes s’intoxiquaient à cause de produits destinés au maintien de la bonne qualité sanitaire de l’eau des piscines et des spas…

La grande majorité des produits utilisés par le grand public est responsable d’accidents de gravités diverses. Chaque année, près de deux millions d’appels aboutissent dans l’un des centres antipoison de France. Avec 295 cas recensés en cinq ans, soit une moyenne de 60 chaque année, les produits étudiés par l’Anses, et pour lesquels elle lance une alerte, ne concernent que 0,003 % des cas.


1 Anses. 2023. Produits du tabac, produits connexes et arômes. Bilan des cas rapportés
aux centres antipoison du 1 er janvier 2017 au 31 décembre 2022. Autosaisine 2023-
AUTO-0121. (télécharger le rapport au format PDF)

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