Alors que la FDA a récemment annoncé vouloir continuer sa lutte contre le vapotage des jeunes, suite à la publication de la dernière enquête annuelle sur le tabagisme, 4 scientifiques ont également analysé ses données. Ils en tirent des conclusions positives pour la santé publique, bien différentes de celles de l’organisme de santé.

Une mauvaise interprétation des données par la FDA ?

A la fin de l’année 2018, la Food and Drug Administration (FDA) publiait les résultats de la National Youth Tobacco Survey (NYTS), enquête annuelle s’intéressant à l’utilisation des produits du tabac chez les jeunes Américains.

Alors que l’organisme notait une forte augmentation de l’utilisation de la cigarette électronique chez les mineurs (+ 78 % par rapport à l’année précédente), Alex Azar, secrétaire à la santé du pays, s’affolait :

« Ces nouvelles données montrent que l’Amérique est confrontée à une épidémie de consommation de cigarettes électroniques chez les jeunes, qui menace d’engloutir une nouvelle génération dans la dépendance à la nicotine ».

Pourtant, selon les auteurs d’une récente étude (1), malgré le fait que la NYTS contienne de nombreuses données sur la consommation d’une série de produits du tabac, la FDA ne semble s’être jamais intéressée à la relation entre l’utilisation de la cigarette électronique et les habitudes de consommation d’autres produits du tabac. Justement ce à quoi se sont attelés les 4 auteurs du travail dont nous allons parler aujourd’hui.

Après avoir utilisé divers modules d’analyses afin de générer des estimations applicables à toute la population américaine, les chercheurs ont révélé plusieurs points.

Très peu de non-fumeurs chez les jeunes vapoteurs Américains

Tout d’abord, l’utilisation de la cigarette électronique, au moins une fois au cours des 30 derniers jours, a bel et bien augmenté chez les mineurs aux Etats-Unis, passant de 11,7 % en 2017 à 27,5 % en 2019 (+ 15,8 %). Cependant, la prévalence du vapotage était « fortement associée aux antécédents de consommation de tabac au cours de la vie ». En effet, alors que 13,3 % des interrogés déclaraient avoir utilisé un vaporisateur personnel sans avoir fumé auparavant, ils étaient 73,8 % à avoir déjà fumé par le passé, contre 57,2 % en 2017 (+ 16,6 %).

Les auteurs notent ainsi que par rapport aux utilisateurs de e-cigarettes qui n’avaient jamais consommé d’autres produits du tabac, les chances de consommation ont « augmenté fortement et de manière graduelle en fonction de l’expérience du tabac ».

Un fait qui semble se confirmer concernant les utilisateurs réguliers d’une cigarette électronique. En effet, pour la catégorie des jeunes ayant utilisé un vaporisateur personnel pendant plus de 20 jours au cours des 30 derniers jours, seuls 2,1 % des interrogés n’avaient jamais fumé, alors que 48,8 % ont déclaré qu’ils avaient déjà fumé plus de 100 cigarettes de tabac au cours de leur vie. Un chiffre en augmentation par rapport à 2017, puisqu’ils n’étaient à l’époque que 26,8 % à déclarer avoir régulièrement utilisé une e-cigarette.

De quoi confirmer que si les jeunes sont de plus en plus nombreux à faire l’expérience du vapotage, l’utilisation régulière d’une cigarette électronique reste bien cantonnée aux fumeurs.

La dépendance à la nicotine semble plus liée au tabagisme qu’au vapotage

Parmi les questions posées lors de cette enquête, certaines concernaient les aspects de la dépendance et du comportement tabagique.

La première était : « au cours des 30 derniers jours, pendant combien de jours avez-vous consommé un ou plusieurs produits du tabac ? ».

A cette question, 52,5 % des vapoteurs qui n’avaient jamais fumé auparavant ont répondu 0. Seuls 8,7 % ont déclaré avoir ressenti une « envie irrésistible », et 2,9 % ont annoncé « vouloir en consommer dans les 30 minutes ».

La seconde question était : « combien de temps après votre réveil souhaitez-vous consommer un produit du tabac ? ».

51,8 % des utilisateurs de cigarette électronique n’ayant jamais fumé ont répondu ne pas vouloir en consommer, tandis que 34,2 % ont expliqué souhaiter le faire « rarement ». Enfin, 18,2 % ont déclaré n’avoir utilisé une e-cigarette qu’un seul jour dans leur vie, et 46,9 % en ont utilisé dix jours ou moins.

Comme le notent les auteurs, ces résultats « contrastent nettement » avec ceux observés chez les utilisateurs de e-cigarettes ayant fumé plus de 100 cigarettes au cours de leur vie.

En effet, à la première question, cette catégorie de répondants déclarait avoir ressenti une « envie irrésistible » à 65 %, tandis que 48,7 % voulaient en consommer dans les 30 minutes après leur réveil, lorsqu’il s’agissait de la seconde question. Une tendance que les chercheurs indiquent être similaire à celle des précédentes enquêtes, de 2017 et 2018.

De moins en moins de mineurs fument

Concernant le taux de prévalence tabagique chez les écoliers américains, les chercheurs notent une « baisse continue » du nombre de fumeurs actuels de cigarettes. Alors qu’ils étaient 28,5 % en 1999, ils n’étaient plus que 8,1 % en 2018 (- 20,4 %).

La proportion de ceux qui ont déjà essayé un produit combustible a également baissé. Les auteurs de l’étude notent qu’ils étaient 66,9 % en 1999, contre 33,4 % en 2019 (- 33,5 %).

Des chiffres qui démontrent que malgré le gain de popularité de la cigarette électronique au cours des dernières années, les jeunes continuent d’être de moins en moins nombreux à expérimenter un produit du tabac.

De quoi remettre en question les dires du secrétaire à la santé du pays qui a plusieurs fois déclaré que le vapotage « menace d’engloutir une nouvelle génération dans la dépendance à la nicotine ».

Les auteurs concluent ainsi :

 

  • En 2019, les élèves du secondaire qui avaient fumé plus de 100 cigarettes au cours de leur vie étaient environ 18 fois plus susceptibles d’avoir utilisé des cigarettes électroniques au cours des 30 derniers jours que les élèves qui n’avaient jamais utilisé un quelconque produit du tabac.
  • Bien qu’il soit possible que dans certains cas individuels, l’essai initial d’une e-cigarette ait conduit à l’essai et à l’utilisation de cigarettes, les données suggèrent fortement que ce n’est pas le schéma dominant observé au niveau de l’ensemble de la population.
  • Parmi les lycéens, nous avons constaté que, pour la grande majorité de ceux qui ont un passé de fumeur de cigarettes important, les cigarettes étaient le premier produit du tabac essayé, avant toute utilisation de e-cigarettes. Il est clair que, pour ces élèves, leur consommation de cigarettes et le développement d’une dépendance caractéristique à la nicotine doivent être attribués à la cigarette en tant que produit d’absorption, plutôt qu’aux e-cigarettes.
  • Le déclin rapide observé dans l’essai de produits combustibles et dans la prévalence du tabagisme depuis 1999 n’a encore donné aucun signe d’être inversé par la recrudescence de l’utilisation des e-cigarettes depuis 2011.
  • Au niveau de la population, le NYTS ne fournit aucune preuve que les e-cigarettes agissent comme une porte d’entrée vers le tabagisme chez les adolescents. Il semble plutôt que les e-cigarettes soient en train de remplacer les cigarettes et de devenir le produit de nicotine préféré. Dans ces circonstances, il est plausible de penser qu’en aidant les fumeurs adultes à arrêter de fumer, les e-cigarettes sont susceptibles de réduire la charge globale des maladies liées au tabac aux États-Unis.
  • Nous n’avons trouvé que peu de preuves d’une dépendance substantielle à la nicotine imputable à l’utilisation des e-cigarettes.
  • Les données de l’enquête NYTS n’étayent pas les allégations d’une nouvelle épidémie de dépendance à la nicotine découlant de l’utilisation des e-cigarettes, ni les préoccupations selon lesquelles la diminution de la dépendance des jeunes au tabac pourrait être inversée après des années de progrès.

 

Les chercheurs indiquent toutefois, à la fin de leur étude, ne pas souhaiter « remettre en cause » l’orientation actuelle de la politique de la FDA en matière de réglementation des e-cigarettes, ce qui serait « présomptueux » de leur part.

Ils notent simplement « un gouffre béant entre la vision d’une épidémie d’utilisation des e-cigarettes menaçant d’engloutir une nouvelle génération de dépendance à la nicotine et la réalité des preuves contenues dans le NYTS ».


(1) Martin Jarvis, Sarah Jackson, Robert West, Jamie Brown. (2020). Epidemic of youth nicotine addiction? What does the National Youth Tobacco Survey 2017-2019 reveal about high school e-cigarette use in the USA?. Qeios. doi:10.32388/745076.5.


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