Nous nous sommes procurés un document de travail décrivant la possible liste des informations requises avant la commercialisation d’un produit de la vape (e-liquide ou matériel). Une complexité administrative pourrait venir s’abattre sur les professionnels du secteur.
La commercialisation d’un produit devra passer par une notification six mois à l’avance
La mise en oeuvre de la Directive européenne 2014/40/UE se rapproche et la Commission européenne prépare son entrée en vigueur afin de respecter les délais prévus pour une transposition dans chaque État membre (date limite mai 2016).
La Directive exige des fabricants et importateurs de cigarettes électroniques et d’e-liquides de notifier les autorités compétentes six mois avant la commercialisation de chaque produit. Pour les cigarettes électroniques et e-liquides déjà mis sur le marché avant le 20 mai 2016, elle prévoyait initialement que la notification devrait être soumise dans un délai de six mois.
Parmi les premiers axes de travail, la Commission se penche actuellement sur le formulaire de notification préalable à la commercialisation des produits ainsi que sur les normes techniques relatives au mécanisme de remplissage (absence de fuite au remplissage).
Suivant son plan indicatif de mise en oeuvre à la lettre, les travaux sur le formulaire sont lancés et ont donné lieu à une première réunion de travail le 20 janvier à Bruxelles.
Nous nous sommes procurés un document de travail (PDF) qui constitue probablement une définition informatique des éléments qui pourront être requis par la Commission auprès des professionnels, qu’ils soient fabricants et/ou importateurs. En théorie les boutiques physiques et/ou en ligne qui importent directement certains produits depuis l’étranger seront soumises à ces obligations de notification*.
A la lecture de ce document, pour lequel il est important de rappeler que le contenu n’est pas définitif, il est frappant de constater que les données demandées peuvent être extrêmement précises. Baptisé “Dictionnaire de données pour la proposition d’un format commun pour la notification des cigarettes électroniques et de leurs recharges”, voici ce qu’il prévoit.
Les secrets de recettes pour la fabrication d’un e-liquide entièrement dévoilés
Le document stipule que tous les ingrédients contenus dans les e-liquides doivent par exemple être énumérés, ainsi que leur nature. Le renseignement de leur code “E”, s’il s’agit d’additif alimentaire, ou de leur classification toxicologique pourraient également être rendus obligatoires.
Alors que de telles informations pourront sans aucun doute contribuer à améliorer la sécurité des produits consommés, la recette d’un e-liquide dont chaque fabricant a le secret, pourrait en revanche être connue des services de contrôle européens. Un jeu administratif et de confiance qui pourrait bien venir chambouler les petites habitudes de travail des fabricants qui vont certainement devoir batailler pour que leurs secrets ne soient pas divulgués et rappeler à la Commission que la Directive prévoit également la nécessité de protéger les secrets commerciaux.
En dehors de cette problématique industrielle, c’est surtout la charge administrative qui pourrait bien inquiéter les fabricants. La transmission des quantités précises de chaque ingrédient pourrait en effet s’accompagner d’une nouvelle soumission si le produit venait à être modifié, ne serait-ce que d’un milligramme. Une gamme de 40 saveurs déclinée en 3 taux de nicotine pourrait alors se transformer en un cauchemar réglementaire, ralentissant ainsi l’innovation en alourdissant les coûts.
Des analyses scientifiques demandées pour chaque e-liquide
A ce type de démarche viennent s’ajouter des obligations a priori beaucoup plus complexes qu’une simple liste d’ingrédients. Des analyses des émissions de gaz sont mentionnées comme faisant partie des éléments à fournir par le professionnel. A ce stade de la lecture, difficile de comprendre la teneur exacte de ces obligations, mais il est fort à parier que peu de laboratoires disposent aujourd’hui d’outils techniques permettant de produire de tels rapports.
Sont par exemple stipulés dans la liste, le type de protocole utilisé, les documents décrivant les méthodes de mesure, leur nom, codification et la quantité de chaque élément chimique repéré dans la vapeur.
Le matériel passé au crible
Le matériel n’est pas non plus épargné. Le dictionnaire de données du projet EUREST (European Regulatory Science on Tobacco) prévoit en effet de lister l’ensemble des caractéristiques de chaque produit commercialisé. Contenance du flacon ou de la recharge, type de batterie et composition chimique, données sur le voltage ou wattage variable, air flow, résistances, la liste est longue et semble difficile à respecter dans la pratique, sans une forte mise à contribution des fournisseurs et des importateurs tant les matériels sont nombreux et évolutifs.
Au rythme où le secteur avance il est difficile de concevoir que chaque produit puisse être soumis à de telles contraintes. La logique du minimum pourrait alors s’imposer et éradiquer la fièvre créatrice qui habite aujourd’hui les plus gros fabricants chinois allant en moyenne d’un nouveau produit par mois pour les plus prolixes. Concevoir moins et vendre plus ? Ce pourrait être la solution imposée et la cigalike, sur fond de modèle Nespresso, pourrait bien correspondre à ces orientations forcées.
Les professionnels indépendants sur le qui-vive
Contacté par la rédaction, le président de la FIVAPE nous a confirmé que la Fédération a participé à la réunion de travail qui s’est tenue à Bruxelles le 20 janvier. Organisée par la Direction générale de la santé à la Commission européenne (SANTE, ex-SANCO), cette réunion avait pour but de présenter la méthode de travail de la Commission et de récolter les commentaires de certains professionnels sur ce sujet précis des processus de notification. Parmi eux l’ensemble des grands industriels du tabac et des associations de professionnels indépendants.
“Nous sommes venus pour défendre la vape indépendante, celle qui s’oppose à une réglementation qui peut rayer d’un trait de plume, par une complexification réglementaire exponentielle, l’activité de l’ensemble des professionnels indépendants, soit 100% du marché en France” confie Arnaud Dumas de Rauly à notre rédaction.
Le président de la FIVAPE explique qu’il est “primordial pour les professionnels français de faire entendre leur voix auprès de la Commission” afin que celle-ci “propose un cadre réglementaire qui ne mette pas en péril le marché, permettant aux vapoteurs d’accéder sereinement aux produits français ou importés en France”. “Si on freine l’innovation et la variété des offres, c’est un accès réduit à une méthode de réduction des risques reconnue et utilisée par des millions de fumeurs aujourd’hui en Europe qui se profile. La Fivape appelle l’ensemble des professionnels de la vape à se mobiliser et à la solidarité, car l’année 2015, en terme de réglementation, sera cruciale pour l’avenir de la filière. »
*définition article 2 : «importateur de produits du tabac ou de produits connexes», le propriétaire ou une personne ayant le droit de disposition des produits du tabac ou des produits connexes introduits sur le territoire de l’Union.