C’est José Bové, le sympathique paysan à moustaches du Larzac, député européen, qui s’improvise, pour cette occasion, porte-parole des écologistes favorables au classement de la cigarette électronique comme médicament, sur le site de débat Newsring. Un bel essai, qui explique à la fois parfaitement pourquoi les écologistes ont voté cette mesure, et pourquoi il est urgent qu’ils arrêtent de s’en mêler.
Diatribe fumeuse ?
Il existe une sorte de règle en rédaction, particulièrement sur le web : le sujet de l’article doit être abordé dans les cinq premières lignes. Nulle réglementation normative ou obligation, là dessous, simplement, le lecteur sur écran se demande finalement, au delà de cette limite, quel est le sujet réel de l’article.
José Bové donne l’impression de ne pas connaître cette règle, pour le vapoteur distrait qui lirait cet article en croyant qu’il lui est spécifiquement adressé. Pourtant, une re-lecture plus attentive montre la triste vérité : le sympathique moustachu parle bien de la directive tabac, et mixe un petit peu tout pour en faire un potage indigeste.
Sur la première partie, rien à redire : la vision de l’industrie du tabac par la lorgnette des lobbys, les dysfonctionnements du parlement européens en la matière, y sont parfaitement dénoncés, et interprétés en fonction de l’idéologie verte. On n’ira pas reprocher à José Bové de défendre ses idées.
C’est sur la dernière partie, concernant directement la cigarette électronique, que le bât blesse. Pourtant, José Bové ne commet qu’une infime, une minuscule erreur : oui, il y a un marché de la cigarette électronique, oui, les cigarettiers y sont présents, mais non, ce ne sont pas eux qui le contrôlent en sous-main, ils cherchent au contraire à monter le leur, et ça fait toute la différence. On se demande même où il a trouvé ce chiffre de trois quart du marché, qui serait détenu par BAT et consorts.
Discours fumiste ?
La part actuelle des grandes entreprises de cigarettiers sur le marché est minime, en réalité : le nombre de produits de la e-cigarette fabriqués et commercialisés directement par les fabricants de tabac représente moins de un pour cent des ventes, pourcentage dû au retard avec lequel ils ont proposé leurs produits, et la qualité médiocre de ces derniers. Proposés la plupart du temps en systèmes propriétaires, contrairement aux normes quasi universelles de la cigarette électronique, comme la pas de vis 510, elles offrent de surcroît peu d’attraits pour les vapoteurs déjà en activité qui devraient, pour les essayer, renouveler l’ensemble de leur matériel.
Ce qui s’est passé avec l’e-cigarette a été très intéressant ; ce fut la dernière tentative d’«enfumage» ou de «vaporisation» du Parlement. Les cigarettiers ont essayé de présenter cette affaire en dehors de la logique des lobbies alors qu’ils se cachent très clairement derrière le vapotage. – José Bové (Newsring, 8 octobre 2013)
Le retard s’explique simplement par deux temps forts : le premier, les débuts de la cigarette électronique, ou les cigarettiers ne croyaient tout simplement pas au produit. Le second, l’implantation, ou ils ont essayé d’anticiper les normes pour détenir un quasi monopole. La BAT avait par exemple entamé des démarches pour obtenir l’Autorisation de Mise sur le Marché pharmaceutique de ses produits, engendrant de nouveaux retards, et surtout misant sur le classement de la cigarette électronique en médicament.
Sur la commercialisation, cela ne change rien, puisqu’ils pourront le vendre dès maintenant. Mais le temps passé en homologations, dix huit mois, est un délai supplémentaire ou les grands noms de la e-cigarette ont grandi, suffisamment pour monter leur propre lobby.
Problème fumant
En votant pour la classification de la e-cigarette en produit pharmaceutique, les écologistes et José Bové en tête ont fait, sans réellement le savoir, le jeu des cigarettiers. Partie perdue pour eux, fort heureusement, mais partie remise selon les déclarations de Bové, fantassin de son ennemi sans le savoir.
L’autre partie de son argumentation tient sur le contrôle des contenus de la e-cigarette. Argument qui ne tient pas. Nous ne reviendrons pas ici sur les inconvénients qu’auraient engendrés la commercialisation de notre cibiche électrique préférée dans les pharmacies, ils sont bien connus. Mais ce que ne comprend pas José Bové, c’est que la e-cigarette avait compris intuitivement que, si elle voulait qu’on lui fiche une paix royale, il fallait qu’elle s’autorégule. La très grande majorité des boutiques aujourd’hui affichent clairement les certificats de conformité de leurs produits, voire même des analyses réalisées à leurs frais par des laboratoires indépendants. Chose, au passage, qu’il est quasi impossible d’obtenir dans un bureau de tabac qui vend lui aussi des liquides.
Les boutiques spécialisées prennent également le temps d’expliquer à leurs clients, pour les meilleures d’entre elles, le fonctionnement, l’entretien et les précautions d’usage de leur e-cig, et les aident à choisir un parfum de produit. Difficile d’imaginer un pharmacien le faire. Difficile également de l’envisager chez un buraliste : derrière son tiroir-caisse, il a très exactement 45 secondes à vous consacrer, entre le client venu faire son Loto et celui venu chercher son paquet de Malbiches.
Il voyait des blondes filtre partout
Cette exigence de qualité s’est retransmise à la clientèle : les vapoteurs trouvent aujourd’hui ces critères légitimes, et les transmettent aux débutants, puisque le bouche à oreille est devenu le principal critère de distribution. Oui, il y aura toujours des pigeons qui se feront avoir par les malandrins attirés par l’argent facile de la e-cigarette. Mais le meilleur moyen de court-circuiter et ces gens là et les cigarettiers, c’est de légiférer pour obliger les boutiques de e-cigarette… à continuer comme elles font. Tout le contraire de l’esprit de la proposition européenne, tout le contraire de ce qu’à voté José Bové sans le comprendre.
Ce qui ne retire rien de la sympathie que peut inspirer le bonhomme, ni de ses compétences par ailleurs. Lorsque José Bové parle des problèmes des agriculteurs bio sur le Larzac ou ailleurs, c’est une référence qui s’exprime. Lorsqu’il parle de e-cigarette, il raconte n’importe quoi. C’est aussi simple que ça.
Source : http://www.newsring.fr/societe/3555-pour-ou-contre-la-cigarette-electronique/70273-cigarette-electronique-lenfumage-ou-la-vaporisation-des-cigarettiers-au-parlement