Comment se porte le CBD dans les boutiques de vape ? Il est permis de poser la question, tant la molécule, après le feuilleton de sa légalisation, est apparue comme un nouvel Eldorado, pour se faire aujourd’hui beaucoup plus discrète. Point sur la situation avec les acteurs du secteur.

Pour de nombreux consommateurs, le CBD a été une déception.

Le feuilleton du CBD

Le 29 décembre 2022 se concluait le feuilleton législatif du CBD. La molécule avait tout d’abord été interdite par le gouvernement, avant que l’Europe ne retoque la décision. Puis les fleurs et feuilles avaient été spécifiquement ciblées par une nouvelle interdiction le 30 décembre 2021, décision suspendue par un juge du Conseil d’État, le 23 janvier 2022.

Avant, donc, quasiment un an plus tard, que le Conseil d’État se prononce définitivement en faveur de la commercialisation de la molécule sous toutes ses formes.

Beaucoup n’avaient pas attendu l’arrêté définitif pour se ruer vers ce nouvel Eldorado. Le CBD semblait à l’époque une molécule pleine de promesses, autant pour ses usagers que pour les commerçants. Parmi eux, beaucoup d’enseignes de vapotage.

En effet, concomitamment à cette époque, le marché de la vape subissait ses revers les plus importants. Tout d’abord, le scandale Evali aux USA, dont les soubresauts jusqu’en France avaient écorné l’image de l’e-cigarette. Ensuite, le Covid et ses confinements, qui avaient poussé une grande partie des clients vers les boutiques en ligne.

Dans ce contexte morose, sous le signe d’une stagnation des primovapoteurs et d’un report d’achat des anciens, l’arrivée du CBD était apparue comme un nouveau marché salvateur et, sous un certain angle, d’une continuité logique avec le vapotage. Aujourd’hui, presque deux ans plus tard, qu’en est-il ?

Constat en boutique

De nombreux clients ont essayé une seule fois.

Après avoir interrogé bon nombre de boutiques de vape proposant du CBD, un “comportement moyen” est ressorti. Par là, entendons un comportement archétypal qui peut s’appliquer à une majorité de consommateurs lambda, à savoir des clients de vape renseignés uniquement sur le CBD par ce qu’il s’en dit dans les médias.

Le grand public a suivi de près les aventures et mésaventures juridiques du CBD, et la molécule a suscité, sinon un intérêt, du moins une grande curiosité de la part du public. Ceci grâce à une couverture médiatique importante, tant sur les avanies politiques que sur la molécule en elle-même, que beaucoup de médias ont présentée comme un petit miracle capable de tout faire.

Il est d’ailleurs amusant de constater, lorsqu’on épluche la presse généraliste, féminine, santé ou style de vie, que le CBD en usage paramédical a peu ou prou bénéficié du même traitement que le bicarbonate de sodium en usage sanitaire, à savoir une molécule inoffensive, saine et polyvalente. À une grosse différence près : son tarif.

Bon nombre des médicaments que je prescris ont des effets secondaires qui ne semblent pas concerner le CBD.

Ainsi, la même scène se reproduisit dans bon nombre de boutiques de vape proposant du CBD : le client vapoteur lambda, interpellé par le produit, pose quelques questions, décide d’essayer, se demande quel produit choisir, avant de s’enquérir du prix. Généralement, le tarif refroidit ses ardeurs, mais ne les éteint pas : il a du mal à dormir, mal au dos, des soucis divers et variés, et se dit que, s’il peut trouver quelconque soulagement, après tout, pourquoi pas.

Il va donc opter pour la solution la moins chère, souvent une tisane, parfois un e-liquide ou une huile. Mais la solution la moins chère est, fréquemment, la moins dosée, et donc, celle qui propose l’efficacité la plus relative ajoutée à un temps d’attente, avant que les effets soient perceptibles, très long. Et le client, déçu par le CBD, n’en reprend pas.

Ceci s’applique à Monsieur et Madame Tout-le-Monde, néanmoins. Le “client CBD”, quant à lui, est mieux renseigné, il connaît le prix de la molécule, mais aussi les filières.

Paroles de shop

On a eu beaucoup de clients de 40-50 ans qui en ont acheté en voyant qu’on en avait, et qui nous ont dit après qu’ils étaient déçus.

On a arrêté le CBD au vape shop, pour tout un tas de raisons. En revanche, le patron a ouvert un CBD shop pas loin d’ici, avec un vendeur de la boutique qui était à fond dans le truc. Ce que je retiens, c’est qu’on a eu beaucoup de clients de 40-50 ans qui en ont acheté en voyant qu’on en avait, et qui nous ont dit après qu’ils étaient déçus. C’étaient souvent des couples installés, et qui espéraient retrouver les effets du joint de leur jeunesse. Déception, forcément.

Les cercles médicaux

Dans le cercle médical, la molécule reste discrète.

Une étude superficielle de la sociologie du consommateur régulier de CBD est déjà riche d’enseignements. Il y a deux grandes catégories.

D’une part, des personnes pour qui le CBD est un moyen de soulager une affection récurrente et qui se tournent vers le milieu médical. Il n’est pas rare de voir des professionnels de santé, parfois des médecins généralistes ou spécialistes, conseiller à leurs patients de tester la molécule.

Le Dr X prend le temps de nous recevoir dans son bureau. Oncologue, nous avons obtenu son nom par la cliente d’une boutique, et il a accepté de parler de la molécule à condition que son nom soit caché. Il y a une raison précise à cela : “malgré la légalisation, entre guillemets, du CBD, il est au cœur d’enjeux pas encore réglés. Certains politiques veulent encore l’interdire, les labos pharmaceutiques voudraient mettre la main dessus, et même si pour l’instant ça va, certaines décisions aujourd’hui pourraient se payer en termes politiques, de politique de l’hôpital, je veux dire, demain. Il y a aussi le principe du primum non nocere, et certains voient d’un mauvais œil qu’un médecin conseille une molécule qui ne fait pas encore l’objet d’un consensus scientifique. Je suis peut-être pusillanime, mais je préfère rester discret”.

Je ne vais pas remplacer un médicament à base de morphine par du CBD, il ne faut pas non plus rêver.

Selon ce médecin, conseiller du CBD s’inscrit dans un allègement du parcours de soins. “Bon nombre des médicaments que je prescris ont des effets secondaires qui ne semblent pas concerner le CBD. L’addiction est le plus connu, pour certains antidouleurs. Et j’ai remarqué un effet psychologique ; en lui faisant choisir une molécule qu’il peut doser à sa convenance, le patient a l’impression d’une thérapie plus souple à laquelle il participe. Je vous parle d’un sentiment personnel, là, pas d’une vérité scientifique.”

Il utilise néanmoins le CBD de manière parcimonieuse : “Je ne vais pas remplacer un médicament à base de morphine par du CBD, il ne faut pas non plus rêver. Mais si ça me permet d’alléger un peu le dosage de molécules plus contraignantes en termes d’effets secondaires, c’est toujours ça de pris en termes de qualité de vie pour le patient. Mon domaine exige des traitements lourds qui affaiblissent l’organisme, et tout ce que je peux prendre pour alléger cet effet, je le prends.”

Le médecin a un regret : “On ne va pas se le cacher : ce sont souvent mes patients les plus aisés qui peuvent accéder aux produits bien dosés et de bonne qualité. Je souhaite que la molécule se développe assez pour que ses prix baissent.”

Et le médecin ne peut pas donner de bonnes pistes. “Je n’ai pas le droit de dire à mon patient d’aller acheter ici où là, le Conseil de l’Ordre me tomberait dessus à bras raccourcis, à raison. En revanche, je demande aux patients d’amener leur produit avec eux pour que je regarde, et je peux leur dire si leur produit est de mauvaise qualité, voire s’ils le paient trop cher à l’endroit où ils l’achètent.”

Le CBD est-il une panacée pour la médecine ? “Non, c’est un outil, un outil pour l’instant rudimentaire qui ne demande qu’à être amélioré. Si vous espérez que le CBD vous permette d’améliorer certains points, vous êtes dans le juste, mais faites preuve de patience. Si vous attendez des miracles, en revanche, vous risquez d’être déçus.”

Paroles de shop

Ce qui nous a fait du mal, ce sont les articles de journaux qui expliquaient qu’être contrôlé positif au CBD faisait sauter le permis.

On avait un petit débit de produits au CBD, on avait fait une formation, trouvé des produits de bonne qualité à pas trop cher, mais là ça se tasse. Il y a un effet hype qui retombe. Et ce qui nous a fait du mal, ce sont les articles de journaux qui expliquaient qu’être contrôlé positif au CBD faisait sauter le permis. On ne pensait pas, mais pour nos clients, ça a sonné la fin de la récré.

Les cercles d’initiés

Le CBD a toutefois ses adeptes.

Le second cercle est celui des “initiés”. Dit comme cela, on pourrait penser à quelque société secrète à l’uniforme étrange, mais point de tout cela. On y retrouve des consommateurs pour raisons médicales, mais éloignés des cercles médicaux, auxquels viennent s’adjoindre des consommateurs de cannabis soucieux de réduire, voire de cesser leur consommation.

Le groupe Facebook “CBD Pour Tous” est l’un des plus importants. Créé il y a sept ans, il compte aujourd’hui 11 500 adhérents. Romuald, son fondateur qui n’a pas souhaité donner son nom de famille, explique que “c’est un groupe pour les malades, créé par un malade. C’est un point de rencontre pour des personnes qui cherchent une alternative à leurs traitements souvent lourds”.

Quand j’ai parlé de CBD à mon propre médecin, il m’a répondu que c’était de la drogue.

Le contenu des publications est varié, avec une constante : “Les membres se partagent les bons plans qu’ils peuvent trouver à droite, à gauche. Ils s’échangent aussi beaucoup de conseils et d’avis.” De ce fait, le groupe ressemble assez à ce que peuvent trouver les fumeurs sur des pages spécialisées dans le sevrage tabagique, avec des anciens qui partagent leurs connaissances et guident les petits nouveaux.

Le fondateur du groupe a fait la publicité de son groupe dans des publications spécialisées, et beaucoup d’adhérents ont été guidés par ce militant de longue date.

“Beaucoup d’utilisateurs achètent en boutique physique, souligne-t-il. D’autres sur Internet, en direct du producteur parfois, mais la plus grande majorité, presque toujours, auprès de revendeurs spécialisés.”

Les usagers sur CBD Pour Tous ont quasiment tous une démarche personnelle en dehors du cadre médical. “Les médecins ne sont pas tellement favorables, explique Romuald. Les jeunes, aujourd’hui, sont généralement mieux informés et plus favorables à l’usage du CBD, mais les anciens, c’est compliqué. Quand j’ai parlé de CBD à mon propre médecin, il m’a répondu que c’était de la drogue.”

“J’incite les gens à vaporiser plutôt que fumer, souligne-t-il. Et les conseils sont très axés sur la réduction des risques.” En revanche, une grande absente, la vape : “En sept ans, j’ai deux boutiques de vape qui sont venues me voir, en désirant en savoir plus sur le CBD, c’est tout.”

Le groupe peut surprendre par les connaissances parfois très techniques que certains membres ont acquises. Un segment de clientèle que les boutiques de vape peinent à convaincre, sans doute par manque d’offre et de technicité.

Paroles de shop

Une boutique spécialisée s’est ouverte dans le quartier, ça ne nous a pas aidés.

Nous avons entré toute une gamme de produits au CBD. Beaucoup de clients ont suivi le même schéma, ils voulaient acheter, ils voyaient les prix, ils prenaient ce qu’il y avait de moins cher, donc de moins fort, et ils étaient déçus. On a rentré énormément de tisanes au CBD, mais comme tout le reste, on en a vendu au début, puis ça s’est tassé avant de s’arrêter net. Une boutique spécialisée s’est ouverte dans le quartier, ça ne nous a pas aidés. En voyant les sachets de tisane approcher de la date de péremption, on a dit à nos vendeurs de les offrir, pour faire plaisir. Il nous en reste plein. Quand on leur offre, deux clients sur trois refusent…

Le marché du CBD

De nombreux acteurs se sont lancés sur le marché.

L’Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (UIVEC) a un regard précis sur le marché. Le syndicat représente les entreprises spécialisées dans les produits à base de CBD.

Le président de l’UIVEC, Ludovic Rachou, analyse : “le marché est assez paradoxal. Il y a énormément de marques qui se sont lancées, surtout dans les huiles de CBD et les CBD shops. Ce phénomène a amené à une surconcentration. De ce fait, énormément de marques ont disparu ces dernières années, et d’autres petites entreprises ont du mal.”

Le marché est de fait scindé en deux. “Il y a ces petites marques, qui peinent à s’en sortir, et d’autres qui sont désormais bien implantées sur le marché du complément alimentaire à base de CBD.” Sans compter que des acteurs majeurs s’y mettent. “Le CBD devient une commodité pour certains, comme pour Boiron, par exemple, qui a ajouté la molécule à son catalogue”, détaille Rachou.

Aujourd’hui, la hype autour du CBD est retombée, et le marché est en phase de consolidation.

Effectivement : on est surpris de constater que le Laboratoire Boiron, géant français de l’homéopathie, s’est lancé dans le CBD. Avec principalement des gels bien-être. Et, fait amusant, le descriptif souligne que le gel est “très concentré en CBD”, le contraire, donc, de ses “médicaments” homéopathiques où la concentration atteint des seuils, disons théoriques, tellement ils sont faibles. Pas de ça ici, avec un “70 mg de CBD” fièrement mis en avant.

Ludovic Rachou poursuit : “Aujourd’hui, la hype autour du CBD est retombée, et le marché est en phase de consolidation. Les chiffres de vente en grandes surfaces et en pharmacie sont en augmentation, et dans le même temps le nombre d’acteurs est en baisse.” Sur les CBD shops spécialisés, en revanche, “il est difficile d’avoir les chiffres. Dans ces boutiques, c’est principalement la fleur de CBD qui y est vendue.” Effectivement, après avoir appelé quelques CBD shops, les deux donnent un chiffre indiquant que la fleur de CBD constitue entre 60 et 70 % de leur chiffre d’affaires. “Pas mal de CBD shops ont fermé, on constate un petit essoufflement du marché”, constate-t-il.

C’est dans les pharmacies que le marché s’est le plus développé ces derniers mois.

Dans le même temps, l’analyse de marché a ses limites. “Nous avons réalisé une enquête avec Harris Interactive, de laquelle il est ressorti que 80 % des pharmacies proposaient du CBD, ajoute le président de l’UIVEC. Dans la majorité des cas, le chiffre d’affaires de ces produits est en hausse. Il faut le pondérer, toutefois, puisque les produits à base de CBD ne sont pas toujours bien identifiés, donc la fiabilité des chiffres présente une limite rapidement atteinte.”

Ludovic Rachou peut néanmoins en tirer une conclusion : “C’est dans les pharmacies que le marché s’est le plus développé ces derniers mois.”

Sur la présence de CBD en boutiques de vape, en revanche, les promesses ne semblent pas tenues. “La vape au CBD n’a jamais vraiment fonctionné d’un point de vue ventes. Tant en France qu’à l’étranger, d’ailleurs, analyse-t-il. Et lorsqu’on parle de CBD, le client cherche un produit identifié. Concrètement, quand vous trouvez une marque de CBD que vous connaissez chez Monoprix ou Carrefour, vous trouvez plus logique de l’acheter là que dans un commerce avec une spécialité différente”, comme une boutique de vape.

Mais le marché global du CBD est prometteur, et les signaux ne trompent pas. “On a assisté à un changement global de perception sur le CBD. La plupart des gens en ont entendu parler, même si encore beaucoup ne savent pas ce que c’est, détaille Ludovic Rachou. Mais on constate au niveau des institutions un changement d’attitude. Les banques, par exemple, en ont moins peur qu’avant.”

Ce phénomène de surconcentration puis de contraction et enfin de stabilisation du marché n’est pas spécifique. Tous les nouveaux produits, y compris la vape, sont passés par là. Certains ont vu un bouleversement du marché, comme le téléphone portable, dont le réseau de distribution est très différent des débuts, d’autres ont fini par se stabiliser ou au contraire par disparaître.

Paroles de shop

Les huiles étaient tellement chères que les clients s’enfuyaient en courant quand on annonçait le prix.

J’ai succombé aux sirènes du CBD. Avec un commercial qui m’a proposé une offre complète de gamme. Rétrospectivement, c’était une très mauvaise idée. Les liquides à vaper au CBD font mal à la gorge, on a décliné tout ce qui est combustion, et les huiles étaient tellement chères que les clients s’enfuyaient en courant quand on annonçait le prix. Pourtant, je ne regrette pas. Pourquoi ? Parce que la tête de mes vendeurs quand ils ont déballé les produits de beauté à base de CBD m’a valu le fou rire de ma vie. Même ma conseillère, je la pensais plus réceptive, mais quand je le lui ai dit, elle a été vexée. Elle m’a fait remarquer qu’elle avait 25 ans et que les crèmes antirides ne la concernaient pas. Bon, j’ai bien ri, mais j’ai perdu beaucoup d’argent.

Et en boutique de vape ?

Dans les vape shops, le CBD n’a plus le vent en poupe.

Pourquoi la hype du CBD n’a pas duré ? “On peut exactement en faire la même lecture que le client vape”, explique Jean Lorcy de The Fuu, rejoignant l’analyse de l’UIVEC.

“Le soufflé est retombé dans les vape shops depuis 2-3 ans déjà. Il y a eu une hype, puis pour diverses raisons, le prix en est une, c’est retombé. Là ça repart dans les CBD shops, avec principalement les ventes de têtes de CBD et les molécules connexes, mais le marché reste difficile pour eux. En vape, ça ne marche pas.”

“L’e-liquide à base de CBD et les huiles sublinguales ont marché, mais ça s’est arrêté, constate Jean Lorcy. La plupart des vape shops qui se sont accrochés ont rentré des têtes de CBD et des molécules connexes.”

Il cite en exemple un client vape shop : “Il avait une équipe de vendeurs très bien formés sur le CBD et très rigoureux sur les consignes de vente, mais son rayon CBD n’a jamais décollé, malgré les moyens qu’il y a mis. Je pense à lui parce que je lui ai parlé récemment, mais j’ai plein d’exemples comme ça.”

La molécule de CBD est un bon apport pour les fumeurs qui passent à la vape pour arrêter de fumer et qui sont stressés par ce changement dans leur vie.

Et pourtant, pour Jean Lorcy, le CBD a sa place dans les boutiques de vape. “Par exemple, nos produits, qui proposent un mix de CBD et de nicotine, connaissent une croissance de 20 % cette année. On a longtemps cru qu’il ne fallait pas mixer le CBD et la nicotine, parce que sur le papier c’étaient des molécules contradictoires, mais au contraire, elles s’avèrent complémentaires, le CBD apportant un effet déstressant très apprécié par les fumeurs en sevrage.”

Mais l’échec des produits à vaper exclusivement au CBD s’explique : “Le CBD est assez désagréable à vaper, très irritant. L’e-liquide 100 % CBD à vaper est un produit mal né, d’autant que des alternatives existent, comme les gommes, les huiles, les têtes à risque réduit consommées avec un vaporisateur, qui sont plus agréables à l’utilisation et plus efficaces dans la diffusion de la molécule.”

Jean Lorcy souligne également qu’il y a “un marché de conquis, qui apprécie les produits à forte dose. Et de ce qu’on constate, pour obtenir une efficacité optimale du CBD, il ne faut pas lésiner, justement, sur la dose”.

Le CBD a-t-il sa place en boutique de vape ? “Malgré les difficultés, c’est un grand oui, pour Jean Lorcy. Pour deux raisons. La molécule de CBD est un bon apport pour les fumeurs qui passent à la vape pour arrêter de fumer et qui sont stressés par ce changement dans leur vie. Quand on fume depuis des années, se dire que ça va s’arrêter, ça peut être angoissant, la plupart d’entre nous a connu cela. Mais il y a aussi une autre clientèle, ceux qui consomment du cannabis, et qui souhaitent aussi se sevrer. Dans leur joint, il y a aussi du tabac, et donc il n’y a rien d’absurde à ce qu’ils viennent chercher une solution en boutique de vape. Avoir un produit répondant à leur besoin peut s’avérer très utile pour un sevrage global.”

Paroles de shop

Une cliente vient toujours prendre des sels, mais l’huile, elle va désormais l’acheter dans une boutique spécialisée.

J’ai récemment reçu une octogénaire qui souffrait d’arthrite, venue acheter une vape. Elle m’a pris des sels de nicotine, et de l’huile de CBD. Elle vient toujours prendre des sels, mais l’huile, elle va désormais l’acheter dans une boutique spécialisée. Mais le détail qui tue, c’est qu’elle a commencé après une conversation sur le cannabis thérapeutique avec un de ses petits-fils. Comme ça la tentait, le gars est juste allé lui acheter de l’herbe chez le dealer du coin et lui a appris à rouler des joints. Elle a consommé une quantité phénoménale pendant cinq ans, et s’est retrouvée accro à la nicotine. Elle m’a dit qu’avant ses 74 ans, elle n’avait jamais fumé une seule cigarette.

La formation en pointe

Le secteur souhaite se professionnaliser.

Donc, le CBD est une molécule complexe, dans un marché complexe, mais qui peut être très utile dans la mission des boutiques de vape, combattre l’addiction au tabac.

Didier Gonin, directeur de LGF formation, s’apprête à lancer une formation sur le CBD à destination des boutiques de vape, dans lesquelles il intervient déjà sur la nicotine et la gestion. Une formation qui s’impose dans le catalogue.

“Le CBD, c’est la vape il y a dix ans, explique-t-il. La formation au CBD s’inscrit dans une demande globale de formation des professionnels de la vape. D’une part, parce que le contexte global nous oblige à nous généraliser. Le marché de la vape est difficile, et diversifier son offre permet de mieux s’en sortir. Et il y a une continuité. N’importe quel commerçant qui s’engage dans la réduction des risques peut considérer le CBD. C’est l’opportunité d’avoir un outil qu’on peut substituer à des comportements addictifs.”

La distribution de CBD a été trop démocratisée, c’est à la fois une bonne et une mauvaise chose pour le consommateur.

À condition de savoir de quoi on parle, et donc de se former. “Le marché a besoin de précision scientifique en même temps que d’accompagnement dans la gestion du magasin. Aujourd’hui, on constate un gros manque de professionnalisation dans ces segments précis. Le désordre organisé de ces segments ne nous aidera pas.”

Selon Didier Gonin, “l’avenir passe par la professionnalisation, et donc la formation. C’est la pierre angulaire, pour faire la différence auprès de ses clients, mais aussi pour se préparer aux législations de demain”.

Le contenu de la formation, qui commencera en février 2024, a fait l’objet de recherches précises. “On est parti, pour la structure de base, des questions que les shops se posaient, enrichies des données scientifiques disponibles aujourd’hui sur le CBD.”

Une étape nécessaire pour le directeur de LGF formation. “La distribution de CBD a été trop démocratisée, c’est à la fois une bonne et une mauvaise chose pour le consommateur, qui peut trouver facilement ses produits, mais en revanche ne dispose pas du conseil adéquat. Les commerces qui vendent des molécules spécifiques à la réduction des risques, c’est vrai pour le CBD, c’est aussi vrai pour la nicotine, ont besoin de conseillers, pas de vendeurs. Et surtout, si le discours doit être une pédagogie explicative, on n’est pas des médecins, on ne doit pas faire de prescriptions.”

Un rayon CBD ?

Le vapotage du CBD contre le joint ?

Certaines boutiques de vape s’en sortent avec leur rayon CBD, mais pour la majorité, la molécule n’a pas eu l’effet de montée en puissance espéré sur leur chiffre d’affaires. En cause ? Sans doute la nouveauté du marché, qui a soudain libéralisé une molécule avec tellement de possibilités que l’on ne savait pas quoi en faire.

Le marché a subi sa phase d’expansion et de contraction, effet classique des nouveaux marchés, et est aujourd’hui dans une phase de stabilisation. Les produits, les clients, les marchés sont connus, et seul le coût un peu élevé reste un frein.

Mais les boutiques qui ont loupé le coche sur la première phase se voient offrir aujourd’hui de nouvelles possibilités avec une approche différente. S’il peut être étrange de vendre du thé ou des crèmes de jour au CBD dans une boutique de vape, en revanche, proposer la molécule sous d’autres formes pour les consommateurs de cannabis, entre autres, qui sont exposés à la combustion et désirent de se sevrer du tabac, peut être pertinent.

En un mot, satisfaire un segment de clientèle déjà très proche du nôtre, comme alternative moins formelle à l’offre de pharmacie, et dans lequel la grande distribution n’ira pas. Les possibilités sont multiples, et le CBD n’a pas dit son dernier mot.

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