À quelques jours de la reprise des débats sur le projet de loi de finances 2026, les députés se préparent à examiner une série d’amendements susceptibles de bouleverser le sort de la cigarette électronique en France. Entre suppressions, ajustements et nouvelles contraintes, l’avenir de la filière se jouera en grande partie dans les prochains jours.
Une bataille décisive pour l’avenir de la vape en France

L’article 23, dans sa version initiale, propose la mise en place d’une accise sur les e-liquides, une interdiction de la vente en ligne des produits du vapotage, et un changement de statut pour les vape shops, probablement calqué sur le modèle des buralistes, et qui entraînerait la fermeture de la plupart d’entre eux. Selon la FIVAPE, syndicat interprofessionnel du secteur, l’article 23 menacerait directement 4 000 emplois, et indirectement 20 000 de plus.
Une situation qui n’a pas échappé à certains députés, qui ont proposé de nombreux amendements à l’article 23. Certains qui répondent aux espérances de la filière du vapotage, en exigeant par exemple la suppression pure et simple de l’article, et d’autres, qui enfonceraient davantage le clou sur un cercueil qui serait de toute façon déjà scellé.
Nous vous proposons de retrouver ci-dessous le résumé de certains des amendements* déposés par les différents groupes parlementaires présents dans l’Hémicycle.
Les principaux amendements à l’article 23
Concernant le vapotage
EPR : Ensemble pour la République (92 membres)
LFI-NFP : La France insoumise – Nouveau Front Populaire (71 membres)
SOC : Socialistes et apparentés (66 membres)
DR : Droite Républicaine (49 membres)
HOR : Horizons & Indépendants (34 membres)
LIOT : Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (23 membres)
UDR : Union des Droites pour la République (15 membres)
Concernant les sachets de nicotine
HOR : Horizons & Indépendants (34 membres)
Concernant le chanvre et le CBD
EPR : Ensemble pour la République (92 membres)
DR : Droite Républicaine (49 membres)
*Les amendements rédactionnels, retirés, irrecevables, déposés en plusieurs exemplaires et/ou similaires à d’autres (sauf exception), ne sont pas compris dans cette liste. La liste complète de tous les amendements est disponible dans le tableau ci-dessous.
Le tableau des amendements
| Amendement | Groupe(s)* | Objet | Amendements similaires |
|---|---|---|---|
| Suppression totale de l’article | |||
| I-176 | DR, LFI-NFP | Suppression complète de l’article 23. | I-1277 |
| Chanvre / CBD – Exclusion de l’accise | |||
| I-1512 | EPR, LIOT, HOR | Exclure le chanvre/CBD (produits sans nicotine) de l’accise. | I-1699, I-1795, I-2519 |
| I-1706 | DR, EPR, LIOT | Exclure vapotage non nicotiné et CBD de l’accise + interdire vente en ligne pour produits nicotinés + autoriser vente en circuit court pour producteurs de chanvre. | I-1819, I-2520 |
| I-760 | DR | Fixer à 0 € l’accise sur les produits bruts à fumer ne contenant pas de tabac (chanvre/CBD). | — |
| I-723 | DR | Maintenir “sans changement” les taux pour produits bruts à fumer sans tabac (chanvre/CBD) + supprimer le monopole de vente aux buralistes pour ces produits. | — |
| Produits du vapotage – Suppression complète de l’accise | |||
| I-1732 | UDR, LIOT | Supprimer complètement l’accise sur tous les produits du vapotage. | I-2588 |
| I-3638 | DR | Maintenir l’accise, mais fixer le tarif à 0 €/ml pour tous les produits du vapotage. | — |
| Produits du vapotage – Taux d’accise unique | |||
| I-2517 | EPR, LIOT, HOR | Taux d’accise unique pour tous les e-liquides, avec ou sans nicotine. Taux proposés allant de 0,10 €/ml à 0,15 €/ml selon l’amendement. | I-679, I-1164 |
| Produits du vapotage – Deux taux, mais augmentés | |||
| I-1166 | LIOT | Maintient deux taux selon la nicotine, mais les augmente : 0,10 €/ml (faible nicotine) et 0,20 €/ml (forte nicotine). | — |
| Définitions et catégories fiscales | |||
| I-2515 | EPR, LIOT, HOR, UDR | Clarifier les définitions fiscales en distinguant produits « fumés », « chauffés » et « inhalés » (tabac à chauffer ≠ tabac à fumer). | I-2271, I-2341 |
| Agrément des boutiques | |||
| I-2518 | EPR, LIOT | Obligation de réaliser au moins 20 % du CA dans le vapotage pour obtenir l’agrément de vente. | — |
| Vente en ligne | |||
| I-2594 | SOC | Maintenir la vente en ligne (suppression de l’interdiction prévue). | — |
| I-2467 | SOC | Reporter l’interdiction de la vente en ligne spécifiquement pour les DOM. | — |
| Protection des mineurs | |||
| I-3551 | LIOT | Appliquer l’interdiction de vente aux mineurs aux produits du vapotage. | — |
| Sachets de nicotine – Création d’un cadre réglementaire | |||
| I-998 | LIOT, HOR, EPR, RN | Créer une catégorie fiscale pour sachets de nicotine : accise de 22→44→66 €/kg sur 3 ans, plafond 16,6 mg/sachet, interdiction de vente aux -18 ans, monopole de vente aux buralistes, interdiction des billes/perles de nicotine. | I-682, I-1324, I-1491, I-1863, I-2163, I-2165, I-3816, I-3817, I-3818, I-3820 |
| Légende des groupes parlementaires | |||
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* La colonne « Groupe(s) » regroupe le ou les auteurs de l’amendement présenté, ainsi que le ou les groupes ayant déposé des propositions similaires.
DR : Droite Républicaine |
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Des amendements à l’avenir incertain
Si certains amendements offrent de l’espoir à la filière française du vapotage, son avenir reste largement incertain. D’abord, parce que les députés sont pris par le temps. Lorsqu’ils reprendront les discussions sur le PLF 2026, le 13 novembre, ils n’auront que dix jours pour arriver à bout des nombreux amendements qui restent à discuter (+ de 2 000). Délais constitutionnels obligent, le projet de loi de finances devra partir au Sénat, au plus tard, le 23 novembre à minuit. Passé cette date, si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée sur l’intégralité des amendements proposés par les différents groupes parlementaires, c’est le texte initial du gouvernement que les Sénateurs recevront. Et tous les débats menés par l’Assemblée n’auront servi à rien.
Et les députés en ont bien conscience. Alors que Jean-Philippe Tanguy (RN) n’hésite pas à souligner que cette Assemblée « n’est pas faite pour constituer un budget », d’autres expliquent que le travail parlementaire ne peut pas être correctement réalisé dans ces conditions.
« On travaille en commission la deuxième partie du PLF pendant qu’on discute du PLFSS en séance, avant de revenir à la première partie du PLF : tout ça n’a aucun sens », déplore Perrine Goulet (MoDem) auprès du journal Le Monde. Une course à la montre, parfois dans un sens illogique, qui démontre « le fonctionnement obsolète de l’Assemblée » pour Charles Sitzenstuhl (Renaissance).
Et cette course à la montre a de quoi frustrer. Certains députés se questionnent par exemple sur l’objectif de leurs travaux en commissions, notamment concernant l’étude de la partie « dépenses » du PLF, qui ne sera de toute façon jamais discutée à l’Assemblée par manque de temps. Des tensions naissent même à l’intérieur des divers groupes parlementaires. Ceux qui assurent une présence continue dans l’Hémicycle commencent à voir d’un mauvais œil leurs collègues, de plus en plus nombreux, qui désertent les bancs de l’Assemblée, que ce soit par lassitude, ou simple fatigue due au rythme effréné de ces dernières semaines.
Et si l’absentéisme grandissant, le manque de temps, ou encore les difficultés à se mettre d’accord sont de véritables problèmes pour les députés, ils ne sont pas les seuls. « On travaille au pifomètre, ce n’est pas du tout sérieux », s’exclame de son côté Philippe Vigier (MoDem). En cause, l’absence d’outils pour évaluer l’impact des mesures si difficilement votées.
Bref, l’avenir de la cigarette électronique en France n’a jamais été aussi incertain. Si quelques amendements pourraient la sauver, encore faut-il que les députés aient le temps de s’y intéresser. Et quand bien même, encore faudrait-il qu’ils les votent, mais aussi qu’ils réussissent à s’exprimer sur tous les suivants.
Dans ce contexte parlementaire tendu, l’avenir de la filière française du vapotage reste suspendu à une course contre la montre dont l’issue demeure très incertaine.
