Ce reportage, diffusé le 7 octobre dernier dans l’émission Télé matin sur France 2, nécessite une mise au point. Encore heureux qu’en début de reportage il est bien précisé que cette pratique reste marginale.
Possiblement… c’est de l’extrapolation.
Le Dr Karila qui connait bien les effets des drogues illicites se lance ici effectivement dans l’extrapolation. Selon lui, les effets du cannabis seraient amplifiés lorsqu’on le vapoterait par rapport à l’utilisation en joint (fumé, donc avec combustion, et en général associé à du tabac).
Il convient ici de rappeler que le vapotage est une vaporisation sans combustion, donc sans production de monoxyde de carbone ou de gaz oxydants (qui sont les facteurs de risque les plus importants pour le système cardiovasculaire), ni particules fines (facteurs de risque pour les maladies pulmonaires). Par ailleurs, le Dr Karila ne tient pas compte de la vitesse d’absorption au niveau pulmonaire, qui ont le sait (voir les études du Dr Farsalinos) est beaucoup plus faible que celle de la cigarette, et par extension du joint.
On se demande donc comment l’utilisation de cannabis dans un vaporisateur personnel pourrait être « possiblement » plus toxique. A mon avis, tout comme pour la cigarette, cette pratique peut être considérée au contraire comme une réduction des risques, couramment pratiquée dans le domaine des drogues illicites (substitution opiacée par exemple).
Le crack, la cocaïne et les amphétamines
Il est vrai que la cocaïne fumée (le crack est une cocaïne moins raffinée, donc moins chère, car elle doit être brûlée) est plus addictive et plus dangereuse que la cocaïne « sniffée », car son action est beaucoup plus rapide (l’inhalation est la voie d’absorption la plus rapide, elle est plus rapide qu’une intraveineuse).
Pour les utilisateurs de cocaïne « sniffée », il est effectivement probable que l’absorption de la substance soit plus rapide avec le vaporisateur personnel (quoique l’absorption par la muqueuse nasale, pour la cocaïne, est aussi très rapide, comme on le sait par les études faites avec le spray nasal de nicotine, plus rapide que les formes orales comme les gommes), et pour les utilisateurs d’amphétamines il n’y a pas photo puisqu’elles sont généralement ingérées.
Il est donc raisonnable de ne pas encourager ces pratiques. Par contre pour les utilisateurs de crack, l’utilisation du vaporisateur personnel me semble là encore relever de la réduction des risques puisque dans ce cas on élimine la combustion.
… et même pour la nicotine… chez les adolescents
Je trouve que les propos du Dr Karila sont ambigus : « et même pour la nicotine, chez les adolescent, il vaut mieux éviter d’initier son usage par la cigarette électronique ». Ces propos sont maladroits, car ils pourraient être interprétés par les jeunes qu’il vaut mieux commencer par la cigarette de tabac que par la cigarette électronique.
Si je suis d’accord que pour un adolescent il vaut mieux ne pas commencer à fumer ou à consommer de la nicotine, il convient de rappeler que l’immense majorité des utilisateurs de vaporisateur personnel chez les adolescents est le fait de jeunes qui fument déjà (voir les données de Paris sans tabac, ou mieux encore les données anglaises publiées par ASH).
L’utilisation chez les non-fumeurs est marginale. Mais en tout état de cause, si un adolescent a un risque potentiel de devenir fumeur (famille ou pairs fumeurs), il vaut mieux qu’il utilise un vaporisateur personnel avec de la nicotine, plutôt que de fumer une cigarette.
Une fois encore il s’agit de réduction des risques, non seulement sanitaires, mais aussi de création de dépendance, puisqu’il semble au vu des données des utilisateurs (études du Dr Etter ou du Dr Farsalinos) que la nicotine seule créé une dépendance plus faible que lorsqu’elle est fumée (dû à la présence d’autres substances de la fumée de tabac, comme les IMAO ou l’acétaldéhyde, qui renforcent la dépendance à la nicotine).