Vapoter lors d’une fécondation in vitro serait-il moins risqué que fumer ? C’est ce que suggère une étude menée sur 296 couples, qui rapporte trois fois moins de fausses couches et davantage de naissances vivantes chez les vapoteurs, mais aussi moins de spermatozoïdes.

Ce qu’il faut retenir

  • Première comparaison cigarettes vs e-cigarettes sur la fertilité masculine (296 couples en FIV) ;
  • Trois fois moins de fausses couches pour le groupe des vapoteurs ;
  • Plus de naissances vivantes chez les vapoteurs que chez les fumeurs ;
  • Moins de spermatozoïdes chez les vapoteurs que chez les fumeurs (?!) ;
  • Une étude intéressante mais qui présente de nombreuses limites.

Une étude inédite sur la fertilité en fécondation in vitro

Il y a quelques jours, une équipe de chercheurs coréens a publié son étude Impact of conventional cigarette and electronic cigarette use on sperm quality and IVF/ICSI outcomes1, dans la revue Scientific Reports. Premier travail à comparer les effets du tabagisme et du vapotage sur les résultats de fécondation in vitro (FIV), son objectif était d’analyser l’impact de ces deux pratiques par des partenaires masculins sur les paramètres spermatiques et les résultats reproductifs en procréation médicalement assistée. 

Ce travail a réuni 296 couples. Pour être classé dans le groupe des vapoteurs ou des fumeurs, les hommes devaient avoir utilisé, exclusivement, un seul type de cigarette au cours des six derniers mois. La cigarette électronique, ou la cigarette de tabac. Leurs compagnes devaient quant à elles être non-fumeuses, et l’infertilité des couples devait obligatoirement être due à des facteurs féminins spécifiques :

  • Anovulation : la femme ne libère pas d’ovules chaque mois ;
  • Syndrome des ovaires polykystiques : les ovaires produisent trop d’hormones masculines, ce qui forme de petits kystes sur les ovaires, qui perturbent l’ovulation normale ;
  • Facteurs tubaires : problèmes liés aux trompes de Fallope. Lorsqu’elles sont bouchées, abîmées ou cicatrisées, l’ovule ne peut pas descendre jusqu’à l’utérus ;
  • Hyperprolactinémie : un taux trop élevé de prolactine dans le sang. Il s’agit de l’hormone qui stimule la production de lait maternel. Lorsqu’elle est trop élevée en dehors de la période de grossesse ou d’allaitement, l’ovulation est bloquée. 
  • Échecs d’insémination : quand plusieurs tentatives d’insémination intra-utérine ont échoué. 

Une sélection drastique qui permettait aux chercheurs de mieux évaluer l’impact spécifique du type de tabagisme des hommes sur les résultats de la fécondation in vitro.

Concernant les critères d’exclusion, ont été écartées :

  • Les femmes de plus de 38 ans ;
  • Les hommes souffrant de facteurs d’infertilité sévères (oligotératozoospermie, asthénospermie sévère, varicocèle) ;
  • D’autres pathologies comme l’endométriose, l’adénomyose, ou avoir fait des fausses couches récurrentes.

Des limites à prendre en compte

Avant de détailler les résultats de cette étude, il convient de bien comprendre qu’il s’agit de la première étude à s’intéresser aux différences potentielles des effets du tabagisme et du vapotage dans le cadre de la fécondation in vitro. Et cette étude présente plusieurs limites malgré de grandes qualités méthodologiques : 

  • La taille de l’échantillon étudié est modeste, avec seulement 296 couples ;
  • Il n’y avait pas de groupe témoin non-fumeur/non-vapoteur. Il est donc impossible de vérifier avec précision l’impact du tabagisme ou du vapotage ;
  • Le design rétrospectif de l’étude entraîne d’office des biais potentiels d’information et/ou de sélection ;
  • Toutes les données concernant le tabagisme et le vapotage étaient autodéclarées, sans validation biochimique ;
  • Le statut tabagique des vapoteurs n’a pas été contrôlé. Il ne leur a pas été demandé s’ils fumaient avant de devenir vapoteurs. 

Résultats principaux de l’étude

Contrairement à la croyance commune selon laquelle la cigarette conventionnelle est plus nocive pour la fonction reproductive, la concentration de spermatozoïdes était plus élevée dans le groupe des fumeurs, tandis que la mobilité des spermatozoïdes était meilleure dans le groupe des vapoteurs.<span class="su-quote-cite">Extrait de l'étude</span>

Malgré les limites énoncées ci-dessus, les résultats de cette recherche restent intéressants puisque s’ils semblent confirmer certains des méfaits bien documentés du tabagisme sur la fertilité, d’autres semblent, au contraire, contre-intuitifs.

Paramètres hormonaux masculins

Le taux de prolactine sérique était plus élevé chez les fumeurs traditionnels (13,84 ± 5,97 ng/mL) que chez les vapoteurs (3,02 ± 4,80 ng/mL). Normalement bas chez l’homme, ses effets sur la reproduction masculine sont nombreux : 

  • Suppression de la libération de LH (hormone lutéinisante, qui stimule la production de testostérone) et de FSH (hormone folliculo-stimulante, essentielle pour la spermatogenèse) ;
  • Diminution de la production de testostérone ;
  • Altération de la spermatogenèse ;
  • Dysfonction érectile.

Un taux plus bas chez les vapoteurs est donc une bonne nouvelle. 

Notons qu’il n’y avait pas de différence significative dans la quantité d’hormones (LH, FSH, testostérone et SHBG (protéine transporteuse des hormones sexuelles)) entre les deux groupes. 

Cette divergence pourrait s’expliquer par des variations dans la composition du tabac et les modes d’inhalation. (…) Davantage de recherches sont nécessaires pour clarifier les effets distincts des cigarettes traditionnelles et des cigarettes électroniques sur la fonction reproductive masculine.<span class="su-quote-cite">Extrait de l'étude</span>

Paramètres spermatiques

C’est ici que les résultats de l’étude deviennent surprenants. La littérature scientifique s’accorde à dire que le tabagisme diminue le nombre de spermatozoïdes2, 3. Pourtant, lors de cette recherche, leur nombre était supérieur chez les fumeurs (81 millions) que chez les vapoteurs (72 millions). 

Ces résultats signifient-ils que fumer est moins nocif que vapoter pour la production de spermatozoïdes ? Non. Puisque ces chiffres pourraient s’expliquer de plusieurs manières :

  • Bien que l’étude n’ait pas vérifié le passé tabagique des vapoteurs, il y a fort à parier qu’ils fumaient auparavant. Partant de ce principe, puisque les dommages du tabagisme mettent du temps à se réparer, ou s’atténuer, cette variation du nombre de spermatozoïdes pourrait en partie être expliquée ;
  • Le groupe des vapoteurs et des fumeurs pouvait être différent (âge différent, habitudes de vie différentes, et autres facteurs pouvant influer sur leur nombre de spermatozoïdes) ;
  • Le vaporisateur personnel est un outil récent comparativement aux cigarettes de tabac. Peut-être que le corps des fumeurs a su s’adapter au tabagisme, et que ce n’est pas le cas pour le vapotage ;
  • La théorie du « pic vs plateau » : le tabagisme entraîne un stress aigu sur les cellules, qui intervient sous forme de pic, au moment de fumer. Peut-être que les cellules s’adaptent à ces pics. Dans le cadre du vapotage, ces pics n’existent pas puisqu’il s’agit d’une exposition continue. Et sans pic, les cellules ne s’adaptent pas.
  • Enfin, la composition de la fumée de cigarettes et l’aérosol d’une cigarette électronique est très différente. Peut-être que le vapotage est effectivement plus nocif que le tabagisme pour le nombre de spermatozoïdes. Des résultats qui viendraient à l’encontre du consensus scientifique qui existe autour de la moindre nocivité du vapotage, et qui seraient donc surprenants. Mais pas impossibles.

Des théories qui pourraient accompagner de nombreuses autres : différences entre combustion et vaporisation, etc. 

Les auteurs de l’étude n’arrivent d’ailleurs pas à expliquer cette différence et indiquent simplement que d’autres recherches sont nécessaires pour clarifier les différences entre vapotage et tabagisme dans les fonctions reproductives masculines.

Motilité spermatique

Concernant la motilité spermatique, c’est-à-dire la quantité de spermatozoïdes actifs par millilitre de sperme, les résultats étaient très légèrement meilleurs pour le groupe des vapoteurs (48,91 ± 11,75% contre 48,15 ± 13,29%). Une faible différence, cliniquement négligeable, mais qui reste statistiquement significative. 

Résultats de la fécondation in vitro

Nos résultats suggèrent que l’utilisation de la cigarette électronique par les partenaires masculins lors d’une FIV pourrait présenter moins de risques que le tabagisme conventionnel, en particulier concernant la mobilité des spermatozoïdes, le taux de fausses couches et le taux de naissances vivantes chez les couples FIV/ICSI.<span class="su-quote-cite">Extrait de l'étude</span>

Enfin, les derniers critères étudiés, et les plus importants, étaient le taux de fausses couches et de naissances vivantes dans les deux groupes. Et à ce sujet, la différence était dramatique.

Alors que le groupe des fumeurs a enregistré 36,27 % de fausses couches, ce taux chutait à 11,96 % pour le groupe des vapoteurs. Il y avait donc trois fois moins de fausses couches chez les utilisateurs d’un vaporisateur personnel que chez les fumeurs. 

Même son de cloche concernant le taux de naissance vivante, qui était de 55,86 % chez les vapoteurs, et de 41,06 % chez les fumeurs.

Les chercheurs concluent donc que leurs résultats « suggèrent que l’utilisation de la cigarette électronique par les partenaires masculins lors d’une FIV pourrait présenter moins de risques que le tabagisme classique, en particulier concernant la mobilité des spermatozoïdes, les taux de fausse couche clinique et les taux de naissances vivantes chez les couples ayant recours à la FIV/ICSI (Injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde, une technique couramment utilisée quand une fécondation in vitro a peu de chances de réussir, et qui consiste à injecter directement le spermatozoïde dans l’ovule, N.D.L.R.) »

Une conclusion qu’ils modèrent en indiquant que ces résultats ne doivent « en aucun cas être interprété comme une approbation de l’utilisation de la cigarette électronique », et que « des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer les effets du vapotage sur la qualité et le fonctionnement des gamètes, afin de comparer ces impacts à ceux observés chez les non-fumeurs. »

Une étude avec de nombreuses limitations, donc, mais qui a le mérite d’avoir exploré un sujet qui était jusqu’à présent ignoré.

Rappelons également que, si les résultats de cette étude sont intéressants, elle ne justifie aucunement un changement des recommandations actuelles qui préconisent l’arrêt complet du tabac, si possible sans passer par la case vapotage, qui plus est lorsqu’on souhaite avoir un enfant !

Des questions sur cette étude ?

Quel est l’objectif principal de l’étude sur la FIV menée par des chercheurs coréens ?

L’objectif principal de l’étude était d’analyser l’impact du tabagisme et du vapotage sur les paramètres spermatiques et les résultats reproductifs en procréation médicalement assistée.

Quels ont été les principaux résultats concernant le taux de fausses couches ?

Le groupe des vapoteurs a enregistré trois fois moins de fausses couches (11,96 %) comparé au groupe des fumeurs (36,27 %).

Comment le nombre de spermatozoïdes diffère-t-il entre les fumeurs et les vapoteurs selon l’étude ?

L’étude a montré que le nombre de spermatozoïdes était supérieur chez les fumeurs (81 millions) par rapport aux vapoteurs (72 millions). Ce résultat est particulièrement étonnant puisque la littérature scientifique s’accorde à dire que le tabagisme diminue le nombre de spermatozoïdes. Il est donc surprenant que ce nombre soit moins élevé chez les vapoteurs que chez les fumeurs. Une différence qui pourrait s’expliquer de plusieurs manières, mais qui prouve que d’autres recherches sont nécessaires.

Quelles sont les limites principales de l’étude mentionnée ?

Les limites incluent une taille d’échantillon modeste, l’absence de groupe témoin non-fumeur, et le fait que les données de tabagisme et de vapotage étaient autodéclarées. Le passé tabagique des vapoteurs n’a pas non plus été étudié, et de nombreux facteurs confondants n’ont pas été pris en compte.

Comment la motilité spermatique se compare-t-elle entre les fumeurs et les vapoteurs ?

La motilité spermatique était légèrement meilleure pour les vapoteurs (48,91 %) comparé aux fumeurs (48,15 %), bien que la différence soit cliniquement négligeable.

L’étude justifie-t-elle un changement des recommandations actuelles concernant le tabagisme et le vapotage ?

Non, l’étude ne justifie pas de changement des recommandations actuelles qui préconisent l’arrêt complet du tabac, idéalement sans passer par le vapotage.

Sources et références

1 Kim, H.K., Choi, W.Y., Lee, J.I. et al. Impact of conventional cigarette and electronic cigarette use on sperm quality and IVF/ICSI outcomes. Sci Rep 15, 23714 (2025). https://doi.org/10.1038/s41598-025-09495-w

2 Sharma, R., Harlev, A., Agarwal, A., & Esteves, S. C. (2016). Cigarette smoking and semen quality: A new meta-analysis examining the effect of the 2010 World Health Organization laboratory methods for the examination of human semen. European Urology, 70(4), 635-645. https://doi.org/10.1016/j.eururo.2016.04.010

3 Bundhun, P. K., Janoo, G., Bhurtu, A., Teeluck, A. R., Soogund, M. Z. S., Pursun, M., Huang, W. Q., & Patel, A. (2019). Tobacco smoking and semen quality in infertile males: a systematic review and meta-analysis. BMC Public Health, 19(1), 36. https://doi.org/10.1186/s12889-018-6319-3

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