Le récent bashing d’un modeur, sur un forum de vape, qui a obligé les administrateurs à clore le sujet pour le “nettoyer” est-il un signe des temps ? Une certitude : les dieux de la vape high end semblent basculer lentement de leur piédestal.

“Il y a toujours un peu de folie dans l’amour, 
Mais il y a toujours un peu de raison dans la folie”
Nietzsche, “Le crépuscule des idoles”

La goutte qui fait déborder le dripper

On a assisté sur un forum à un “Vaponaute bashing”.

Est-ce la goutte qui a fait déborder le dripper ? Le sujet ouvert à propos du nouvel atomiseur d’un fabricant français s’est retrouvé fermé, sur le plus important forum hexagonal, pour « nettoyage ».

Globalement, l’histoire est simple : le sujet avait été ouvert, très classiquement, lors de l’annonce du lancement du produit. Mais, très vite, les échanges ont mal tourné : plutôt que de parler de l’atomiseur en lui-même, certains usagers ont déversé leur bile sur la marque, Vaponaute en l’occurrence. Les principaux reproches, la rareté volontairement entretenue du produit, et des tarifs considérés comme salés.

Il est reproché à la marque sa politique commerciale intransigeante.

Il faut dire que la marque Vaponaute a une politique exigeante : des produits qualitatifs, fabriqués en France, numérotés. Parce que, c’est une particularité de Vaponaute, chacune de leurs pièces est fabriquée à un nombre annoncé et définitif, pas plus, pas moins.

Et c’est bien dommage, parce que la marque avait fait une entrée fracassante dans le petit monde des fabricants d’atomiseurs avec le Magister, et avait ensuite enchaîné les réussites, avec le Concorde, le Zephyr, le Supersonic… Autant d’atomiseurs qui tiennent encore la route aujourd’hui. Mais Vaponaute a préféré faire des séries fermées, pour accentuer peut-être l’effet « collection » de leurs produits, et peut être se forcer eux-même à constamment se remettre en question.

Seulement voilà, ça ne passe plus. Et ce n’est pas un phénomène unique.

Le snob de la vape a chu

De plus en plus, les habitudes de la vape high end sont battues en brèche.

Parce que, dans le même mois, nous avons assisté à différents phénomènes qui peuvent sembler insignifiants, les uns par rapport aux autres, mais sont pourtant instructifs.

Un batch de Vapour Art a par exemple eu lieu dans l’indifférence générale le 22 décembre. Il était un temps où le fabricant du GP Paps, du piccolo, du Sphéroid ou du Heron déclenchait les passions à chaque vente. Le jour venu, les serveurs sautaient, et nombreux étaient ceux qui repartaient frustrés. Pour le dernier en date, deux jours après, on pouvait encore acheter des produits…

Un administrateur s’est fait sortir d’un important groupe de vapoteurs pour avoir osé dire qu’un fabricant exagérait dans ses procédés commerciaux et qu’il comprenait qu’on puisse se tourner vers des solutions moins honnêtes, comme la copie. Même si nous sommes en désaccord avec la solution, nous ne pouvons que rejoindre l’analyse, parce que nous avions fait la même il y a quelques mois.

Les modeurs stars d’hier sont obligés de s’adapter.

Et ainsi de suite. Beaucoup de modeurs vendent désormais sur stock, là où un an auparavant, ils demandaient le prix qu’ils voulaient pour une box livrée après six mois d’attente.

Certains s’en sortent plus ou moins bien. Carlos Créations, par exemple, continue de vendre des boxs assez onéreuses, mais loin de la folie de l’époque de sa Zero. D’autres ont investi les marches du très très haut de gamme, comme Picolibri, mais en se tenant prudemment éloigné de tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à de la hype.

Et puis, l’innovation ne vient plus des créateurs dans leurs ateliers. L’innovation aujourd’hui, à part de rares exemples, sort des usines chinoises. La seule valeur ajoutée dont peuvent se prévaloir les modeurs, c’est la qualité.

Il n’est pas mort, il bouge encore

Le marché du haut de gamme est loin d’être mort, simplement, il s’est scindé en deux branches distinctes. Le premier segment, très haut de gamme, s’est replié sur des groupes plus confidentiels, auprès d’une clientèle ciblée, qui a plus de budget, mais moins de patience. Quand on a les moyens de mettre 2000 euros dans une box, on a aussi les moyens de refuser de passer six mois sur une liste d’attente. Les séries sont courtes, confidentielles, le modèle unique tendant à devenir de plus en plus la norme.

Le haut de gamme s’est scindé en deux marchés, un qualitatif industriel, un hyper-élitiste.

L’autre segment, c’est le haut de gamme industrialisé. Des produits soignés, chers, pas à la portée de toutes les bourses, mais fabriqués en quantités suffisantes pour que tout le monde soit servi. On citera Dicodes pour les mods, Squape et ESG pour les atomiseurs. On citera également Cromods, qui vend tranquillement des produits hyper-élitistes sans jamais faire parler d’eux.

On peut dès lors se demander quel est le devenir des spécialistes de la pénurie organisée ? Un tri va se faire. La société Vaponaute, bien que critiquée, pourra sans doute faire perdurer son modèle. La rareté de leurs produits découle d’un positionnement commercial, certes, qui ne fait pas l’unanimité, mais est cohérent et honnête : tout est dit clairement. Et malgré les attaques, leur dernière réalisation s’est vendue en un temps record.

Vaponaute survivra parce qu’ils sont cohérents. Narmods devra changer ou disparaître.

En revanche, d’autres, comme NarMods, devraient se poser plus de questions. Son atomiseur star est surclassé par des produits plus performants, moins chers même que le prix affiché (et fictif) du NarDa, et surtout disponibles en magasin au prix recommandé. Les mouvements de colère, légitimes, pourraient devenir des tendances. Il devra se spécialiser, se démocratiser, ou disparaître.

Mais une chose est sûre : les barons du high-end qui lâchent nonchalamment quelques pièces hors de prix à une cohorte de courtisans appartiennent dores et déjà à l’archéologie de la vape.

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