Un sujet prend de l’ampleur chez les buralistes, actuellement, c’est le développement de la vape dans leurs points de vente. Bonne ou mauvaise chose ? L’avenir le dire. Mais ce sujet présente des parallèles avec d’autres professions qui ont vécu les même thématiques. Comparatif osé, mais espérons le éclairant, entre la cigarette électronique et les contrats obsèques.

Parallèle osé

Comparer un vaporisateur personnel et un contrat obsèques semble être un parallèle osé. Pourtant, de par mon parcours personnel, ce sont deux sujets que je maîtrise, et il faut reconnaître que les deux sujets, aussi différents soient ils, présentent un certain nombre de similitudes troublantes.

Les contrats obsèques sont un moyen d’organiser et payer ses funérailles en avance. Ceci, généralement, dans deux buts, le plus souvent, ne pas faire peser ce poids sur la famille, et s’assurer que ses volontés seront bien respectées. Le vaporisateur personnel et un dispositif dont l’effet souhaité est de retarder au maximum le moment ou on aura besoin d’un contrat obsèques.

Histoires parallèles

Comme pour la vape, le contrat obsèques est issu d’un réseau professionnel qualifié. Plus précisément, il a été officieusement inventé, sans doute, lorsqu’un vieillard aisé et sans descendance s’est rendu chez le croque-morts local pour payer son enterrement en avance et s’assurer d’avoir des obsèques dignes de lui. La vape, ça a commencé par des geeks qui ont importé des ancêtres d’Ego de Chine pour leur usage personnel…

Le contrat obsèques a pris de l’importance au fur et à mesure du temps, suffisamment pour se retrouver réglementé. Les pompes funèbres ne gardaient plus l’argent en caisse, mais les fonds étaient versés sur un contrat d’assurance qui payait l’officine lors de la réalisation des obsèques. C’est alors que les banques et assurances se sont dit « Finalement, les gens veulent du contrat obsèques, la législation a normé ce produit en quelque chose que nous pouvons maîtriser, il y a de l’argent à gagner, lançons nous. ».

Position dominante

Banques et assurances avaient deux avantages : le premier, tout le monde était client d’une banque ou d’une assurance. Tout le monde qui compte, en tout cas, ceux qui ont les moyens de se payer un contrat obsèques. Le second, elles pouvaient et savaient démarcher leurs clients. Une chose importante est à savoir sur les pompes funèbres : elles n’ont pas le droit de démarcher. Sauf sur le contrat obsèques, mais le temps qu’ils apprennent à le faire et qu’ils consultent leurs juristes pour vérifier que leur démarche était bien dans les clous, les clients des banques avaient déjà reçu un courrier ciblé avec une brochure, et leur conseiller les rappelait derrière pour fixer un rendez-vous.

Certes, ce n’est pas tout à fait pareil pour la vape. Mais… Les buralistes ont des moyens, syndicats, juristes etc. que n’ont pas les réseaux de vapoteurs pour savoir ce qu’il est possible de faire ou pas, et ont une clientèle captive. Différemment captive, mais captive tout de même.

Une question d’argent

La personne âgée qui va acheter un contrat obsèques à la banque ne se pose pas la question, parce que la banque a présenté cela de telle façon a en faire juste une question d’argent. A qui parlerez-vous le plus volontiers de votre argent, à votre banquier dont c’est le métier et que vous voyez régulièrement ou à votre croque-morts ? La manœuvre, pour les buralistes, et simple : en faire juste une question de nicotine. Et qui connaît mieux la nicotine que le buraliste qui en vend tous les jours ? Ce n’est pas la vérité, bien entendu, mais ce sont les associations que les gens se font. Banquier : argent, buraliste : ma dose de nicotine, Père-Noël : cadeaux etc.

Évidemment, ce n’est pas une vérité générale. Banques et assurances n’ont « que » environ 80 % du marché, pas 100. Les boutiques de vape ont une clientèle, qui perdurera, mais si les buralistes lancent une grande offensive sur la vape, nul doute qu’ils feront un score important : le jour ou un fumeur voudra essayer la vape, l’image qui lui viendra en tête sera celle du rayon e-cigarette de son buraliste, qu’il voit à chaque fois qu’il va acheter son paquet de cigarettes de tabac, un briquet, un jeu à gratter, son journal etc. Pas celle d’une boutique de vape ou il n’est jamais rentré et qu’il tient sans doute pour une bande de hipsters (ce qui est probablement vrai) enthousiastes mais incompétents (ce qui est certainement faux).

Des produits de qualité, ou pas

Les professionnels du funéraire vous le diront tous : ils ont plus d’une fois eu l’occasion de lancer une longue complainte lugubre et déchirante sur les contrats obsèques des banques et assurances. Parce qu’au final, ce n’est pas le même produit.

Banque et assurance vendent un capital, avec parfois un descriptif qui « détaille » : cercueil, séjour en maison funéraire, convoi, etc. Tandis qu’un contrat obsèques réalisé chez un professionnels du funéraire détaillera que le souscripteur veut un cercueil de type « tombeau » modèle Trevet en noyer avec un capiton écru etc. etc. Un contrat obsèques, dans une banque, se vend en un quart d’heure, contre une heure et demi chez un professionnel du funéraire. Comparez le temps moyen que passe un client à acheter une e-cigarette chez un buraliste et dans une boutique… Et la qualité de ce qu’il a au final.

Parce que dans le cas d’un contrat obsèques vendu par une banque ou une assurance, la famille touche un capital, mais doit se déplacer et faire des choix dans une pompe funèbre. Dans le cas de celui fait chez un professionnel du funéraire, elle a juste à passer un coup de fil. Ce n’est pas le même produit. Exactement comme entre un buraliste et une boutique de vape : un buraliste vendra au client ce qu’il a à vendre. Une boutique de vape vendra au client, parmi ce qu’il a à vendre, exactement ce qu’il lui faudra pour arrêter la cigarette.

Pas de conséquences

Ni les banques ou assurances ni les buralistes, n’ont à se soucier de l’échec. Dans le cas de la banque ou de l’assurance, c’est la pompe funèbre qui exécute le contrat qui devra se débrouiller. Dans le cas du buraliste, si son client n’est pas content de la vape, il lui rachètera des cigarettes. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y aura pas de conséquences. Une boutique de vape qui échoue perdra un client et se verra faire une mauvaise publicité. Une pompe funèbre qui se plante… Aura un article dans le journal et perdra BEAUCOUP de clients.

Comme les banques et les assurances, les buralistes ont le réseau et les moyens de s’emparer très rapidement d’un marché. Comme les banques et les assurances, ils aborderont le sujet uniquement comme du chiffre d’affaire supplémentaire de leur activité, sans se soucier de la vie à long terme du produit. Comme pour les banques ou les assurances, si ils offrent une prestation médiocre, ce ne sera pas eux, mais l’image de la vape tout entière qui en subira les conséquences.

Mais, à la différences des banques et assurances qui ont besoin des pompes funèbres pour exécuter les contrats obsèques, et auront donc besoin de maintenir ce réseau en vie, les buralistes n’ont aucun besoin des boutiques de vape. Reste à savoir si la part du marché qui échappera aux carottes sera suffisante pour maintenir en vie les boutiques de vapes indépendantes.

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