Vous avez du le voir mais cette semaine encore la cigarette électronique a fait beaucoup parler d’elle. Selon une étude grecque, l’e-cigarette réduirait les capacités respiratoires du vapoteur. Voici un petit résumé biaisé mais pour le moins sympathique de cette annonce et de son parcours médiatique.

Une étude affirme que la cigarette électronique est dangereuse pour les poumons.

Tout est parti d’une étude présentée à la conférence annuelle de l’ERS (European Respiratory Society) qui s’est tenue à Vienne le 2 septembre 2012. Sans rentrer dans les détails, l’équipe d’une chercheuse grecque, Madame Christina Gratziou, aurait démontré que la cigarette électronique réduirait les capacités respiratoires de l’utilisateur venant de passer 10 minutes à vapoter. Je parle au conditionnel car à ma connaissance personne n’a pu à ce jour se procurer le document complet de l’étude.

Un yaourt à la grecque

La dernière étude sur l'e-cigarette a comme un goût de yaourt à la grecque

La dernière étude sur l’e-cigarette a comme un goût de yaourt à la grecque

Sur cette annonce, une parution de presse (qui n’a pas de valeur scientifique) est lancée, puis reprise sur tous les réseaux de diffusion classiques. La nouvelle est alors déchiquetée, mâchée, avalée, vomie puis ravalée par tous les sites qui touchent de près ou de loin à la santé, preuve d’ailleurs que l’e-cigarette est bel et bien devenue un vrai sujet de société. Il faut dire aussi que l’info est appétissante, alors que la semaine dernière on disait que la cigarette électronique n’avait presque pas d’effet sur le cœur, voilà maintenant qu’elle attaquerait les poumons.

Une seule cuillère pour toute la famille

Ce qui est marrant dans ce genre d’événement médiatique, si on peut appeler ça comme ça, c’est de voir la créativité de la presse. C’est pas un métier facile quand même : tu reçois la même information que tous tes concurrents, avec le même texte, les mêmes photos, les mêmes noms, et t’as deux heures pour faire un truc différent que ton voisin. T’as plutôt intérêt à être créatif si tu veux générer un peu de visites, alors il faut un peu exagéré :

Bon pas le temps de vérifier, le premier truc à faire c’est de trouver une photo d’une blonde qui vapote, ou un schéma en 3D d’une cigarette électronique des années 90. On fait une intro sur l’e-cigarette du futur, avec sa diode qui imite la braise maléfique et qui a déjà séduit des milliers d’inconscients passant outre les recommandations de l’ANSM, et puis on attaque, on rentre dans le vif du sujet.

Les scientifiques le disent, c’est prouvé, la cigarette électronique quand on l’utilise pendant 10 minutes ça diminue notre capacité respiratoire, en plus pour les asthmatiques fumeurs ça pourrait être super dangereux.

Conclusion : on ne sait pas si la cigarette électronique est moins nocive que la cigarette normale, mais à priori avec de l’antigel dedans, ça ne sent pas très bon.

Bon Jojo tu me publies ça, là je pense que ça va cartonner, et tu mets bien en gros le titre : La cigarette électronique tue, elle aussi.

La cigarette électronique tue, elle aussi …

Je suis personnellement friand de nouvelles au sujet de la cigarette électronique, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Je préfère évidemment quand elles sont bonnes, cela m’évite de me repasser au ralenti toutes les lattes d’ecig que je me suis envoyées depuis un an et demi, avec mes projets de maison, d’enfants et tout ça. Mais là, le fait que l’e-cigarette coupe un peu la respiration quand on tire dessus me fait bien rigoler.

Ceci étant avec des titres aussi alarmants, on peut se poser des questions. Alors au lieu de paniquer et de mon plonger dans le débat des anti et pro e-cigarettes sur Doctissimo, j’ai attendu la réaction de Mr Siegel, le fameux chercheur à l’université de Boston avec ses 25 années d’étude sur le tabac, qui me semble toujours avoir un discours très sage.

Voici ce que dit Siegel au sujet de cette étude :

  1. Le fait que la capacité respiratoire d’un vapoteur diminue dans les 10 minutes qui suivent l’inhalation ne signifie pas que la vapeur respirée endommage les poumons. La vapeur d’eau par exemple peut provoquer le même genre d’effet. Affirmer à ce stade que la cigarette électronique provoque des dommages pulmonaires est donc erroné selon Siegel, même si les effets à long terme de telles irritations est une question qui reste cependant à creuser sérieusement.
  2. Dire à des vapoteurs que le choix de la cigarette électronique n’est peut être pas moins dangereux que celui de la cigarette traditionnelle est très osé. Il serait encore plus osé d’imaginer que les vapoteurs ayant arrêté de fumer continueraient sur le chemin de leur abstinence en troquant soudainement leur e-cigarette contre un patch à la nicotine.
  3. Ce n’est pas vraiment une nouvelle dans la mesure où une précédente étude aux résultats nettement moins alarmants avait déjà été publiée en juin 2012 http://journal.publications.chestnet.org/article.aspx?articleid=1187047
  4. Aucun document n’est à ce jour accessible pour vérifier les détails de l’étude (alors qu’une parution de presse est parue pour annoncer la vérité).
  5. Enfin la dame en question a des relations financières avec la société Pzifer (qui produit entres autres des médicaments pour arrêter de fumer). Il y aurait donc un conflit d’intérêt. Il serait logique d’imaginer alors que Mme Gratziou souhaite promouvoir les produits de son mécène plutôt que ceux d’une industrie concurrente.

Selon Siegel donc, la presse aurait très mal interprété le court résumé de l’étude qui a été diffusé (trop vite) sur le réseau, le tout dans une ambiance de contre attaque pharmaceutique.

On meurt quand alors ?

Sans doute plus tard que les fumeurs mais il ne faut pas exagérer (même si j’aime bien exagérer). Tout porte à croire que la cigarette électronique est beaucoup moins nocive que la cigarette normale. Jusqu’à présent tout le monde est plus ou moins d’accord là dessus. Dire après qu’elle est inoffensive relève pour moi de la croyance car personne n’en sait vraiment rien, mais il me parait évident que la cigarette électronique ne soit pas bonne pour la santé, comme d’innombrables autres produits de consommation. Mais comparée à la cigarette traditionnelle, c’est une autre histoire.

A priori la quantité de nitrosamines dans le e-liquide d’une cigarette électronique est très faible et reste dans des proportions très acceptables. Ces proportions seraient même comparables à celles trouvées dans d’autres substituts nicotiniques disponibles sur le marché du médicament.

Enfin la cigarette électronique n’ayant de but que d’offrir une alternative plus saine à la cigarette normale, il me semble donc très important de les mettre avant tout en comparaison et d’arrêter de les tester sur des enfants asthmatiques (je blague).

J’essaie malgré tout de ne pas faire l’apologie systématique de la cigarette électronique alors je le redis ici  : si vous êtes fumeur, arrêtez de fumer sans substituts, avec l’aide éventuellement d’un professionnel pour vous aider, cela reste la meilleure option pour arrêter, et surtout la plus saine.

Selon ma propre expérience, vous n’allez surement pas arrêter de fumer avec la cigarette électronique, vous allez juste arrêter de consommer du tabac (ce qui est déjà une belle prouesse et peut être pour certains aussi une fin en soi). Il faudra donc accepter d’être un peu un cobaye vivant, c’est un choix en tous cas qui m’a paru plus attractif que de continuer à nourrir des statistiques morbides.

Annonce