Des chercheurs de l’association Truth Initiative renversent les conclusions des autorités de santé américaine sur la passerelle. Leurs travaux montrent que moins de 0,1% des collégiens et lycéens qui utilisent une e-cigarette fréquemment* sont non fumeurs.
Truth initiative a étudié en détail les comportements des jeunes américains
Truth Initiative est l’une des plus grandes associations américaines de lutte contre le tabagisme, dont objectif est de reléguer le tabagisme au passé. Les principales missions, qu’elle affiche, sont la recherche et la diffusion de la vérité sur le tabac à travers l’éducation, l’évaluation des politiques contre le tabagisme ainsi que l’engagement et l’activisme communautaire.
Une équipe de scientifiques engagés dans l’association a scruté en détail les données 2014 de l’enquête NYTS [1]. Pour appréhender les comportements des jeunes vis à vis de la cigarette électronique et des produits du tabac ils ont analysé en profondeur leurs comportements, bien plus que cela n’a été fait dans d’autres études, estime Michael Siegel, notamment celles du CDC.
L’estimation de la prévalence d’un seul produit masque des schémas de consommation complexes
Les chercheurs ne se sont pas limités ici aux données d’utilisation des produits dans les trente derniers jours. Ils ont croisé les informations sur les différents produits et leur fréquence d’utilisation pour décomposer in fine les usages concomitants des produits du tabac en fonction de l’intensité d’utilisation.
Ils ont ainsi mis en évidence qu’en 2014 :
- moins de 0.1% des collégiens et lycéens qui utilisent une e-cigarette fréquemment* sont non fumeurs.
- 83% des collégiens et lycéens américains n’avaient utilisé ni tabac ni e-cigarette dans les 30 derniers jours.
- parmi les 9,3% des jeunes qui avaient vapoté dans les 30 derniers jours, 63% reportaient l’utilisation concomitante d’un produit du tabac
- parmi les 3,3% de vapoteurs exclusifs des 30 derniers jours, deux tiers avaient déjà utilisé un produit du tabac contre un tiers qui ne l’avait pas fait.
L’usage multiple est le modèle dominant de consommation des produits du tabac et du vapotage chez les collégiens et lycéens américains. L’estimation de la prévalence d’un seul produit masque des schémas complexes de consommation des jeunes, ignorant fréquences, temporalités et combinaisons d’utilisation de produits.
“La précision des mesures est critique pour informer en santé publique”
La plupart des travaux, dont ceux du CDC, ne qualifient pas correctement les usages expliquent les chercheurs de Truth Initiative. Les utilisateurs sont dits réguliers même s’ils n’ont fait usage d’un produit qu’une ou deux fois pendant le mois précédent. Ils ne prennent pas non plus correctement en compte les usages multiples (e-cigarettes et tabac notamment).
Les auteurs mettent en garde : les études fournissent des socles pour l’élaboration des politiques de lutte contre le tabagisme. Elles doivent porter une attention particulière à l’interprétation des résultats et ne pas aller au delà des limites des données. Malgré les données, la crainte de la passerelle reste très présente.
A la lumière de ces travaux, Michael Siegel observe que le vapotage chez les jeunes non fumeurs est rare et expérimental. Il est impossible, affirme-t-il, que l’e-cigarette soit une passerelle vers le tabac. De plus amples recherches et des études longitudinales sont certes nécessaires, mais pour l’instant il n’y a aucune raison de croire que la cigarette électronique accroit l’usage du tabac chez les adolescents.
*utilisateurs fréquents : au moins 10 jours d’utilisation dans les 30 derniers jours.
[1] Frequency of Youth E-Cigarette and Tobacco Use Patterns in the United States : Measurement Precision Is Critical to Inform Public Health
Andrea C. Villanti, MPH, PhD, Jennifer L. Pearson, MPH, PhD, Allison M. Glasser, MPH, Amanda L. Johnson, MHS, Lauren K. Collins, MPH, Raymond S. Niaura, PhD, David B. Abrams, PhD. Nicotine Tob Res 2016 ntw388. doi: 10.1093/ntr/ntw388
Pour aller plus loin : nos articles sur la théorie de la passerelle