Une étude récente lie la vape à des marqueurs biologiques du cancer. Mais sa méthodologie et ses conclusions posent question. Décryptage.
Ce qu’il faut retenir
- Cette recherche a repéré certaines molécules en plus grand nombre chez des vapoteurs que chez des non-vapoteurs.
- Il n’y a aucune preuve que le sang utilisé pour le groupe des vapoteurs n’avait pas été souillé par l’utilisation d’autres produits du tabac.
- Les échantillons dataient de 2013-2014.
- Il n’y avait qu’un très faible nombre de participants à cette étude.
- Les molécules repérées par les auteurs ne peuvent actuellement pas être utilisées seules comme biomarqueurs de maladies
Que dit vraiment cette étude sur la vape et le cancer ?
Les chercheurs de l’étude dont nous parlons aujourd’hui ont repéré la présence de plusieurs de ces microARN, en plus grand nombre, dans le sang d’utilisateurs de cigarettes électroniques par rapport au sang de non-utilisateurs. Ils ont ainsi indiqué dans leurs conclusions que cette présence était « associée à des voies de signalisation liées au cancer ». Autrement dit, vapoter pourrait augmenter les risques de souffrir d’un cancer.
Si certains médias se sont empressés de rapporter les résultats de cette étude, comme toujours, de façon alarmiste, il semble qu’ils aient (encore) oublié de préciser plusieurs choses. Une nouvelle preuve que, souvent, les gros titres vont plus vite que la science.
Une méthodologie qui questionne
Pour commencer, le sang des participants qui a été utilisé pour cette recherche provenait d’une étude américaine datant des années 2013 et 2014. Non seulement, le matériel de vape a bien évolué depuis cette époque, mais les e-liquides aussi. Des échantillons prélevés chez des utilisateurs en 2025 pourraient ainsi offrir des données différentes. Notons également que les auteurs n’ont eu accès qu’à 15 échantillons de sang en provenance de vapoteurs, et le même nombre pour les non-vapoteurs. Avec une si petite quantité d’échantillons, il paraît difficile de tirer de quelconque conclusions qui s’appliqueraient aux millions de vapoteurs à travers le monde.
Soulignons également que, comme le rapporte les auteurs de cette étude, le groupe des vapoteurs a été défini comme « des personnes qui ont déjà utilisé une cigarette électronique, qui l’ont utilisée régulièrement et qui l’utilisent tous les jours ou certains jours », et qui « n’utilisent pas régulièrement d’autres produits du tabac ».
Qui n’utilisent pas régulièrement d’autres produits du tabac ne signifie pas qu’ils n’en utilisent pas du tout. Dès lors, les résultats des analyses deviennent caduques, puisque les ARN trouvés dans le sang des vapoteurs pourraient tout à fait être le fruit de l’utilisation, même irrégulière, d’autres produits du tabac. Une théorie qu’il ne sera malheureusement pas possible de vérifier puisque les chercheurs n’ont pas jugé bon de comparer le sang des vapoteurs à des échantillons en provenance de participants fumeurs. Une comparaison avec des fumeurs aurait pourtant permis de mieux comprendre l’origine de ces marqueurs. Un choix méthodologique discutable.
Des résultats peu concluants
Après avoir utilisé diverses techniques de séquençage pour identifier les miARN exosomaux exprimés différemment entre les deux groupes, les chercheurs ont observé que quatre d’entre eux (hsa-miR-100-5p, hsa-miR-125a-5p, hsa-miR-125b-5p et hsa-miR-99a-5p) étaient présents en plus grand nombre chez les vapoteurs que chez les non-vapoteurs.
Ce que ne précisent pas les médias qui ont parlé de cette étude, c’est que les chercheurs indiquent aussi :
« Cependant, aucun d’entre eux n’est resté significatif au niveau de 5 % après ajustement pour la multiplicité à l’aide de la méthode BonEV pour contrôler le taux de fausses découvertes ».
En des termes moins barbares, après avoir appliqué une méthode de correction statistique pour éviter les erreurs dus au hasard, les différences entre les deux groupes n’étaient plus statistiquement fiables.
Cette étude, dont nous entendrons probablement encore parler, ne nous apprend finalement que peu de choses. En résumé, elle indique que l’utilisation d’une cigarette électronique pourrait modifier certaines cellules et ainsi entraîner un risque de cancer. Sauf que le sang utilisé pour les analyses ne provenait pas de vapoteurs exclusifs comme le laisse pourtant entendre la recherche, et que la capacité de la science à utiliser des miARN pour prédire de potentielles maladies n’en est encore qu’à ses débuts !
Parce que oui, ce que nous n’avions toujours pas précisé jusqu’à maintenant, c’est que si les miARN sont simples à détecter et spécifiques à certaines maladies, leur présence peut être influencée par l’environnement, l’alimentation, le mode de vie ou encore les comorbidités. Sans parler du fait qu’il n’existe toujours aucun seuil standardisé permettant de savoir à partir de quelle quantité précisément, ils peuvent être le signe avant-coureur d’une potentielle maladie.
Une analyse plus large, qui inclurait des échantillons récents provenant de vapoteurs exclusifs, sans passé tabagique, et dont le sang serait comparé à celui de fumeurs, est indispensable pour évaluer l’impact réel du vapotage sur les miARN et les risques de maladies.
1 Li, D., Xie, Z., Shaikh, S.B. et al. Altered expression profile of plasma exosomal microRNAs in exclusive electronic cigarette adult users. Sci Rep 15, 2714 (2025). https://doi.org/10.1038/s41598-025-85373-9
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