La nouvelle a rapidement circulé : la taxe sur la vape a été supprimée par un amendement adopté en commission. Et c’est là qu’on voit que politique, c’est un métier. La taxe est toujours là. On vous explique.
Prestidigitation de haut vol
« I. – à la cinquième ligne de la dernière colonne du tableau l’alinéa 91, substituer au nombre : « 30 » le nombre : « 0 »
II. – à la dernière ligne de la dernière colonne du même tableau, substituer au nombre : « 50 » le nombre : « 0 ».
C’est chouette, n’est-ce p… Attendez une minute ! Elle n’est pas du tout supprimée, l’accise, elle est passée à zéro, c’est tout. Ce qui est totalement différent.
L’article 23 en force
Parce que ce qui importe, dans une accise, ce n’est pas son montant, c’est son existence. Avec une taxe à zéro, l’accise existe toujours, l’article 23 existe toujours, et tout ce que nous avons écrit ici reste vrai. Les aménagements de boutiques de vape, l’agrément, les « vérifications de moralité », les contrôles des douanes, les fermetures de boutique, tout.
Les promotions sur les liquides seront toujours interdites, les douaniers pourront fermer votre boutique si vous offrez un flacon de 10 ml, le distributeur unique, toutes les prévisions les plus apocalyptiques restent vraies.
Le flacon de liquide restera un peu moins cher. Mais il y a statistiquement peu de chances pour que ce soit vous qui le vendiez.
Abracadataxe
Mais pourquoi passer une taxe à zéro euro, plutôt que de la supprimer ?
L’explication est simple, selon ses auteurs : « la proposition de directive de la Commission européenne 2025/580 du 16 juillet 2025 prévoit d’imposer aux états membres la taxation de ces produits uniquement à partir du 1er janvier 2028. Aussi, la disposition proposée constitue une forme de surtransposition d’une directive qui n’est même pas encore définitivement adoptée par les institutions européennes ». Pas la peine de taxer, donc, l’Europe fera le sale boulot.
Il y a d’autres explications. Une est politique : après avoir refusé de voter la censure, contre l’avis d’une partie de ses électeurs, Laurent Wauquiez a besoin d’un sujet fédérateur. Apparaître en chevalier blanc du pouvoir d’achat, c’est porteur. Et quand la taxe finira par augmenter, ce ne sera pas sa faute.
Une est technique : la compensation. Lorsque des députés souhaitent baisser un impôt ou une taxe, ils doivent compenser, c’est-à-dire trouver ailleurs l’argent que l’État ne percevra pas. C’est l’article 40. Et il y a une sorte de tradition : quand ils ne savent pas quoi taxer, les députés écrivent « La perte de recettes résultant pour l’État […] est compensée par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs. », comme expliqué dans cet article de Challenges. Taxe que le gouvernement finit par ne pas augmenter, parce que le prix du tabac est élevé et que les augmentations sont toujours décidées stratégiquement.
Mais là, c’est parfait : on a une belle taxe à zéro, pimpante, déjà votée, il n’y a plus qu’à l’augmenter. Qu’attend-on ? Parce que, ce qui est dur, c’est de créer une nouvelle taxe. L’augmenter, en revanche, c’est une formalité.
Dans un langage un peu technique, on appelle ça « une douille ».
Le bourreau va bel et bien vous couper la tête si la situation reste en l’état. Simplement, il vient de vous accorder le délai d’un deuxième dernier verre du condamné. C’est un rhum très amer.