Selon les rapports du l’agence de santé anglaise, Public Health England, et celui du Collège royal britannique des médecins (RCP), les dangers de l’e-cigarette à long terme sont probablement inférieurs à 5% par rapport à ceux du tabac. Un chiffre qui ne désarme pas les sceptiques de l’e-cigarette, parmi lesquels Stanton Glantz, qui avance sa propre évaluation. Quelle est la fiabilité de cette estimation ?

Selon Stanton Glantz, les e-cigarettes sont « 33 à 50% aussi dangereuses » que la cigarette traditionnelle

Pr Stanton Glantz, Lessons for the Diabetes Epidemic from Tobacco Control (Capture d’écran Youtube 2014)

Samedi 9 juillet 2016, Stanton Glantz, directeur du Center for Tobacco Control Research and Education (CTCRE) à l’Université de Californie de San Francisco, a publié une compilation de documents scientifiques, avant de conclure que, selon lui, la cigarette électronique est « de 33 à 50% aussi dangereuse » que la cigarette traditionnelle.

Stanton Glantz, la nicotine et les maladies cardiovasculaires

Selon ce professeur, « quelques-uns des effets à court terme provoqués par l’utilisation de la cigarette électronique sont comparables à la cigarette à combustion ». Il vise ici en particulier les risques de maladies cardiovasculaires. Il suggère donc aux organismes de santé publique de se baser sur son estimation plutôt que sur l’estimation de « 5% ou moins » du Public Health of England (PHE) et du RCP.

Il base son analyse sur un document [1] écrit par Aruni Bhatnagar de la Division de médecine cardiovasculaire du Département de médecine de l’Université de Louisville.

Dans son article, Bhatnagar estime que le risque de maladie cardiovasculaire n’est pas proportionnel au nombre de cigarettes fumées, ces maladies pouvant être déclenchées avec des niveaux d’exposition peu élevés.

Selon Glantz, l’e-cigarette ne diminue pas le risque de maladies cardiovasculaires

Bhatnagar souligne également que le « risque de maladie cardiovasculaire causée par le tabagisme peut être inversé plus rapidement que le risque de cancer ». Par conséquent, l’auteur suggère de différencier les substances toxiques de la fumée de tabac, entre celles qui provoquent le cancer et celles qui provoquent les maladies cardiovasculaires.

Pur rappel, le professeur Glantz est en guerre depuis des décennies contre la nicotine. Il la tient pour responsable de maladies cardiovasculaires chez les enfants et les adultes, selon son raisonnement si l’utilisation d’une source de nicotine non-combustible peut diminuer le risque de survenue d’un cance, elle ne réduit pas forcément le risque de maladies cardiovasculaires.

« Limiter la durée du double usage »

Dans sa publication, Stanton Glantz cite un article du blog de l’Université d’Otago. Ses auteurs Wilson, Gartner et Edwards y donnent un conseil plus mesuré : « L’option la plus sûre pour réduire les risques pour la santé des vapofumeurs serait de limiter la durée de la double utilisation, c’est-à-dire de basculer dès que possible sur le vapotage. Il faudrait également limiter également la durée de vapotage et parvenir à s’abstenir de fumer et de vapoter, sans rechute vers le tabagisme, qui représente le plus grand risque pour la santé ».

Le professeur Nick Wilson et le docteur Coral Gartner ont récemment publié un rapport technique, un examen de l’étude de biomarqueurs qui se concentre sur les principales substances toxiques susceptibles d’être à l’origine de cancers et de maladies cardiovasculaires.

Tous suggèrent des niveaux de risque inférieurs pour les vapoteurs par rapport aux fumeurs de tabac. Mais même un faible niveau de toxicité peut représenter un risque important dans un système non-linéaire, en particulier pour le formaldéhyde et l’acroléine, comme suggéré par Stanton Glantz, qui anticipe des effets plus importants sur le système cardiovasculaire.

Konstantinos Farsalinos, cardiologue grec, est un grand spécialiste de la cigarette électronique.

De son côté, le chercheur grec Konstantinos Farsalinos, cardiologue et expert de la cigarette électronique, se félicite dans un billet sur son blog de l’approche méthodologique de Wilson et de Gartner. Il en souligne néanmoins certaines lacunes en particulier pour l’acroléine : « L’analyse aurait dû conclure que, dans la mesure où l’acroléine est concernée, le risque de maladie chez les utilisateurs d’e-cigarette est identique aux non-fumeurs, et le risque relatif par rapport aux fumeurs est de 0%. Les résultats ne montrent  aucune exposition à l’acroléine avec les cigarettes électroniques ».

Farsalinos : « L’acrolèine omniprésente dans notre environnement »

L’acroléine étant omniprésente dans notre environnement, l’évaluation des métabolites d’acroléine dans l’urine des fumeurs par rapport aux non-fumeurs ne sont pas concluantes pour l’évaluation des risques. Ce qui contredit également certaines déductions du professeur Glantz.

Le cardiologue grec explique qu’« aucun biomarqueur des maladies cardiovasculaires n’a valeur de pronostic lorsqu’elle est mesurée après un effort ou une intervention ».

Enfin, un dernier point soulevé par le Pr Glantz est basé sur les résultats d’une étude menée par Prof Ilona Jaspers et publiée par le Dr Elizabeth Martin et al. [3] de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill. Les auteurs ont étudié la suppression de certains gènes dans les cellules nasales des fumeurs, vapoteurs et non-fumeurs.

Riccardo Polosa, pneumologue, professeur de l’université de Catane (Italie).

Lorsque le professeur Glantz voit la diminution de l’expression des gènes en réponse à l’augmentation des quantités de carbonyles volatiles, y compris le formaldéhyde, l’acroléine et l’acétaldéhyde, le professeur Riccardo Polosa, directeur de l’Institut de médecine interne et d’immunologie clinique de l’Université de Catane en Italie, prévient que « l’association observée entre l’utilisation de la cigarette électronique et les changements dans l’expression des gènes ne signifie pas la causalité ».

L’approche “longitudinale” aurait été plus appropriée

« Il est bien connu que l’exposition à la fumée de cigarette conduit à une altération de l’acide ribonucléique. Par conséquent, la suppression observée d’un grand nombre de gènes dans le groupe de vapoteurs est évidemment liée à l’histoire de leur tabagisme », a confié le chercheur italien à notre rédaction.

Polosa regrette l’absence de suivi dans le temps des individus

Pour le professeur Polosa, il aurait fallu faire une étude longitudinale. L’approche longitudinale (en suivant les individus dans le temps) « aurait été plus appropriée, pour établir un lien de causalité potentiel de l’exposition à l’e-cigarette sur l’expression génique et les implications cliniques connexes, comme le nombre d’infections de la grippe, par exemple » suggère Riccardo Polosa avant d’ajouter que ses commentaires avaient été soumis au comité de rédaction de la revue.

Les auteurs auraient aussi dû inclure un groupe composé de vapoteurs réguliers qui n’ont jamais fumé parce que l’exposition antérieure au tabagisme dans le groupe des vapoteurs, essentiellement des ex-fumeurs, ont peut-être introduit l’expression irréversible de ses gènes. « L’histoire du passé tabagique est tellement importante dans les changements géniques. Il est important de connaitre le degré d’exposition au tabac par année, pour pouvoir comparer l’expression des gènes entre les fumeurs et les vapoteurs ». Ce paramètre donne une idée globale de l’exposition de la personne à la fumée de cigarette au cours du temps et donc, donne une idée du risque global de l’usage du tabac.


[1] Bhatnagar A., 2016. E-Cigarettes and Cardiovascular Disease Risk: Evaluation of Evidence, Policy Implications, and Recommendations. Current Cardiovascular Risk Reports, 10(7), 1-10.

[2] Carnevale R., Sciarretta S., Violi F., Nocella C., Loffredo L., Perri L., … & Valenti V., 2016. Acute impact of tobacco versus electronic cigarette smoking on oxidative stress and vascular function. Chestsmall

[3] Martin E., Clapp PW., Rebuli ME., Pawlak EA., Glista-Baker EE., Benowitz NL., … & Jaspers I., 2016. E-cigarette use results in suppression of immune and inflammatory-response genes in nasal epithelial cells similar to cigarette smoke. American Journal of Physiology-Lung Cellular and Molecular Physiology, ajplung-00170.

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