L’iQOS a fait son entrée sur le marché japonais en 2014, il s’agissait pour Philip Morris International de tester en grandeur nature son dispositif de tabac chauffé. Trois ans après son apparition, une équipe de chercheurs tire les premiers enseignements [1] sur l’intérêt porté par les Japonais aux produits du tabac chauffé, sa prévalence, ses prédicteurs et les symptômes perçus par l’entourage.

“Ame Talk”, les animateurs démonstrateurs

L’intérêt des Japonais pour l’iQOS a commencé avec l’émission de télévision, “Ame Talk”, un talk-show à succès, diffusé tous les jeudis soir. Les animateurs, des comédiens connus, y présentent régulièrement toute sorte de nouveaux produits depuis des appareils électroménagers, des bandes dessinées jusqu’aux plats cuisinés. Le 28 avril 2016, un épisode d’une heure était entièrement consacré à l’usage du tabac en général et à l’IQOS en particulier, passant sous silence la cigarette électronique et les concurrents de l’iQOS, la Ploom et la Glo. Il faut noter que les cigarettes électroniques contenant de la nicotine sont illégales et donc rares au Japon.

Démonstration à l’appui, les animateurs ont tout expliqué aux spectateurs : comment manipuler le dispositif, comment insérer les sticks, comment recharger la batterie, comment visualiser son niveau de charge, comment l’utiliser l’iQOS, comment inspirer, dans quelles circonstances l’utiliser, et ne pas oublier le possible double usage avec les cigarettes traditionnelles. Pour l’un des animateurs, l’iQOS a même permis de résoudre un problème de voisine et mettre un terme aux plaintes de voisins gênés lorsqu’il fumait sur sa véranda.

La preuve par Google

Pour évaluer l’intérêt porté aux nouveaux produits du tabac, les auteurs de l’étude se sont intéressés au nombre de recherche sur Internet comportant des termes associés au tabac chauffé. Sachant qu’au Japon, 83% de la population avait accès à Internet en 2015, et que Google était le moteur de recherche le plus utilisé sur ordinateur de bureau (67% en 2016), ils ont utilisé la plateforme “Google Trend”. Elle leur a fourni les fréquences de recherche de termes spécifiques dans le moteur de recherche du géant américain. 

Les scientifiques ont déduit la popularité des dispositifs en fonction de la fréquence des termes recherchés. Dans un deuxième temps, ils ont tenté d’associer les pics élevés à des événements liés au tabac et mis en évidence l’impact de l’émission du 28 avril 2016.

La figure ci-contre illustre le volume de recherches hebdomadaires pour les termes associés aux produits du tabac chauffé et à l’e-cigarette de 2013 à 2017 au Japon. Le pic le plus élevé se situe dans la semaine de diffusion de l’émission Ame-Talk, la fréquence des recherches s’est ensuite maintenue à un niveau élevé pour le produit phare de Philip Morris, tandis que Glo et Ploom semblaient avoir du mal à décoller sur cette période.

Cet intérêt pour les produits du tabac chauffé au Japon a dépassé celui observé aux États-Unis pour la cigarette électronique comme le montre le graphique ci-dessous issu d’une autre étude [2] publiée en octobre 2017.

Après l’intérêt, l’usage

Pour déterminer la prévalence de la consommation “actuelle”, c’est-à-dire au cours des trente derniers jours, l’équipe japonaise s’est appuyée sur une enquête Internet, avec un échantillon représentatif de 8240 personnes, qu’ils ont suivi une fois par an entre 2015 2017.

En 2015, parmi les utilisateurs de “dispositifs électroniques” (vape ou tabac chauffé), la cigarette électronique était majoritaire ; Ploom et IQOS comptaient alors pour 7,8% et 8,4% dans cette population, deux ans plus tard la situation s’est totalement inversée comme le montrent les résultats des chercheurs. 

Là encore, l’émission Ame-talk d’avril 2016 sur l’iQOS semble avoir influencé les fumeurs, en effet 10,3% des répondants qui avaient vu l’émission l’utilisaient contre 2,7% chez ceux qui ne l’avaient pas vue.

Les résultats de l’enquête 2015 montraient les prévalences suivantes :

  • Cigarettes électroniques : 1,3%
  • IQOS : 0,3%
  • Ploom : 0,3 %

Les données 2016 étaient proches celles de 2015. En 2017, les parts des différents produits avaient significativement évolué :

  • Cigarettes électroniques : 1,9%
  • IQOS : 3,6%
  • Ploom : 1,2%
  • Glo : 0,8%

Les fumeurs ayant l’intention d’arrêter de fumer étaient plus susceptibles que les autres d’utiliser l’iQOS (18,8% contre 10,3%). Néanmoins, en 2017, 72 % des consommateurs de tabac chauffé fumaient aussi des cigarettes traditionnelles.

L’implantation de l’iQOS sur le marché nippon est corroborée par les chiffres des ventes des recharges, les sticks de tabac. En octobre 2016, ces ventes représentaient presque 5% de tous les produits du tabac, y compris les cigarettes traditionnelles.

L’entourage incommodé

Deux questions dans l’enquête ciblaient la perception de l’aérosol et les gênes éventuelles occasionnées par un utilisateur à proximité.  Les sondés étaient invités à déclarer des symptômes éventuels tels que le mal de gorge, des douleurs aux yeux, une sensation de malaise ou d’autres gênes ou symptômes.

12 % des répondants déclaraient avoir été exposés à l’aérosol d’un dispositif de tabac chauffé. Parmi eux 37 % rapportaient avoir éprouvé au moins un symptôme, “un malaise général” était le plus souvent cité, suivi d’une gêne oculaire puis d’un mal de gorge.

Seulement 26 % des utilisateurs actuels déclaraient avoir ressenti un symptôme, comparativement à 41 % des anciens utilisateurs et à 49 % des personnes n’ayant jamais consommé de produits du tabac.

Ce qu’il faut retenir

La diffusion de l’iQOS sur le marché japonais a été déclenchée par une émission de télévision populaire, pendant laquelle des présentateurs vedettes ont consacré près d’une heure à expliquer le produit.

En 2017, 4,7 % des Japonais vapotaient ou utilisaient un dispositif de tabac chauffé, 3,6% utilisaient l’iQOS, 3,4% faisaient un double usage de ces dispositifs avec la cigarette traditionnelle.

En extrapolant ces données, les auteurs de l’étude ont estimé qu’environ 3,1 millions de Japonais utilisent actuellement l’IQOS, 4,0 millions utilisent actuellement un produit du tabac chauffé ou une cigarette électronique et 2,9 millions font un double usage de ces produits.

Pour aller plus loin

Un rapport complet de l’agence anglaise de santé publique compile et critique les études sur le tabac chauffé, avec un constat préliminaire : la recherche indépendante fait encore défaut.

La confusion entre tabac chauffé et cigarette électronique est régulièrement entretenue par l’industrie du tabac. Un Comité scientifique international fondé par Riccardo Polosa met en garde. L’OMS qui surveille les produits du tabac les sépare clairement des dispositifs de vapotage.

Avec son système iQOS, Philip Morris International a largement contribué à la notoriété du concept de tabac chauffé. La publication des premières études indépendantes lance débats et polémiques.


 [1] Tabuchi T, Gallus S, Shinozaki T, et al Heat-not-burn tobacco product use in Japan: its prevalence, predictors and perceived symptoms from exposure to secondhand heat-not-burn tobacco aerosol Tobacco Control Published Online First: 16 December 2017. doi: 10.1136/tobaccocontrol-2017-053947

 [2] Caputi TL, Leas E, Dredze M, Cohen JE, Ayers JW (2017) They’re heating up: Internet search query trends reveal significant public interest in heat-not-burn tobacco products. PLOS ONE 12(10): e0185735.
https://doi.org/10.1371/journal.pone.0185735

 

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