Brest, Bordeaux, Dijon : les fermetures de coffee shops se multiplient sur la base d’une interprétation stricte de la législation. Et les autorités préviennent : ce ne sont pas ces boutiques, mais toute la filière CBD qui sera mise au pas. Faut il que les shops de vape s’inquiètent ?

Opérations coups de poing

Les coffee shops ferment aussi vite qu’ils ont ouvert.

Les fermetures de coffee shops se succèdent à un rythme frénétique. En fait, pour retrouver un rythme aussi rapide dans l’actualité, il faut remonter jusqu’aux ouvertures de ces coffee shops, il y a à peine quelque semaines.

D’abord, précisons un point : ces magasins se sont nommés eux-même, dans un premier temps, coffee shops, même si certains se sont avoués rétifs sur le tard. Si l’offre de ces boutiques ressemble plus à un croisement entre un magasin bio et une herboristerie qu’à un coffee shop d’Amsterdam, nous conserverons cette appellation par commodité : peu importe qu’on dise un pain au chocolat ou une chocolatine, l’essentiel, c’est que tout le monde comprenne qu’on parle de pains au chocolat.

Le scénario est souvent similaire : fermeture, saisie du stock, garde à vue pour les dirigeants. 

Les fermetures, donc, se sont succédées à travers la France, suivant bien souvent un scénario similaire : arrivée en force de la police, fermeture du magasin, saisie du stock et placement des gérants en garde à vue. Des opérations coup de poing, d’ailleurs souvent incomprises par la population.

Ainsi, à Brest, où l’ouverture du coffee shop a fait l’objet d’un article dans le Télégramme il y a quelques semaines dans la rubrique “vie locale”, avant de se retrouver une nouvelle fois dans les colonnes du quotidien, mais cette fois-ci dans les “faits divers”, les lecteurs ne comprennent pas. Sur le groupe Facebook Brest Infos, par exemple, dédié à la vie locale, les brestois se demandent pourquoi avoir laissé ouvrir ce magasin au vu et au su de tous si il était illégal. D’autres, plus courroucés encore, soulignent que les autorités sont moins promptes à intervenir sur la Place de la Liberté où, sous les balcons de la mairie, les dealers opèrent quasiment au vu et au su de tous.

Le public assiste, étonné, au spectacle.

C’est une questions d’ailleurs récurrente dans toutes les villes où ces fermetures ont eu lieu : “pourquoi avoir laissés ces magasins ouvrir, si c’est illégal ?”.

Position fermement molle

La législation est floue, sans conteste.

La législation française sur le cannabidiol est floue, quoiqu’affirme la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Première preuve, parce que la ministre elle-même ne sait pas exactement de quoi il en retourne, comme le montre une vidéo devenue virale de l’émission Quotidien.

Seconde preuve, parce que la législation a été diversement appliquée en fonction des régions, jusqu’à ce 23 juillet, où la direction des affaires criminelles et des grâces a adressé une dépêche aux procureurs pour uniformiser les positions. “Les parquets devront veiller (…) à apporter une réponse pénale ferme et adaptée à la hauteur des enjeux” citent nos confrères de l’Express. Superposer du flou à du flou pour y voir clair, si l’on n’est pas ophtalmologiste, c’est délicat.

Mais la ministre de la Santé l’applique dans son interprétation la plus sévère. 

La règle qui pêche, c’est celle des 0,2 % de THC. La ministre soutient qu’elle s’applique à la matière première, mais que le produit fini vendu au détail ne doit comporter aucune trace de THC. Les commerçants, dont beaucoup ont consultés des avocats, soutiennent eux une lecture de la législation où ces 0,2 % de THC sont une marge de tolérance maximale dans le produit fini.

Comme dans tous ces cas là, c’est, en l’absence de jurisprudence, le gouvernement qui fixe le cadre. Et le cadre voulu par Agnès Buzyn est clair, c’est zéro THC.

Pour Agnès Buzyn, si cannabis légal il doit y avoir, c’est en pharmacie, et nulle part ailleurs.

La ministre s’est en outre à de nombreuses reprises déclarée opposée à la légalisation du cannabis, mais ouverte à la discussion sur son utilisation thérapeutique. Traduction, si vous n’êtes pas un laboratoire pharmaceutique, circulez, il n’y a rien à voir.

Un risque pour les boutiques de vape ?

Même les buralistes ont été sévèrement mis en garde. 

Plusieurs de ces coffee shops ont protesté, arguant du fait que les opérations étaient menées chez eux, alors que des buralistes distribuaient du CBD sans être importunés. Ce qui leur a valu une réponse claire de Éric Mathais, procureur de la République de Dijon, sur France 3 Bourgogne Franche Comté, rappelant que si les buralistes vendaient des produits illégaux, ils risquaient de perdre leur licence et de fermer. Des paroles aux actes, il y a encore une marge, mais que la justice a prétendu ne pas avoir peur de franchir. 

Et c’est là que le bât blesse, parce que les boutiques de vape aussi proposent des produits à vapoter au CBD à base de CBD avec une tolérance de fabrication à 0,2 % de THC. Ce qui signifie que, potentiellement, le procureur de la république peut décider de poursuites.

Dès lors, les boutiques de vape qui proposent du CBD doivent être attentives à ce qui va se passer ensuite. 

Ce type d’opération ne se fera pas à l’initiative du commissariat du quartier, évidemment, mais sera le fait d’une volonté politique. Si Agnès Buzyn, demain, décidait de porter un grand coup à la vape, elle disposerait d’une arme puissante. 

Aussi, sans céder à la panique, il convient, pour les professionnels de la vape qui proposent des produits dont ils ne sont pas sûrs, de faire montre de la plus extrême vigilance. 

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