En cas d’adoption du PLF 2026, les e-liquides se retrouveraient dans une situation juridique inédite : soumis à l’accise, mais sans régime d’application. Entre obligations complexes et liberté totale, trois scénarios sont possibles. Décryptage d’un paradoxe qui pourrait bouleverser la filière française du vapotage.

En bref
  • Si le PLF 2026 était adopté, les e-liquides nicotinés entreraient dans le champ de l’accise ;
  • Mais les amendements sénatoriaux ont supprimé son régime d’application (suspension, agrément des boutiques, etc.) ;
  • Trois scénarios deviendraient possibles : application stricte du droit européen, statut quo par vide juridique, clarification par décret ;
  • L’incertitude demeure quant à l’avenir de la filière française du vapotage.

Le paradoxe

Les produits soumis à accise font l’objet d’une réglementation très stricte

C’est une question posée à de nombreuses reprises par nos lecteurs. « Si les e-liquides sont taxés, comment se fait-il que les boutiques n’aient plus besoin d’agrément ? » La réponse à cette question est pour le moins compliquée.

Suite à l’adoption du PLF 2026 par le Sénat, la situation des e-liquides est paradoxale. En cas d’entrée en vigueur du texte, dans sa version amendée par le Palais du Luxembourg, les e-liquides seraient effectivement soumis à l’accise, mais sans régime d’application.

Voici à quoi ressemblerait le Code des Impositions sur les Biens et Services (CIBS), avec les ajouts instaurés par l’article 23 dans sa dernière version :

  • Article L. 314-2 : les produits de vapotage avec nicotine seraient soumis à l’accise ;
  • Article L. 314-3-1 : ils seraient des produits assimilés aux tabacs manufacturés ;
  • Article L. 314-16 : il existerait une définition des catégories fiscales (faiblement/fortement nicotinés) ;
  • Article L. 314-24-2 : les tarifs de l’accise pour l’année 2026 seraient nuls (0 €), grâce à l’amendement I-360.
Les e-liquides seraient donc, juridiquement parlant, bien dans le champ de l’accise.

En revanche, par le biais des amendements sénatoriaux, les articles L. 3513-18-1 à L. 3513-18-3 ont été supprimés du Code de la Santé Publique.

À l’origine, ces articles prévoyaient :

  • Un régime économique spécial pour les e-liquides ;
  • L’obligation de commercialisation au détail via les bureaux de tabac ou les établissements agréés ;
  • Le régime de suspension d’accise avec mesures de suivi ;
  • La fabrication et la commercialisation en suspension de droits jusqu’aux établissements agréés qui mettent à la consommation les liquides.
Le régime d’application concret a donc été supprimé.

Trois options pour l’avenir de la vape

Une question se pose alors : que resterait-il comme obligations pour les professionnels qui souhaitent vendre ou fabriquer ces produits ? Et c’est ici que la situation se complique. D’abord, parce que comme nous allons le voir, l’accise fonctionne de manière différente selon le positionnement d’une entreprise dans la chaîne logistique. Et parce que le PLF 2026, dans sa version actuelle, n’a aucun sens.

Option A, la plus contraignante : l’agrément devient obligatoire

Bien que l’amendement I-520, adopté par le Sénat, ait supprimé l’obligation d’agrément pour les boutiques, ainsi que tout le régime de suspension de l’accise (sur lequel nous revenons plus bas dans cet article), les e-liquides y restent juridiquement soumis.

L’article 4, paragraphe 1 de la directive 2008/118/CE pourrait donc s’appliquer. Celui-ci stipule :

« “Entrepositaire agréé”, une personne physique ou morale autorisée par les autorités compétentes d’un État membre, dans l’exercice de sa profession, à produire, transformer, détenir, recevoir ou expédier des produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits dans un entrepôt fiscal ».

La logique voudrait donc que les e-liquides, puisqu’ils sont soumis à l’accise, obligent au respect de cette directive européenne. Il serait ainsi obligatoire d’obtenir le statut d’entrepositaire agréé pour produire et stocker ces produits, d’utiliser EMCS, d’avoir une caution, etc.

Mais l’accise ayant été rapportée à un montant nul pour l’année 2026, la caution serait alors de 0 €, tout comme l’accise due. Il ne resterait alors que les obligations procédurales, qui sont détaillées plus bas dans la section : L’accise, des procédés complexes.

Option B, la plus avantageuse pour la filière française du vapotage : rien ne change

L’amendement I-520 ayant spécifiquement supprimé les articles qui organisaient le régime de suspension pour les e-liquides, il n’y a plus aucun régime d’application. Dans ce cas, les e-liquides resteraient dans le champ de l’accise, mais sans régime économique applicable. Ils pourraient donc circuler librement, comme des produits ordinaires.

Pour les professionnels de la vape, cette option signifierait l’absence d’agrément obligatoire et de toutes les obligations qui entourent les opérations autour des produits soumis à accise. La filière française du vapotage se retrouverait ainsi dans une zone grise juridique, qui ne pourrait probablement pas durer bien longtemps.

Option C, la plus mystérieuse : l’attente du décret

L’article 23 prévoit que la taxation à 0 € et le régime économique (statut d’entrepositaire agréé, suspension de l’accise) s’appliqueront entre juillet 2026 et janvier 2027, selon un décret à paraître :

« Les I, II et III (…) entrent en vigueur à une date fixée par décret qui ne peut être antérieure au 1er juillet 2026, et au plus tard le 1er janvier 2027. »

Tout pourrait donc, théoriquement, reposer sur ce futur décret qui, en plus de fixer la date d’entrée en vigueur de ces mesures, pourrait aussi préciser leurs modalités d’application et clarifierait le régime applicable aux e-liquides.

Ce décret pourrait, par exemple :

  • Exempter les produits dont le montant de l’accise est nul des obligations EA/EMCS ;
  • Créer un régime simplifié spécifique ;
  • Confirmer l’option A et l’application des règles générales ;
  • Créer un nouveau régime de substitution.

La date précise à laquelle ce décret pourrait voir le jour est inconnue. Dans l’article 23, il est simplement stipulé que l’entrée en vigueur de ses mesures devra se faire entre juillet 2026 et avant janvier 2027. L’instabilité politique, et juridique, dans laquelle se trouve l’article 23, pourrait même suggérer qu’il ne sera jamais publié. Et quand bien même il le serait, rien n’impose au gouvernement de clarifier la situation. Le décret pourrait alors simplement se contenter de fixer une date d’entrée en vigueur, laissant toute la filière dans l’incertitude juridique.

Pour l’instant, l’incertitude

Actuellement, il est donc impossible de répondre avec certitude à la question que certains de nos lecteurs se posent.

Avec la suppression complète de l’article 23 par l’Assemblée nationale, et les nombreux amendements adoptés au Sénat, l’intention des parlementaires est claire : députés et sénateurs ne souhaitent pas voir le vapotage traité de la même manière que le tabac.

Les e-liquides se retrouvent donc dans une situation complexe : juridiquement soumis à l’accise, et donc, à toutes les obligations inhérentes aux produits qui le sont. Mais sans aucun régime d’application qui permettrait de définir lesdites obligations, et leurs modalités d’application.

Pour comprendre l’ampleur du paradoxe dans laquelle se trouvent actuellement les e-liquides, les sections suivantes détaillent le fonctionnement complet du régime des accises : obligations, acteurs, procédures, logiciels. Un système qui pourrait s’appliquer aux e-liquides si le droit européen était appliqué strictement (option A), mais dont l’application reste aujourd’hui incertaine.

Comprendre l’accise et ses implications

L’accise se distingue des taxes classiques par son fait générateur (la production) et la possibilité de suspendre son paiement entre professionnels agréés.

Les taxes directes et indirectes

Une taxe est un prélèvement obligatoire opéré par une personne publique, comme l’État ou une collectivité territoriale. Il n’a aucune contrepartie directe individualisée pour le contribuable. Une taxe est unilatérale, définitive, et doit être votée par le Parlement en vertu du principe de consentement à l’impôt.

Il existe deux sortes de taxes :

  • Les taxes directes : elles frappent directement le patrimoine ou les revenus. Par exemple, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, la taxe foncière, l’impôt sur la fortune immobilière, etc. ;
  • Les taxes indirectes : elles frappent la consommation ou les transactions. Répercutées sur le consommateur final, elles sont collectées par les entreprises. C’est le cas de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), des droits de mutation, des droits d’enregistrement, ou encore, de l’accise.

L’accise, une taxe sur les produits sensibles

L’accise est donc une taxe indirecte. Sa spécificité réside dans le fait qu’elle ne frappe que la consommation de certains produits considérés comme « sensibles ». L’accise est originalement apparue au Moyen-Âge, pour taxer les produits de luxe ou ceux ayant un intérêt stratégique particulier.

En France, l’accise s’applique uniquement à trois catégories de produits :

  • Les boissons alcooliques ;
  • Les tabacs manufacturés ;
  • Les produits énergétiques (essence, gazole, électricité, etc.).

Si le PLF 2026, dans sa version actuelle, largement amendée par le Sénat, entre en vigueur, alors les e-liquides pour cigarettes électroniques deviendront le quatrième produit de cette liste.

Un mode de perception différent

La base de calcul des taxes est appelée « assiette ». Si certaines taxes, comme la TVA, par exemple, suivent le principe de taxe ad valorem (terme latin qui signifie « selon la valeur »), c’est-à-dire qu’elles se basent sur la valeur du bien, l’accise est quant à elle basée sur la quantité physique de produit taxé. C’est-à-dire, un montant en euro par unité de mesure.

Si les taxes directes, comme la TVA, sont collectées à chaque étape de la chaîne de production/distribution, une accise n’est perçue qu’une seule fois : à la mise à la consommation. Entre la fabrication et la vente au détail, les produits circulent entre entrepôts fiscaux sans payer l’accise, c’est le régime de suspension.

TVA vs accise : deux systèmes opposés

Dans le cadre de la TVA, tous les acteurs économiques y sont assujettis. Ces derniers doivent posséder un numéro de TVA intracommunautaire, émettre des factures dans lesquelles le montant de la taxe est clairement indiqué, et faire une déclaration mensuelle, trimestrielle, ou annuelle, pour déclarer la TVA collectée, déductible, et enfin payer le solde dû.

Contrairement aux apparences, la taxe sur la valeur ajoutée est un système plutôt simple. L’inscription des différents acteurs est automatique en cas d’activité économique, il n’y a pas besoin d’agrément particulier pour la percevoir, pas de caution à fournir, pas de contrôles permanents, et, enfin, la tenue d’une comptabilité classique est suffisante.

L’accise, des procédés complexes

Dans le cas de l’accise, les choses sont totalement différentes. Ce régime repose sur des principes fondamentalement différents. La présomption d’interdiction, d’abord, qui interdit par défaut la manipulation des produits qui y sont soumis. L’autorisation préalable, ensuite, qui oblige à l’obtention d’un statut spécifique pour pouvoir opérer. Et enfin, une surveillance permanente. Des contrôles sont réalisés avant, pendant, et après les opérations.

Des acteurs particuliers

Qui dit produits « sensibles » dit procédés spéciaux. L’un des acteurs de ce système est l’entrepositaire agréé (EA). En pratique, il s’agit du statut de droit commun pour tous les professionnels de la filière d’un produit soumis à accise.

Par exemple, dans le cas du tabac, les fabricants de produits, importateurs, grossistes, transformateurs (assemblage ou conditionnement, par exemple), entrepôts de stockage, etc., doivent tous obtenir le statut d’entrepositaires agréés.

Dans le cas du vapotage, si les vape shops ne devraient être forcés d’obtenir qu’un « simple » agrément administratif, basé sur des critères d’honorabilité, de probité, de capacité juridique, de formation, et de moyens humains et matériels « propres à collecter l’accise », les professionnels en amont devront quant à eux obtenir le statut d’entrepositaire agréé.

Cette différence de statut s’explique par le fait que l’article 23 stipule : « la fabrication et la commercialisation, autre que la commercialisation au détail, (…) sont réalisées en suspension de l’accise (…) jusqu’à la fourniture des produits aux établissements ».

 

Bien que les contours précis de la législation soient encore flous, les obligations imposées aux vape shops pourraient largement différer de celles des fabricants, grossistes, etc., qui se situent en amont dans la chaîne logistique. S’agissant du point de vente final, où est réalisée la mise à la consommation, ils devraient donc recevoir les e-liquides en droits acquittés, ce qui pourrait les exonérer de la majorité des obligations du statut d’entrepositaire agréé, que nous allons voir ci-dessous.

 

Les obligations des entrepositaires agréés

Les conditions pour obtenir le statut d'entrepositaire agréé

Condition d’honorabilité

L’article L. 311-13 du CIBS exige :
  • Pas de condamnation pour fraude fiscale;
  • Pas de condamnation pour contrebande, contrefaçon;
  • Pas de faillite personnelle récente ;
  • Casier judiciaire vierge sur délits financiers ;
  • Vérification : extraction du bulletin n°2 du casier judiciaire.

Capacité professionnelle

  • Compétence technique dans le domaine ;
  • Expérience professionnelle ;
  • Moyens matériels adaptés ;

Capacité financière

  • Situation financière saine ;
  • Pas de dette fiscale ou sociale en cours ;
  • Bilan comptable positif ;
  • Trésorerie suffisante.

Locaux et équipements

L’entrepôt fiscal doit :
  • Être clairement identifié et délimité ;
  • Permettre un contrôle physique efficace ;
  • Disposer de systèmes de sécurité (alarmes, caméras) ;
  • Avoir une comptabilité matières informatisée ;
  • Être étanche : entrées/sorties contrôlées.

Caution ou garantie financière

C’est ici que se situe la plus grande différence avec la TVA. L’entrepositaire agréé doit être en mesure de garantir le paiement de l’accise. Pour cette raison, une « caution solidaire » est nécessaire, dont le montant est calculé de la manière suivante :

  Quantité max stockée x tarif d’accise x coefficient de sécurité  

Plusieurs garanties sont acceptées pour cela. Une caution bancaire, dont l’organisme s’engage alors à payer l’accise si l’entrepositaire agréé n’est pas en mesure de le faire. La consignation en numéraire, c’est-à-dire bloquer le montant de la caution sur un compte bancaire. La garantie d’un organisme de caution mutuelle (uniquement réservée à certains secteurs). Soulignons que la caution bancaire est le choix fait par la majorité des entreprises. Son coût varie annuel varie entre 0,5 % et 2 % du montant garanti.

Attention à la confusion fréquente : quand un mouvement s’apure et que la caution se « libère », l’entreprise ne récupère pas d’argent. C’est uniquement la capacité de garantie qui redevient disponible pour d’autres mouvements.

Voici un exemple pour mieux comprendre :

Une entreprise possède une caution de 100 000 euros. Le lundi, elle envoie des produits à un grossiste, qui représentent 30 000 euros d’accise. Le montant disponible de sa caution devient donc de 70 000 euros (100 000 – 30 000 = 70 000).

Si, avant que cette marchandise n’arrive à destination et que la procédure soit clôturée, elle souhaite envoyer d’autres marchandises ailleurs, alors la redevance d’accise de ces marchandises ne pourra pas dépasser 70 000 €, qui est le nouveau total de sa caution.

Le déplacement de marchandises soumises à accise doit donc être parfaitement calculé. Si un fabricant envoie, en même temps, des produits à plusieurs grossistes et que l’intégralité de sa caution est occupée par ses envois en cours, il ne pourra rien envoyer d’autre tant qu’une partie de sa caution n’aura pas été libérée à réception de l’une des commandes qu’il a honorées. Soulignons également que la caution solidaire n’est pas uniquement destinée à couvrir les marchandises transportées. Elle doit également couvrir le montant de l’accise dû pour tous les produits stockés.

 

Note importante : la caution bancaire n’est que l’un des nombreux coûts inhérents au statut d’entrepositaire agréé. À celui-ci s’ajoutent les logiciels, le personnel dédié, les éventuels conseils et aménagements des locaux. Des coûts qui varient fortement selon la taille de l’entreprise, mais pour lesquels aucune donnée fiable n’est disponible publiquement.

 

Si une comptabilité traditionnelle suffit dans le cas de la TVA, un entrepositaire agréé est soumis à des obligations très strictes. Parmi elles, le registre de comptabilité matières, dont chaque ligne doit être justifiée. Production, expédition, réception, mise à consommation, tout doit être consigné.

Un inventaire physique est également obligatoire, chaque mois. Il consiste à contrôler les stocks réels par rapport aux stocks comptables. Tout écart doit être justifié.

L’EA est aussi soumis à des déclarations fiscales spécifiques. Par exemple, la déclaration récapitulative mensuelle, qui doit être envoyée avant le 10 du mois suivant, et qui récapitule tous les mouvements de marchandises. Un envoi qui ne peut être réalisé qu’avec le logiciel CIEL, une application des douanes.

La déclaration d’accise doit quant à elle être réalisée à chaque mise à la consommation. C’est à ce moment-là qu’est calculé le montant de l’accise due, et qu’elle est payée.

Enfin, un état récapitulatif des livraisons est également obligatoire, chaque mois ou chaque trimestre, en fonction des volumes.

EMCS, le logiciel européen

Depuis l’année 2010, l’utilisation d’Excise Movement and Control System (EMCS) est obligatoire à chaque mouvement d’une marchandise en suspension de droits d’accise. C’est-à-dire, lorsque les produits se promènent d’un professionnel agréé à l’autre. Si ce logiciel peut être utilisé entre professionnels au sein de l’Union européenne, il doit également l’être lors du mouvement d’une marchandise dans un même pays, et ce, même si les deux entrepôts agréés font partie de la même entreprise.

En France, la connexion à EMCS se fait par le biais du logiciel des douanes, SEED.

Voir un exemple d'utilisation d'EMCS lors d'une transaction

Exemple d’utilisation d’EMCS

Dans cet exemple, nous allons imaginer qu’un fabricant lyonnais d’e-liquides souhaite expédier 200 litres de liquides à un grossiste situé à Lille.

Les acteurs de cette transaction imaginaire seront :

  • VapeLyon SAS (fabricant)
  • DistribNord SARL (grossiste)
  • TranspoFast (transporteur)

Les 200 litres d’e-liquides à 18 mg/ml de nicotine seront conditionnés dans 200 cartons de 100 flacons.

1re étape : création e-AD (electronic Administrative Document)

Le fabricant se connecte à SEED et crée le document. Il y indique l’expéditeur et le destinataire, avec leurs numéros d’entrepositaires agréés, la nature et la quantité du produit, l’itinéraire prévu ainsi que le mode de transport. Les informations sur la caution des produits doivent également être indiquées, afin que les douanes puissent vérifier que l’entrepositaire agréé dispose bien d’une caution valide.

À ce moment-là, un code ARC (Administrative Reference Code) est créé. Il s’agit d’un identifiant unique attribué automatiquement par le système EMCS à chaque mouvement de produits soumis à accise en suspension de droits.

Le destinataire reçoit ensuite la notification SEED et l’accepte.

2e étape : chargement et départ des marchandises

Le jour de l’expédition est arrivé. Les palettes sont chargées dans le camion, les plombs de sécurité sont posés, et la version papier du formulaire e-AD est remise au chauffeur. Le fabricant se connecte de nouveau à SEED pour déclarer le départ.

3e étape : transport

Le camion roule de Lyon jusqu’à Lille. En cas de contrôle douanier, le QR code du formulaire e-AD est scanné pour vérifier que le mouvement des produits soumis à accise est bien valide. Un contrôle des plombs est effectué. Le camion peut reprendre sa route.

4e étape : réception des marchandises

Le camion arrive chez le grossiste. L’état des plombs est vérifié, les 200 cartons sont déchargés, le contrôle par sondage est réalisé, et le stockage dans l’entrepôt fiscal est réalisé.

5e étape : rapport de réception

Le grossiste ayant reçu la marchandise, il doit se connecter à SEED pour confirmer sa réception, son état, et les éventuels écarts observés entre la quantité censée arriver et la quantité effectivement reçue. Il envoie ensuite ce rapport en le validant via le logiciel.

6e étape : apurement

SEED traite automatiquement cette partie. Le logiciel compare la marchandise reçue et déclarée. En cas d’absence d’écart, il procède à l’apurement automatique (la clôture administrative et fiscale de produits soumis à accise), puis passe le statut de la transaction sur « clôturée ». Une notification est envoyée à l’expéditeur, au destinataire, et au service des douanes. La caution est libérée.

Tableau comparatif TVA vs Accise

Critère TVA Accise
Assiette Valeur (% du prix) Quantité (€/unité)
Perception À chaque transaction Une seule fois, à la mise à consommation
Produits concernés Tous (ou presque) Alcools, tabacs, énergie (+ vape ?)
Agrément nécessaire Non Oui (Entrepositaire Agréé)
Caution Non Oui (milliers / millions €)
Logiciel spécifique Non Oui (EMCS/SEED)
Contrôles A posteriori Permanents
Note : le PLF 2026 place les e-liquides dans le régime de l’accise avec un tarif à 0 € pour 2026. Si l’option A s’applique, toutes les obligations du régime accise (agrément EA, caution, EMCS, etc.) pourraient s’imposer malgré l’absence d’enjeu fiscal réel.

Comme nous venons de le voir, l’article 23 du PLF 2026, dans sa version amendée par le Sénat, crée une situation juridique inédite. Le texte rendrait les e-liquides nicotinés soumis à accise, avec toutes les obligations procédurales que ça implique, mais sans régime économique applicable. Trois scénarios se dessinent donc : l’application stricte du droit européen (option A), le maintien du statu quo par vide juridique (option B), ou la clarification par décret (option C). Mais après la suppression complète de l’article par l’Assemblée nationale, puis sa réintroduction au Sénat, dans une version largement modifiée, toute prévision serait pour le moins hasardeuse.

Une chose sûre : si le texte entrait en vigueur dans son état actuel, les professionnels de la vape se retrouveraient dans une zone grise juridique.

Vos questions, nos réponses

Retrouvez ci-dessous les interrogations principales que nos lecteurs ont soulevées. Si votre question ne figure pas dans cette liste, n’hésitez pas à déposer un commentaire sous cet article et nous tenterons d’y répondre.

Que change concrètement le PLF 2026 pour les e-liquides ?

Le projet de loi de finances pour 2026 crée une situation juridique inédite pour les e-liquides nicotinés. L’article 23 les fait entrer dans le champ de l’accise, un impôt indirect qui s’applique habituellement aux produits comme l’alcool ou le tabac. En théorie, cela signifie que les e-liquides devraient être soumis à l’ensemble du régime fiscal des produits accisés : régime de suspension des droits, obligations déclaratives, traçabilité renforcée, statut d’entrepositaire agréé pour les professionnels, etc. Mais voilà où le paradoxe commence : le Sénat a voté plusieurs amendements qui ont vidé l’article 23 de sa substance. L’amendement I-360 a ramené le tarif de l’accise à zéro euro pour 2026, l’amendement I-520 a supprimé les dispositions qui organisaient le régime de commercialisation et le système d’agrément des boutiques, et l’amendement I-359 a retiré l’interdiction de la vente à distance. Résultat : les e-liquides se retrouvent techniquement dans le champ de l’accise, mais sans qu’aucun régime d’application ne soit clairement défini. C’est un peu comme si on avait créé une obligation fiscale fantôme : elle existe sur le papier, mais personne ne sait vraiment comment elle doit s’appliquer concrètement. Cette incertitude juridique laisse les professionnels du secteur dans le flou complet quant aux obligations qui pourraient leur incomber à partir de juillet 2026.

Pourquoi parle-t-on d’un paradoxe juridique ?

Le paradoxe réside dans la coexistence de deux réalités contradictoires. D’un côté, l’article 23 du PLF 2026 inscrit bel et bien les e-liquides dans la liste des produits soumis à accise, au même titre que les cigarettes, les cigares ou les tabacs à rouler. Cette inscription dans le code des impositions sur les biens et services n’est pas anodine : elle crée juridiquement une obligation fiscale et déclenche normalement l’application de tout un arsenal de règles et de procédures prévues par le droit européen et français. De l’autre côté, les amendements sénatoriaux ont méthodiquement supprimé tous les articles du code de la santé publique qui organisaient concrètement l’application de ce régime : les règles de commercialisation, les agréments obligatoires pour les boutiques, le système de suspension des droits, etc. C’est donc une situation où le principe existe mais pas les modalités, où l’obligation est créée mais pas ses conditions d’exécution. Pour prendre une analogie, c’est comme si on votait une loi disant “les véhicules doivent avoir une assurance” mais qu’on supprimait dans la foulée tous les articles précisant qui peut vendre ces assurances, comment elles doivent être souscrites, et quelles garanties elles doivent comporter. Le véhicule reste théoriquement obligé d’être assuré, mais concrètement, personne ne sait comment faire. C’est exactement la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les e-liquides nicotinés.

Pourquoi l’agrément ne serait-il pas obligatoire malgré la mise en place d’une accise sur les e-liquides ?

C’est une question essentielle qui révèle toute la complexité juridique créée par les amendements sénatoriaux. Pour bien comprendre, il faut distinguer deux régimes juridiques totalement distincts qui sont habituellement imbriqués mais qui, dans le cas présent, ont été dissociés par le législateur. Le premier régime est le régime fiscal de l’accise, qui relève du code des impositions sur les biens et services (CIBS) et qui organise la manière dont l’impôt est collecté, suspendu et acquitté tout au long de la chaîne de production et de distribution. Ce régime concerne les entrepositaires agréés, le système EMCS, la comptabilité matières, les déclarations aux douanes, bref tout l’appareil fiscal. Le second régime est le régime de commercialisation, qui relève du code de la santé publique (CSP) et qui organise qui peut vendre quoi, à qui, où et comment. C’est dans ce second régime que se situait le système d’agrément des boutiques prévu initialement par l’article 23. Or, l’amendement I-520 a fait quelque chose de très précis et de très ciblé : il a supprimé les articles L. 3513-18-2 et L. 3513-18-3 du code de la santé publique, qui organisaient justement ce régime de commercialisation et d’agrément. En revanche, il n’a pas touché aux dispositions du CIBS qui maintiennent les e-liquides dans le champ de l’accise. Résultat : on se retrouve avec un produit fiscalement soumis à l’accise mais sans régime de commercialisation spécifique. C’est comme si on avait créé une taxe sur l’alcool tout en supprimant l’obligation d’avoir une licence de débit de boissons pour le vendre. La taxe existe, elle doit être payée par le fabricant ou le grossiste, mais n’importe qui peut ensuite vendre le produit au détail sans autorisation particulière. Dans le cas des e-liquides, si l’option A s’appliquait strictement, les fabricants et grossistes devraient bien devenir entrepositaires agréés pour gérer l’accise (même à zéro euro), mais une fois qu’ils livreraient leurs produits à une boutique de vape en acquittant l’accise, cette boutique n’aurait aucune obligation particulière puisque les articles qui créaient le système d’agrément ont été supprimés. La boutique recevrait simplement des produits droits acquittés, comme n’importe quel commerce recevant n’importe quelle marchandise. C’est une dissociation totale entre l’aspect fiscal (qui subsiste) et l’aspect réglementaire commercial (qui a été supprimé). Cette situation est d’autant plus étrange qu’elle est exactement l’inverse de ce qui existe pour le tabac : pour le tabac, on a à la fois le régime fiscal de l’accise ET un monopole de commercialisation très strict réservé aux débitants de tabac. L’article 23 voulait initialement reproduire ce double régime pour la vape, mais les amendements ont détricoté uniquement le volet commercialisation tout en laissant le volet fiscal. Le résultat est un hybride juridique inédit : un produit accisé en vente libre. Bien sûr, tout cela reste théorique et dépend du scénario qui se réalisera. Si l’option B se concrétise (vide juridique total), ni le régime fiscal ni le régime d’agrément ne s’appliqueront. Si l’option C se réalise (clarification par décret), le gouvernement pourrait très bien recréer par décret un système d’agrément, ou au contraire, confirmer la liberté de commercialisation. Mais si l’option A se matérialise (application stricte du droit tel que voté), on aurait effectivement cette situation paradoxale d’une accise sans agrément pour les détaillants.

Qu’est-ce qu’une accise et en quoi est-ce différent d’une taxe normale ?

Une accise est un impôt indirect qui présente des particularités très spécifiques par rapport à une taxe classique, comme la TVA. La différence fondamentale réside dans le moment où l’impôt devient exigible et dans la façon dont il circule dans la chaîne de production et de distribution. Avec une taxe classique, chaque acteur paie l’impôt au moment où il achète ou vend le produit, et l’obligation fiscale se déclenche immédiatement à chaque transaction. Avec une accise, le système est complètement différent : l’impôt existe dès la fabrication ou l’importation du produit, mais son paiement est suspendu tant que le produit circule entre professionnels agréés. C’est ce qu’on appelle le “régime de suspension des droits”. Concrètement, un fabricant d’alcool peut produire des milliers de bouteilles, les stocker, les transporter vers un grossiste, qui lui-même peut les transférer vers un distributeur, et à aucun moment l’accise n’est payée. Elle reste “suspendue” tant que le produit circule dans ce circuit fermé entre entrepositaires agréés. Ce n’est qu’au moment de la “mise à la consommation”, c’est-à-dire la livraison au détaillant ou au consommateur final, que l’accise devient exigible et doit être acquittée. Ce système nécessite donc une infrastructure administrative lourde : des autorisations spécifiques pour les professionnels, une traçabilité renforcée de chaque mouvement de produits, une comptabilité matières extrêmement précise, et des échanges informatiques permanents avec l’administration des douanes. C’est tout cet édifice qui devrait, en théorie, s’appliquer aux e-liquides, mais dont l’application concrète reste aujourd’hui incertaine.

Que risque-t-il de se passer concrètement en 2026 ?

Trois scénarios principaux se dessinent, chacun ayant des implications très différentes pour les professionnels du secteur. Le premier scénario, qu’on peut appeler “l’application stricte du droit européen”, partirait du principe que l’inscription des e-liquides dans le champ de l’accise suffit à déclencher l’application de l’ensemble du régime prévu par la directive européenne 2008/118/CE. Dans ce cas, tous les fabricants et grossistes devraient obtenir le statut d’entrepositaire agréé, avec toutes les obligations que cela implique : caution bancaire, utilisation du système informatique EMCS pour tracer chaque mouvement, comptabilité matières stricte, déclarations mensuelles aux douanes, etc. Les boutiques de vape, elles, devraient obtenir un agrément administratif pour pouvoir vendre au détail. Ce serait une révolution organisationnelle complète pour un secteur qui fonctionnait jusqu’ici selon les règles du commerce classique. Le deuxième scénario serait celui du vide juridique persistant : faute de textes d’application clairs, l’administration ne pourrait pas imposer d’obligations précises, et le secteur continuerait de fonctionner comme avant, dans une sorte de flottement réglementaire. Ce serait confortable à court terme mais très inconfortable juridiquement, car l’obligation existe théoriquement sans que personne ne sache comment la respecter. Le troisième scénario serait celui d’une clarification par décret : l’administration publierait un décret qui préciserait des modalités allégées, adaptées à la réalité du secteur de la vape et au fait que l’accise est fixée à zéro euro. Ce pourrait être un régime simplifié, avec moins d’obligations que pour l’alcool ou le tabac. La réalité se situera probablement quelque part entre ces trois scénarios, et ne sera vraiment connue qu’avec la publication du décret d’application prévu entre juillet 2026 et janvier 2027.

Pourquoi avoir fixé l’accise à 0 euro si c’était pour créer autant de complications ?

C’est effectivement une des questions centrales que soulève ce texte. L’amendement I-360, qui a ramené l’accise à 0 euro pour les produits du vapotage en 2026, partait d’une logique politique compréhensible : plusieurs sénateurs estimaient qu’il était prématuré de taxer les e-liquides tant que la directive européenne en cours de négociation n’est pas définitivement adoptée. La proposition de directive 2025/580 prévoit effectivement d’harmoniser la taxation des produits du vapotage au niveau européen, mais seulement à partir du 1er janvier 2028. Voter une taxation dès 2026 constituait donc, selon les auteurs de l’amendement, une forme de “surtransposition” anticipée d’un texte européen qui n’existe même pas encore définitivement. Leur raisonnement était : attendons 2028 et la directive européenne pour taxer. Mais en fixant le tarif à zéro tout en maintenant les e-liquides dans le champ de l’accise, ils ont créé une situation absurde : toutes les contraintes administratives d’un régime d’accise sans aucun enjeu fiscal réel. C’est un peu comme si on obligeait un commerçant à installer un coffre-fort, un système d’alarme sophistiqué, des caméras de surveillance et une liaison directe avec la police pour protéger une caisse qui serait vide tous les soirs. Les coûts organisationnels et administratifs sont réels, mais ils ne protègent rien puisqu’il n’y a pas de recette fiscale à sécuriser. C’est d’autant plus paradoxal que l’amendement I-520 a ensuite supprimé les articles qui organisaient le régime de commercialisation, créant une incohérence juridique supplémentaire. Au final, on a un empilement d’intentions politiques divergentes qui a produit un texte difficilement applicable.

Est-ce que cette situation peut durer ou va-t-elle nécessairement être clarifiée ?

La situation actuelle est juridiquement instable et appelle nécessairement une clarification, mais le calendrier et la forme que prendra cette clarification restent incertains. Plusieurs éléments peuvent évoluer à court et moyen terme. D’abord, le texte du PLF 2026 n’est pas encore définitivement adopté : il doit encore passer en commission mixte paritaire. Ensuite, même si le texte était adopté en l’état, l’article 23 prévoit explicitement qu’un décret fixera la date d’entrée en vigueur, entre juillet 2026 et janvier 2027. Ce décret sera l’occasion de préciser les modalités d’application et éventuellement de clarifier les zones d’ombre. L’administration des douanes et le ministère de la Santé devront bien, à un moment, donner des instructions claires aux professionnels sur ce qu’ils doivent faire concrètement. Enfin, au-delà de 2026, la situation évoluera nécessairement avec l’adoption de la directive européenne prévue pour 2028. À cette date, la France devra de toute façon se mettre en conformité avec les règles européennes harmonisées, ce qui entraînera probablement un réexamen complet du dispositif. En attendant, les professionnels se retrouvent dans une position d’attente inconfortable : impossible de s’organiser sans savoir quelles obligations leur seront imposées.

Quel est l’impact pour les consommateurs finaux ?

Pour le consommateur qui achète ses e-liquides en boutique ou en ligne, l’impact immédiat du PLF 2026 devrait être relativement limité, du moins à court terme. Puisque l’accise est fixée à zéro euro pour 2026, il n’y aura pas de surcoût fiscal direct répercuté sur le prix de vente. Votre flacon de 10 ml ne va pas soudainement augmenter de plusieurs euros à cause d’une nouvelle taxe. En revanche, il pourrait y avoir des effets indirects selon le scénario qui se concrétise. Si les fabricants et grossistes doivent effectivement mettre en place toute l’infrastructure du régime des accises, ils vont supporter des coûts administratifs et organisationnels non négligeables : logiciels spécialisés, personnel formé, procédures de traçabilité, éventuellement caution bancaire même symbolique. Ces coûts pourraient être répercutés dans la chaîne de valeur et se traduire par une légère augmentation des prix de vente, probablement de l’ordre de quelques centimes à quelques dizaines de centimes par flacon selon les marques. Les grands acteurs du secteur absorberont probablement mieux ces coûts que les petits fabricants artisanaux, ce qui pourrait accélérer une concentration du marché. L’autre impact potentiel concerne la disponibilité des produits et la diversité de l’offre. Si certains petits fabricants décident que le coût administratif est trop lourd par rapport à leur activité, ils pourraient arrêter leur production ou se retirer du marché français. À l’inverse, si le vide juridique persiste et qu’aucune obligation claire n’est imposée, le consommateur ne verra probablement aucune différence. C’est vraiment après 2026, si l’accise passe à un montant non nul en application de la directive européenne, que l’impact pourrait devenir significatif. Une accise de 30 ou 50 euros par litre se traduirait par une augmentation substantielle des prix de vente au détail.

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