Le Surgeon General américain a rendu public un rapport alarmiste sur l’utilisation de la cigarette électronique chez les adolescents et jeunes adultes. Il appelle dans la foulée à réglementer de manière drastique son accessibilité. De nombreux experts questionnent l’intégrité scientifique des rédacteurs.

“La cigarette électronique est le produit du tabac…”

Pour appuyer des recommandations drastiques, le rapport s’appuie sur une série de faits (pdf) confirmés, selon ses auteurs,  par des données scientifiques.  Il établit une liste d’affirmations qui ont de quoi faire bondir les vapoteurs et tous ceux, scientifiques et médecins compris, qui s’intéressent de près au phénomène de la cigarette électronique.

“Les e-cigarettes sont considérées comme des produits du tabac parce que la plupart contiennent de la nicotine qui vient du tabac”

La cigarette électronique est le produit du tabac” (sic) le plus utilisé par les jeunes, sa consommation dépasse celle de la cigarette conventionnelle. L’utilisation de la nicotine, qui peut être présente dans les eliquides, est un danger pour les jeunes, les femmes enceintes et le foetus et de manière générale tout produit utilisant de la nicotine présente des risques pour la santé.

Vers une nicotine synthétique ?Le médecin en chef s’inscrit dans la droite ligne de l’agence de réglementation des produits alimentaires et des médicaments (FDA) qui assimile depuis août 2016 les produits du vapotage aux produits du tabac parce que la nicotine utilisée dans les e-liquides est extraite de la plante de tabac. Pour contourner cette catégorisation, certains fabricants de nicotine, comme la société chinoise Hiliq par exemple, ont commencé à commercialiser des e-liquides avec de la nicotine synthétique dans l’espoir d’échapper aux griffes de l’administration américaine.

Les méthodes de commercialisation sont les mêmes que celles utilisées dans le passé pour les produits du tabac conventionnels auprès des jeunes et les jeunes adultes telles que l’offre de saveurs, ou l’utilisation d’une grande variété de canaux et d’approches médiatiques.

La vapeur peut contenir des composants nocifs et de la nicotine. Celle-ci peut provoquer une dépendance et nuire au développement du cerveau de l’adolescent.

Les mesures anti-tabac en vigueur devraient, pour le médecin en chef des Etats-Unis, être étendues à la cigarette électronique.

Il incite ainsi à prendre des mesures à tous les niveaux du pays : national, état, local, tribal et territorial pour s’attaquer à l’usage du vaporisateur. Il propose de limiter l’accès des jeunes aux cigarettes électroniques, d’utiliser le levier fiscal , d’établir des permis de vente au détail, de réglementer le marketing…

“Une insulte à l’intelligence du public”

Parmi les premiers à réagir à la sortie du rapport, Michael Siegel, professeur à l’Université de médecine de Boston, s’est indigné des déclarations répétées du Surgeon General estimant que “les déclarations répétées du Surgeon General sont une insulte à l’intelligence du public” et s’interroge s’il faut mentir au public pour qu’il comprenne que bien que sans rapport avec ceux du tabac, vapoter peut présenter quelques risques pour la santé ? 

“Un rapport scientifiquement malhonnete qui utilise les vieilles ficelles de l’industrie du tabac

Derek Yach, ancien responsable de la lutte anti-tabac au sein de l’OMS et fondateur du FCTC, estime que l’e-cigarette est un bon choix pour les fumeurs. Il s’est exprimé sur twitter : le rapport est “rempli de déclarations fausses, fallacieuses et trompeuses, et nécessiterait un avertissement de santé : “ne pas lire!””

Le professeur Kevin Fenton, directeur Santé de l’agence de santé publique anglaise (PHE) réaffirme de son coté que l’usage de l’e-cigarette ne représente qu’une fraction des risques de tabac et qu’aucune nouvelle preuve n’est venue à ce jour contredire les conclusions du Collège Royal de Médecine publiées plus tôt cette année. 

Peter Hajek abonde dans le même sens “les conclusions (…) ne correspondent pas à ce que montrent les données réelles“. Il réaffirme que les cigarettes électroniques ne sont pas un produit du tabac, n’entraînent pas les jeunes dans le tabagisme et ne créent aucune dépendance chez les non fumeurs.

Certes la vigilance  est nécessaire, mais jusqu’ici, les cigarettes électroniques n’agissent que comme porte de sortie du tabagisme pour les adultes comme pour les adolescents. Il met en garde contre des conséquences fortuites de la limitation de l’accès des fumeurs, elle pourrait bien contribuer à garder les fumeurs de tabagisme et les maladies liées au tabagisme et la mort va au rythme actuel.

Linda Bauld cible pour sa part les affirmations du rapport sur l’incidence de la nicotine sur le développement fœtal et post-natal,  la mort subite du nourrisson et l’obésité chez les enfants. “Il s’agit d’un malentendu fondamental (…) une extrapolation d’études chez les souris et les rats à ce qui pourrait arriver chez les humains“.

L’utilisation de substituts nicotiniques est sans danger pendant la grossesse rappelle-t-elle comme l’a montré une étude récente de l’Université de Nottingham. Cette étude qui a suivi les nourrissons jusqu’à l’âge de deux ans, n’a révélé aucun effet négatif sur les enfants de mères qui ont utilisé des substituts pendant leur grossesse. Elle rappelle que les décès d’enfants en bas âge sont principalement liées au tabagisme, l’une des principales causes des morts subites.

Elle invite les cliniciens à ne pas se laisser influencer par ce rapport, cela nuirait à la santé maternelle et infantile et doit être évité.

Le US Surgeon General déclare que les e-cigarettes sont un problème de santé publique. Mais où est la preuve du préjudice?

Le Dr Konstantinos Farsalinos s’interroge sur les données réelles au sujet des  méfaits causé par le vaporisateur. Il estime que les déclarations sur les “substances nocives et potentiellement nocives” sont des “déclarations émotionnelles sans réel contenu en termes de risques réalistes“.

La chute sans précédent du tabagisme des jeunes aux États-Unis n’endigue pas la crainte de l’effet passerelle.

 

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