Pour lui, le vaporisateur personnel peut favoriser le sevrage tabagique et expose ses utilisateurs à des risques moindres par rapport au tabagisme.
40 ans d’expérience et un avis favorable sur la vape
Avec plus de 40 années de recherche sur la nicotine à son actif, Neal L. Benowitz est un professeur émérite de médecine exerçant au Center for Tobacco Control Research and Education de la University of California San Francisco. Considéré par nombre de ses pairs comme le plus grand expert du monde au sujet de la nicotine, il a récemment publié un article scientifique (1) s’intéressant à la molécule dans le cadre du vapotage. Nous en proposons aujourd’hui un résumé qui s’axera autour de 5 grands sujets :
- Fonctionnement et effets de la nicotine
- Différences dans l’absorption de la nicotine lors du tabagisme et du vapotage
- Les avantages potentiels de la cigarette électronique pour le sevrage tabagique
- Les préoccupations concernant ses effets sur la santé
- Conclusions
Comment fonctionne la nicotine ?
La nicotine agit en activant les récepteurs cholinergiques de la nicotine (nAChR). Lorsque celle-ci se lie à eux, un canal ionique s’ouvre permettant l’entrée des ions calcium et sodium, qui activent ensuite le récepteur.
Fonctionnant principalement de manière présynaptique, la nicotine agit de manière à libérer certains neurotransmetteurs tels que la dopamine, la noradrénaline, l’acétylcholine, la sérotonine, la bêta-endorphine et l’acide gamma-aminobutyrique. Concrètement, la nicotine permet à son consommateur de ressentir du plaisir, de l’excitation et de la stimulation, ainsi qu’une réduction de l’anxiété accompagnée d’une stabilisation de l’humeur. D’autres effets nicotiniques incluent également une augmentation du taux métabolique ainsi qu’une suppression de l’appétit, expliquent les auteurs.
La dépendance à la nicotine se produit en cas d’exposition prolongée, comme dans le cas lors de l’usage régulier du tabac. À force d’être consommée, une neuroadaptation cérébrale se produit, qui est associée au développement d’une tolérance à plusieurs des effets pharmacologiques cités ci-dessus.
De la même manière, en cas d’arrêt brusque de sa consommation, un syndrome de sevrage se produit, dont les principaux effets sont l’irritabilité, l’agitation, l’anxiété, la difficulté à se concentrer, l’augmentation de la faim et de l’alimentation et l’envie de fumer. De plus, bien que la science ne soit toujours pas parvenue à confirmer ce fait, l’arrêt de la nicotine pourrait également provoquer un dérèglement hédonique que les scientifiques pensent être lié à une libération déficiente de la dopamine, qui conduit à un état de malaise et une incapacité à ressentir du plaisir. Des effets qu’une seule cigarette ou autre source de nicotine suffit à inverser, ce qui explique les taux élevés de rechute lorsqu’une personne essaie d’arrêter de fumer.
Selon les scientifiques, ces changements dans le cerveau semblent être durables et présenter un risque de rechute pendant des mois, voire des années, après l’arrêt de la consommation de nicotine.
Les auteurs ajoutent qu’en plus des effets directs de la nicotine sur le cerveau, ses actions contribuent également aux réponses conditionnées qui soutiennent la consommation de tabac. Il s’agit notamment d’une sensation de fatigue ou de léthargie, de difficultés de concentration, d’anxiété ou encore de dépression, que toute personne ayant été forcée d’arrêter la nicotine pendant un court laps de temps a dû ressentir. Autant d’effets qu’une nouvelle consommation inverse.
Ainsi, la consommation compulsive de nicotine peut être considérée comme une combinaison de la recherche des effets gratifiants positifs de la nicotine (renforcement positif) et de l’évitement des effets aversifs du sevrage de la nicotine (renforcement négatif), explique l’article.
De plus, un utilisateur régulier de nicotine titre quotidiennement son apport afin d’optimiser le plaisir, l’excitation et l’humeur ressentis, et a tendance à absorber la même quantité de nicotine d’un jour à l’autre. Par exemple, dans le cas d’un changement de cigarette dont le taux de nicotine diffère, le fumeur aura tendance à fumer plus ou moins selon la différence de nicotine, afin de toujours retrouver la quantité dont il a l’habitude et qui lui plaît.
Un fait que les auteurs jugent pertinent pour passer des cigarettes à la vape ou pour
comparer la toxicité potentielle des différents systèmes électroniques délivrant de la nicotine (ENDS).
Tabagisme et vapotage, une absorption de nicotine très différente
Bien que les vaporisateurs personnels soient destinés à imiter l’administration de nicotine d’une cigarette de tabac, les scientifiques expliquent que du fait de la grande variété de cigarettes électroniques dont la conception est parfois très différente, il existe potentiellement beaucoup plus de variabilité dans l’administration de nicotine par ce biais que dans le cas du tabagisme.
Alors qu’une cigarette de tabac contient généralement entre 10 et 15 mg de nicotine, malgré le fait que les fumeurs prennent des bouffées différentes, chaque cigarette libère en moyenne 1 à 1,5 mg de nicotine dans le sang. La majeure partie de la nicotine présente à la base dans la cigarette est ainsi libérée dans l’air par le biais de la fumée secondaire. De plus, puisqu’une cigarette se consume, sa durée de vie est forcément limitée dans le temps, imposant ainsi des limites à l’administration de nicotine par ce biais.
En revanche, concernant la cigarette électronique, de nombreux facteurs peuvent influer sur l’administration de la molécule. Par exemple, la concentration en nicotine dans l’e-liquide, bien sûr, mais également les taux de PG/VG, la température de chauffe de la résistance ou encore la durée de la bouffée.
Tous ces facteurs peuvent permettre d’expliquer en partie les différents types de comportements des vapoteurs. Alors que le matériel de chacun est différent, tous vapoteront différemment afin d’obtenir les effets pharmacologiques qu’ils recherchent à travers la nicotine. Un phénomène d’autotitration que l’on retrouve autant chez les fumeurs que chez les utilisateurs de cigarettes électroniques.
Les auteurs soulignent d’ailleurs que des quantités de nicotine similaires ont été relevées lors d’études chez des vapoteurs utilisant un e-liquide faiblement dosé (3 à 6 mg/ml) et d’autres utilisant des produits plus fortement dosés (59 mg/ml). Des similitudes qu’ils expliquent par le fait que les e-liquides à faible taux de nicotine sont généralement consommés à l’aide de vaporisateurs utilisés à forte puissance, produisant ainsi une grande quantité de vapeur, tandis que les e-liquides plus forts sont consommés à une puissance moindre.
Ils attirent d’ailleurs l’attention des vapoteurs sur le fait qu’utiliser une cigarette électronique à forte puissance présente potentiellement plus de risque que de l’utiliser à faible puissance, de par une température de chauffe du e-liquide plus haute, générant ainsi des niveaux plus élevés de produits chimiques oxydants et de produits de dégradation thermique toxiques.
La cigarette électronique pour arrêter de fumer
Parce que les cigarettes électroniques émettent moins et ont moins de substances toxiques que les cigarettes combustibles, elles pourraient avoir le potentiel de réduire les méfaits ou d’aider au sevrage tabagique si elles sont utilisées comme substitut des cigarettes de tabac, expliquent les auteurs.
Par rapport aux substituts nicotiniques traditionnels, le vapotage est utilisé d’une manière qu’il imite l’expérience du tabagisme, y compris les aspects tactiles et autres aspects sensoriels tels que le hit, contribuant ainsi non seulement aux aspects physiques, mais aussi comportementaux de la dépendance.
Les scientifiques expliquent que bien que les études comparant le taux de sevrage tabagique entre cigarettes électroniques et autres substituts restent rares, les premiers résultats sont pour la plupart favorables.
Cependant, ils rappellent que puisque de nombreux fumeurs qui arrêtent le tabagisme continuent d’utiliser des cigarettes électroniques, des incertitudes subsistent quant aux avantages à long terme. Par contre, les auteurs soulignent que le passage du tabagisme à des cigarettes électroniques moins nocives à long terme réduirait probablement le risque de maladie liée au tabagisme et serait une alternative acceptable par rapport avec une consommation régulière de cigarettes de tabac.
Vapotage et santé
Afin de mesurer les effets sur la santé du vapotage, il convient de les comparer à ceux du tabagisme.
La fumée de cigarette est un mélange complexe de plus de 7 000 produits chimiques, notamment des produits chimiques oxydants, des composés organiques volatils, du monoxyde de carbone, des particules carbonées, des métaux et de la nicotine. Par rapport à la fumée de cigarette, les aérosols du vapotage contiennent beaucoup moins de produits chimiques, notamment du propylène glycol, de la glycérine végétale, des oxydants beaucoup plus faibles et des composés organiques volatils, peu ou pas de monoxyde de carbone, des particules liquides de toxicité inconnue, certains métaux, de la nicotine et des arômes chimiques.
Il est important de noter que la nature de l’aérosol est fortement influencée par la température de chauffage des liquides, rappelle le rapport.
Il souligne également un fait déjà relevé la semaine dernière lors d’un rapport rédigé par 15 experts antitabac de renom : les études précliniques exposant des cultures cellulaires ou des animaux à des niveaux élevés d’aérosols du vapotage avec des programmes d’exposition très différents des expositions humaines peuvent ne pas refléter les effets à long terme de l’utilisation d’une cigarette électronique chez l’Homme.
Concernant les risques cardiovasculaires à long terme du vapotage, les scientifiques indiquent que peu d’études épidémiologiques s’y sont intéressées en raison de la récente entrée des e-cigarettes sur le marché. Les résultats, principalement issus d’études transversales, présentent de sérieux problèmes méthodologiques et sont contradictoires en ce qui concerne le risque cardiovasculaire. De plus, bien que certaines études précliniques aient montré que les dommages cardiovasculaires causés par les cigarettes électroniques sont biologiquement plausibles, à l’heure actuelle, le risque dans la population humaine est incertain.
En revanche, les auteurs notent que quelques études ont fourni des preuves des avantages cardiovasculaires potentiels du passage à la cigarette électronique chez les fumeurs adultes. Preuves qu’ils ne remettent pas en question.
Conclusions
Les auteurs présentent leur conclusion dans le tableau ci-dessous, dont nous vous proposons la traduction des éléments principaux.
- Les cigarettes électroniques libèrent un aérosol qui peut être rapidement inhalé et absorbé, agissant rapidement sur le cerveau, que l’on peut comparer à celui produit par le tabagisme. Il permet d’obtenir la sensation de récompense souhaitée par l’utilisateur sans exposition aux produits nocifs de la combustion du tabac.
- La satisfaction ressentie lors du vapotage est dépendante de la quantité de nicotine présente dans l’e-liquide.
- La quantité de nicotine délivrée par la cigarette électronique dépend de la concentration en PG/VG du e-liquide, de la quantité de nicotine présente, de la puissance d’utilisation du vaporisateur personnel, la température de la résistance ainsi que les bouffées inhalées.
- Les e-liquides à faible quantité de nicotine nécessitent de l’utilisateur qu’il inhale une plus grande quantité d’aérosol générée à de plus fortes températures, augmentant ainsi l’exposition aux produits chimiques oxydants et à divers produits toxiques de dégradation thermique.
- Dans le cas de la consommation d’e-liquide à haute teneur en nicotine, c’est le contraire qui se produit. Une puissance et une température plus basse sont nécessaires afin d’obtenir la quantité de nicotine désirée, réduisant ainsi l’exposition aux produits potentiellement toxiques.
- Les cigarettes électroniques peuvent favoriser le sevrage tabagique. Un arrêt du tabac réussi est associé à l’utilisation régulière d’un vaporisateur personnel qui fournit des niveaux élevés de nicotine.
- En raison de l’absence de combustion, les cigarettes électroniques exposent les utilisateurs à des niveaux de substances toxiques bien inférieurs à ceux de la cigarette de tabac.
Pour le docteur Colin Mendelsohn, médecin généraliste et spécialiste de l’aide au sevrage tabagique depuis près de 30 ans, à travers ce rapport, le guru a parlé.
(1) Benowitz NL et al. Clinical Pharmacology of Electronic Nicotine Delivery Systems (ENDS). American College of Clinical Phrmacology, 2021 (au format PDF)
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