La fin novembre annonce la fermeture programmée des groupes du « mois sans tabac ». Ce qui est logique, parfaitement logique, quand on sait que cet événement dure le mois de novembre, et uniquement le mois de novembre. Ce qui est absurde, parfaitement absurde, quand on veut vraiment obtenir des résultats. Entre peur et réappropriation, quel avenir ?

Bis est gratum, quod opus est vitro si offeras.

Le mois sans tabac, la fin est proche

L’opération « Mois sans tabac » touche à sa fin, et, comme l’avait laissé entendre Tabac Info Service, les groupes seront fermés ou mis en veille dès le premier décembre. Ce qui semble logique, lorsqu’on sait qu’ils ont été mis en place pour le Mois Sans Tabac, accompagnent l’opération et prennent donc fin avec elle.

Mais en réalité, c’est absurde. Totalement absurde, parce que toute personne s’étant un jour penchée sur le problème du sevrage sait très bien qu’on ne peut pas dire à quelqu’un « Voilà, on est une date sur le calendrier, votre problème est réglé ». Impossible d’affirmer qu’une personne est délivrée au bout de trente jours de Mois Sans Tabac, et on ne parle même pas de ceux qui prennent l’opération en route. Le 22 novembre, à l’heure où j’écris ces lignes, il y a encore des fumeurs qui s’inscrivent.

Parce que le problème n’est pas l’arrêt du tabac. Vous connaissez tous la blague « Arrêter de fumer, c’est facile, personnellement, j’arrête trente fois par jour ». Tout le problème réside dans la récidive. Stress, déprime, tentation, les occasions de rependre la cigarette sont nombreuses, et le danger ne disparaît jamais vraiment. On a tous croisés un jour quelqu’un qui nous as dit « Je comprend pas, j’ai arrêté de fumer pendant dix ans, et un jour, je sais pas pourquoi, j’ai repris ».

Et paradoxalement, au lieu de mettre en place une solution pérenne, un groupe d’accompagnement, de conseils et de motivation, les équipes Tabac Info Service créent eux-même les conditions d’une rechute : l’angoisse de personnes qui ont trouvé dans ces groupes ce qu’il leur manquait pour arrêter et qui, du jour au lendemain, se retrouvent sans leur béquille. Seuls.

Ce n’est pas tout à fait exact, si on veut être honnête : une ligne téléphonique et un suivi de tabac Info Service seront mis en place. Mais une ligne téléphonique et quelques prospectus sur papier glacé ne remplaceront pas l’entraide et la convivialité des groupes. Et surtout, cette rupture de la solitude, grâce aux échanges des défumeurs avec des personnes qui vivent ou ont vécu la même chose qu’eux.

Logique administrative versus espoir

Ce n’est pas voulu par Tabac Info Service : loin de nous l’idée de jeter la pierre à cet organisme qui lutte activement contre le tabac, et même si nous sommes de temps à autres en désaccord avec certaines positions, nous ne remettons pas en cause la sincérité de leur engagement. Tabac Info service n’est pas seul en cause, c’est toute la chaîne du Mois Sans Tabac qui est prise dans une logique purement comptable. Une pensée administrative, théorique, qui cale des dates sur le calendrier et s’y tient, sans prendre en compte toute la complexité du facteur humain.

Paradoxalement, c’est ce facteur humain si fragile d’où pourrait provenir l’espoir. Dans de nombreux groupes, la suite s’organise, non pas à l’initiative de Tabac Info Service, mais des membres eux-même.

Le statut du groupe des vapoteurs est un peu à part : dès le début, il a été convenu qu’il serait géré par des équipes de bénévoles, contrairement aux autres, administrés par une société de communication mandatée par les responsables de l’opération, et les administrateurs ont dores et déjà annoncé qu’ils ne « laisseraient pas tomber » les plus de quatre mille membres du groupe. Une continuité annoncée, bénévole et désintéressée : si la « communauté de la vape » existe vraiment, alors je veux qu’elle ressemble toujours à cela.

Mais dans d’autres groupes, des initiatives individuelles sont également annoncées. Il y aura certainement des jonctions et des fusions de groupes sur de nouvelles pages, mais peu importe, finalement, que les Zen se retrouvent avec les Parents etc… L’essentiel, c’est qu’il y ait une continuité.

Néanmoins, il y aura certainement des petits malins qui essaieront de récupérer, en jouant sur les mots ou les orthographes, les orphelins des groupes du MST. A des fins commerciales, avec des pratiques pouvant frôler l’escroquerie. Ces parasites sont, en réalité, déjà en oeuvre. Le travail des bénévoles sur les groupes “de relève” comportera une part non négligeable de lutte et de dénonciation de ces groupes.

Le mur de la trahison

Ce dont ont besoin les fumeurs qui souhaitent se délivrer, ce n’est pas d’une colonne de calendrier. C’est d’être écoutés, conseillés, de pouvoir dire « J’ai craqué » et de s’entendre répondre « Ne t’inquiète pas, ça arrive, on va t’aider », c’est de pouvoir dire fièrement « Je n’ai pas touché une clope depuis une semaine, je suis fier » ou juste de poster une photo de ses cookies sortis du four, faits pour penser à autre chose qu’à la clope.

Futile ? Certainement, et c’est bien, parce que c’est dans la futilité que se trouve le réconfort, et pour beaucoup, c’est dans le réconfort que se trouve la clef. Nous sommes bien d’accord : trouver un groupe fermé le premier décembre au matin est tout sauf réconfortant.

Normalement, Tabac Info Service devrait se réjouir de ces initiatives qui prendront la suite des groupes Facebook du Mois Sans Tabac, même s’il eût été plus simple, finalement, de donner les clefs aux locataires pour les féliciter d’avoir si bien tenu la maison. C’est dommage quand même, parce qu’il y en aura qui se perdront en route.

Mais cette fin brutale d’une initiative positive et productive nous laisse sur notre faim, comme si on voyait un allié déserter le champ de bataille juste avant la victoire. Cette ultime ligne droite du Mois Sans Tabac 2017 laisse un goût de lâches heures, où les statistiques sont bonnes mais où on ne se soucie pas de ce qui adviendra ensuite. Ce n’est peut être pas une trahison, mais une attitude qui ressemble à du désintérêt.

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