Une enquête conduite pour Public Watch dénonce la toxicité supérieure des cigarettes vendues dans le pays. Une stratégie qui pourrait s’expliquer par la volonté des cigarettiers de vendre plus dans certains pays émergents, afin de compenser la perte de vitesse du marché dans les pays les plus riches.

Jusqu’à 2 fois plus de composés nocifs

Chaque année, le tabagisme est responsable de plus de 7 millions de décès à travers le monde. Mais si des cigarettes sont fumées de partout sur la planète, ses habitants fument-ils pour autant les mêmes ? Non, selon une enquête diligentée en 2019 par Marie Maurisse, journaliste d’investigation indépendante pour Public Eye, association luttant « pour un monde plus juste par l’amélioration des relations politiques et économiques entre la Suisse et les pays en développement ».

Tout commence lors d’un voyage de la journaliste à Casablanca, au Maroc. Alors que la vie suit son court, Marie ne peut s’empêcher de remarquer qu’ici, tout le monde fume des Winston, des Camel ou des Marlboro, made in Switzerland. Selon Ibtissam, jeune femme installée au café du coin, ces cigarettes représentent un « gage de qualité ». Elles sont meilleures que les marocaines, explique-t-elle.

Curieuse, la journaliste décide alors de faire tester ces cigarettes suisses, vendues partout dans le pays. Elle contacte l’Institut de Santé au Travail, à Lausanne, qui dépend du CHUV et fait partie du réseau de laboratoires validés par l’OMS.

Les chercheurs ont analysé pas moins de 30 paquets de cigarettes, provenant de France, de Suisse, et du Maroc. Le but : détecter le taux de nicotine, de goudron, et de monoxyde de carbone, présent dans chacun des bâtonnets de tabac étudiés.

Et les résultats sont pour le moins étonnants.

En effet, alors qu’un échantillon de Winston acheté en Suisse comporte 10,5 mg de particules totales par cigarette, celui acheté au Maroc culmine à 16,31 mg. Même son de cloche à propos de la nicotine contenue, avec 0,75 mg pour des Camel suisses, et 1,28 mg pour celles vendues au Maroc. Enfin, une Winston marocaine, pourtant fabriquée en Suisse, contient 9,62 mg de monoxyde de carbone, alors qu’elle n’en contient « que » 5,45 mg à Lausanne.

Plus inquiétant encore pour l’organisation, dans certains cas, les taux mesurés étaient supérieurs à ceux affichés sur le paquet. Par exemple, alors que les Winston marocaines contiennent 1,5 mg de nicotine, leur étiquette indique pourtant qu’elles n’en sont pourvues que d’1 mg.

Et selon de nombreux spécialistes, plus la dose de nicotine est haute, plus la dépendance à la substance est forte.

Le cynisme n’a pas de frontières

Selon Public Watch, cette stratégie n’a qu’un seul but : permettre aux cigarettiers de vendre toujours plus de cigarettes dans les pays émergents, qui n’ont pas forcément les moyens de lancer de vastes campagnes de prévention comme en Europe par exemple. Continent où la vente de tabac ne cesse de diminuer depuis plusieurs années.

Un fait qui semble se vérifier de par le double discours tenu par l’industrie du tabac. Alors que dans les pays riches, elle ne cesse de dénoncer les effets néfastes du tabac, ailleurs dans le monde, elle se bat quotidiennement contre les mesures destinées à en faire diminuer la consommation.

Il n’y a qu’à voir les nombreux appels à la défume lancés par Philip Morris International (PMI) en Europe, lorsqu’en Urugay par exemple, ce même cigarettier dépensait il y a peu, 24 millions de dollars lors d’un procès contre le pays, destiné à s’opposer à l’utilisation de mises en garde sanitaires sur les paquets.

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