Il aura fallu attendre presque trois ans pour qu’une étude puisse enfin contredire les conclusions des chercheurs de Portland sur le formaldéhyde. L’histoire qui remonte à 2015, avait fait beaucoup de tord à la vape.
La cigarette électronique 5 à 15 fois plus que cancérigène que le tabac
On se rappelle de ce type titre, repris par de nombreux journaux en 2015, comme l’un des pires moment médiatique de la vape.
L’étude de référence est en fait celle de Jensen et Al., chercheurs à l’université de Portland aux États-Unis, qui avait fait grand bruit dans la presse généraliste début 2015. La principale conclusion utilisée par les médias fut que la vapeur d’une cigarette électronique présentait un risque de cancer plus élevé que la cigarette de tabac, comme l’avait par exemple fait avec brio Le Parisien. A l’époque cette couverture médiatique avait suscité de vives réactions dont celle de Clive Bates, Konstantinos Farsalinos bien sûr, mais aussi Bertrand Dautzenberg, mais le tort était fait. Le début de l’année, généralement très propice à l’arrêt du tabac chez de nombreux fumeurs, avait alors été entachée par cette annonce très alarmiste.
Les auteurs de cette étude controversée avaient en fait utilisé deux tensions différentes (3,3 V et 5 V) sur un modèle de cigarette électronique classique de l’époque (atomiseur CE4 sur une batterie Innokin iTaste VV et du e-liquide Halo Café Mocha en 6mg/ml) et avaient trouvé du formaldéyde en grande quantité dès le seuil des 5 V dépassé.
Les critiques de cette étude avaient mis en avant le rôle primordial des dry puffs dans la production de formaldéhyde. Le Dr Farsalinos avait rapidement publié un “papier de recherche” dans la revue Addiction qui montrait que ces émissions de formaldéhyde était associées aux “dry puff” phénomène qui rend le vapotage impossible. Aucune référence scientifique validée n’existait pour le moment. Ce n’est que le 31 août 2017, soit deux ans et demi après, qu’un solide argument arrive enfin pour contredire l’étude de Portland.
Farsalinos et ses collègues ont donc décidé de reproduire à l’identique l’étude de Jensen. Voici leur conclusions :
- Le formaldéhyde est produit par une dégradation thermique dans les cigarettes électroniques.
- Les bouffées sèches (dry hits ou dry puffs) résultent d’une surchauffe de la résistance et créent un goût désagréable que les utilisateurs évitent.
- Dans des conditions réalistes, la quantité de formaldéhyde dans les e-cigarettes est inférieure à celle que l’on trouve la fumée de cigarettes.
- Des niveaux élevés de formaldéhyde peuvent être produits dans des conditions irréalistes de vapotage (dry puff).
- Les bouffées sèches doivent être évitées en laboratoire.
La réplication exacte de l’étude de Jensen et Al. démontre que les taux élevés de formaldéhyde peuvent être trouvés en laboratoire, mais que des tels niveaux sont causés par les dry puffs, “conséquence d’une surchauffe du e-liquide qui ne correspond pas à une situation réelle de vapotage” explique Farsalinos. Le chercheur grec rappelle également qu’une autre étude plus récente, celle de Sleiman et al. en 2017, doit également être reproduite pour les mêmes raisons.
Le phénomène des dry puffs a été identifié par 8 participants dès 4 V (7,3 W), par 15 autres à 4,2 V (8 W) et 3 à 4,4 V (8,4 W). 88 % des participants à l’étude détexaient des bouffées sèches à 4,2 V, c’est pourquoi 4,0 V a été défini comme la limite supérieure d’utilisation réaliste.
La vapeur capturée pour mesurer les niveaux de formaldéhyde a également été comparée à la fumée de cigarettes en suivant le même protocole que celui de l’étude de Portland.
Au niveau maximal de 4 V, le niveau d’exposition au formaldéhyde était de 1005,4 μg / 3 g de e-liquide, soit 32% de moins que 20 cigarettes de tabac fumées. À 5 V, une tension irréaliste pour un vapoteur sur ce type de matériel, le niveau était de 27151,5 μg / 3 g de liquide, soit 18,3 fois plus élevé que 20 cigarettes de tabac fumées.
Rétractation
Des experts avaient adressé au NEJM des demandes de rétractation de l’étude de Jensen et al. Selon l’équipe grecque, cette nouvelle étude vient en renfort de cette demande. Elle démontre en effet que “tester aveuglément des cigarettes électroniques en laboratoire sans en évaluer l’utilisation réaliste est une omission grave qui peut mener à des conclusions trompeuses sur le risque pour les consommateurs par rapport au tabagisme“.