Une équipe de 25 chercheurs a souhaité reproduire 3 études réalisées par Big Tobacco.

Peut-on faire confiance au grand méchant loup ?

Ce n’est un secret pour personne, l’industrie du tabac fait désormais partie du paysage de la vaposphère. Voyant plusieurs millions de ses clients à travers le monde partir afin de passer à la cigarette électronique ou au tabac chauffé, Big Tobacco, au cours des dernières années, s’est de plus en plus intéressé à la réduction du risque tabagique, jusqu’à en devenir l’un des acteurs. Qu’importe ce que l’on pense de cette incursion ou de sa légitimité, un fait ne peut pas être contesté : les fabricants de tabac possèdent des moyens financiers que n’ont pas les acteurs du vapotage. Des milliards parfois utilisés afin de conduire des recherches scientifiques destinées à étudier les différences de toxicité entre vapotage, tabagisme, et produits du tabac chauffé. Autant d’analyses dont l’honnêteté des conclusions peut être remise en cause au vue de l’évident conflit d’intérêt qu’elle implique. 

Il y a quelques jours, une équipe composée de 25 chercheurs, dont Riccardo Polosa, bien connu pour ses travaux sur la cigarette électronique, a publié une nouvelle étude (1) destinée à reproduire 3 analyses scientifiques clés (2, 3, 4) sur la vape réalisées par l’industrie du tabac. Les auteurs indiquent que son but était de vérifier les résultats en reproduisant les approches méthodologiques rapportées et ainsi évaluer la fiabilité des mesures et la robustesse des conclusions. Plusieurs laboratoires indépendants ont été contactés afin de réaliser les nombreuses mesures nécessaires à cette vaste opération.

Pour la bonne compréhension de cet article, nous ne rentrerons pas dans les détails de chacune des études reproduites puisque ces dernières s’intéressaient à la cytotoxicité induite par la fumée de tabac et les aérosols de cigarettes électroniques sur un modèle de cellules épithéliales des voies respiratoires, sujet souvent complexe à appréhender. 

Résultats de l’une des études reproduites : performances du laboratoire pour l’exposition à tous les produits de l’étude. (A) Mesures de la viabilité des cellules NRU, et (B) mesures de la variabilité pour chaque produit d’essai. Les valeurs ont été mesurées à cinq bouffées pour 1R6F, 25 bouffées pour Vype eStick, 10 bouffées pour Vype ePen 3, huit bouffées pour glo PRO et sept bouffées pour IQOS 3 DUO. Abréviations : S, écart global de tous les laboratoires ; SB, écart interlaboratoire entre les moyennes ; Sr, écart intra-laboratoire de répétabilité ; SR, écart interlaboratoire de reproductibilité. Les graphiques ont été générés avec R version 3.4.3 (2017-11-30) et édités en utilisant le programme de manipulation d’images GIMP (version 2.10.14).

Résultats

La première étude s’intéressait à la cytotoxicité et l’inflammation de la fumée de cigarettes par rapport à la vapeur. Ses conclusions indiquaient que la cytotoxicité aiguë est principalement due aux effets des composants volatils de la fumée de cigarette sur les cellules de l’épithélium pulmonaire. Autrement dit, la vapeur d’une cigarette électronique était moins toxique que la fumée d’une cigarette. Des résultats qui ont été confirmés lors de la reproduction de la recherche.

Les résultats de la seconde étude indiquaient quant à eux que la vapeur d’une e-cigarette n’impliquait aucune toxicité pour les poumons. Des résultats qui ont, là encore, été confirmés lors de la reproduction de l’étude

Enfin, la troisième et dernière étude s’intéressait à la différence de toxicité entre les produits du tabac chauffé (THP) et la fumée de cigarettes. Exceptionnellement, lors de la reproduction de cette recherche, les scientifiques ont ajouté une comparaison directe des e-cigarettes aux THP, non incluse dans les études originales. Dans la conclusion de cette étude, les chercheurs indiquaient que l’aérosol des e-cigarettes était 97 % moins cytotoxique que la fumée de cigarette (…) et déposait 70 % moins de nicotine. Des résultats une nouvelle fois confirmés par Polosa & Cie

Les scientifiques notent ainsi : 

« Selon nous, cette étude de réplication peut lever les doutes sur les résultats et la bonne exécution de ces trois études pertinentes d’Azzopardi et al. (2015, 2016) et de Jaunky et al. (2018). Nos résultats soutiennent le potentiel réduit des e-cigs par rapport aux cigarettes conventionnelles dans un modèle in vitro de cellules épithéliales bronchiques ».


(1) Caruso, M., Emma, R., Distefano, A. et al. Electronic nicotine delivery systems exhibit reduced bronchial epithelial cells toxicity compared to cigarette: the Replica Project. Sci Rep 11, 24182 (2021). https://doi.org/10.1038/s41598-021-03310-y

(2) Azzopardi, D. et al. Electronic cigarette aerosol induces significantly less cytotoxicity than tobacco smoke. Toxicol. Mech. Methods 26, 477–491. https://doi.org/10.1080/15376516.2016.1217112 (2016)

(3) Azzopardi, D. et al. Evaluation of an air-liquid interface cell culture model for studies on the inflammatory and cytotoxic responses to tobacco smoke aerosols. Toxicol. In Vitro 29, 1720–1728. https://doi.org/10.1016/j.tiv.2015.06.016 (2015)

(4) Jaunky, T. et al. Assessment of tobacco heating product THP1.0. Part 5: In vitro dosimetric and cytotoxic assessment. Regul. Toxicol. Pharmacol. 93, 52–61. https://doi.org/10.1016/j.yrtph.2017.09.016 (2018)

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