Le rapport plutôt négatif du Haut Conseil de la santé publique au sujet du vaporisateur a très souvent été cité dans les médias ces dernières semaines. A treize jours de l’annonce du nouveau plan Santé, nous revenons aujourd’hui sur la position de l’une des sources d’information les plus influentes en matière de santé publique.
Le HSCP, c’est quoi au juste ?
Selon l’article L. 1411-2. du Code de la santé publique “la loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique de santé publique“, et pour ce faire elle s’appuie notamment sur les recommandations et analyses du Haut Conseil de la santé publique (HCSP).
Cette instance d’expertise peut être alors être consultée “par les ministres intéressés, par les présidents des commissions compétentes du Parlement et par le président de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé“.
Autrement dit, le HCSP a beaucoup de poids dans les prises de décisions politiques liées à notre santé. A l’approche de l’annonce du nouveau plan Santé de Marisol Touraine, dont les grandes lignes devraient être présentées le 17 juin prochain, la cigarette électronique a donc naturellement fait l’objet d’une étude particulière.
Le risque de passerelle vers le tabagisme chez les jeunes une nouvelle fois mis en avant
Sous la demande de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), le HSCP a donc publié le 31 mai dernier (journée mondiale sans tabac) un résumé qui explique sa position sur la cigarette électronique. Principalement basé sur des craintes, le rapport de cette instance d’expertise met en avant le traditionnel risque de passerelle vers le tabagisme chez les jeunes, pourtant maintes fois écarté par plusieurs études, dont une récemment conduite en France par le professeur Dautzenberg.
Dans son analyse le HCSP explique avoir pris en considération les points suivants :
- Le risque très élevé lié à la consommation de tabac
- La diminution des quantités de tabac vendues par les buralistes de 6,2 % en 2013
- Le faible niveau d’efficacité dans le sevrage tabagique
- Les arguments de l’e-cigarette comme un outil de réduction des risques du tabagisme.
- Les effets de la nicotine sur la santé
- La faible toxicité, a priori, des autres produits contenus dans l’e-cigarette
- Certaines formes de toxicité aiguë
- Les niveaux d’expérimentation de l’e-cigarette chez les plus jeunes
- Les stratégies marketing de l’e-cigarette
- Le rachat des entreprises des e-cigarettes par l’industrie du tabac
- Le prix d’achat de l’e-cigarette et des recharges d’e-liquide
- La nouvelle directive européenne sur les produits du tabac
- Les réglementations en vigueur aux Etats-Unis et dans les pays de l’Europe occidentale
Des conclusions issues de cette étude bibliographique, le principal message d’avertissement envoyé par le HSCP se résume au risque de passerelle. Formulé plus précisément comme “le risque d’entrée en addiction nicotinique des adolescents et leur détournement vers le tabagisme“, les bases de cet avis ont mené le HSCP à définir quatre grands axes d’actions concernant le vaporisateur en France :
- L’observation périodique des niveaux et modes de consommation de l’e-cigarette.
- L’information publique des consommateurs sur les risques ou sur la méconnaissance des risques.
- La communication sur l’interdiction de vente aux mineurs des e-cigarettes et sur le risque du vapotage pour la femme enceinte.
- Un contrôle périodique de la présence de nicotine et de sa concentration dans les e-liquides.
- La mise en place de mesures pour contrer la « renormalisation » de la consommation de nicotine inhalée ou fumée.
Il est intéressant de noter que, même si ce rapport propose une vision très critique de l’e-cigarette, le concept de réduction des risques semble avoir été intégré officiellement dans le discours politique.
Le HSCP précise en effet que “pour les fumeurs ayant envie d’arrêter, la consommation d’e-cigarette est un outil de réduction des risques lorsqu’il amène au sevrage“. L’information publique suggérée par le haut conseil pourrait permettre de “positionner l’e-cigarette parmi tous les autres moyens de sevrage tabagique à disposition” et de “représenter un intérêt dans un parcours de sevrage“.
Concernant les bénéfices sanitaires le HCSP précise qu’en cas “d’usage exclusif de l’e-cigarette en substitution du tabac chez les fumeurs, les bénéfices sont clairement la fin de l’intoxication aux goudrons, aux carcinogènes et autres produits toxiques présents dans le tabac fumé. On est ici dans une logique de réduction des risques.”
Concernant la publicité le discours du HCSP colle parfaitement aux précédent propos de Marisol Touraine et propose de “prendre des mesures pour contrer la potentielle renormalisation de la consommation de nicotine inhalée ou fumée” et d’interdire par conséquent la publicité “selon les mêmes modalités que le tabac“.
On notera enfin le néologisme employé par le HSCP qui définit le double usage ecig / tabac comme étant l’acte des “vapofumeurs”, un comportement dont l’analyse bénéfices-risques ne peut être pour le moment établie selon l’organisme, faute d’une bibliographie scientifique trop maigre.
La dizaine de jours qui nous sépare désormais des nouvelles annonces ministérielles concernant le vaporisateur va être le terrain d’une guerre informative intense et ce document va très certainement jouer un rôle prépondérant. Espérons dès lors que les récentes prises de positions scientifiques en faveur du produit puissent correctement peser dans la balance.