Et si on parlait un peu d’amour ? Puisque la Saint-Valentin n’est pas si loin derrière, nous nous sommes posé une question : est-ce que le vapotage peut gêner les rencontres ? Quelles positions ont les sites de rencontre sur le sujet ? Décryptage en mode romantique.
Watts is in the air
Par exemple, cette annonce parue en mars 1915 dans L’Écho de Paris, précisant “Monsieur 49 ans, seul, sans famille, situation 4 000 francs, non-fumeur, désire rencontrer dame d’intérieur, situation en rapport”. Il est déjà bien précisé que le prétendant ne fume pas, contrairement à son voisin du dessus, “Monsieur 47 ans, seul, bonne situation et emploi, épouserait dame, âge et situation en rapport”, sans autre précision.
D’ailleurs, chanceuses sont les dames qui ont préféré le non-fumeur, puisque l’autre Monsieur s’appelait Henri Désiré Landru.
Si l’on sait depuis longtemps que le tabac est un repoussoir pour certaines personnes, qu’en est-il de la vape ? La première chose à faire était de vérifier si les sites de rencontres font une distinction à l’entrée.
Les deux plus gros sites en France, Meetic et AdopteUnMec, ont une politique bien différente. À l’inscription, chez Meetic, on va simplement vous demander si vous êtes fumeur ou non. La question est facultative, et il n’est pas question de vape.
Chez AdopteUnMec, aucune question à ce sujet à l’inscription, ce n’est que plus tard, si vous choisissez de compléter votre fiche (le site précise que c’est facultatif, mais vivement recommandé), qu’une rubrique “Plaisir coupable” vous demandera de préciser si vous fumez ou si vous vapotez. Boire, fumer, vapoter, manger du chocolat, tout cela est au même niveau.
Pour Tinder, ce n’est pas demandé à l’inscription, mais on peut spécifier sur son profil si on est fumeur, occasionnel ou régulier.
Nous avons cherché à joindre les principaux sites pour savoir s’ils avaient des études ou une politique particulière sur le sujet. Aucune réponse de Tinder ou d’AdopteUnMec. Plus amusant, en revanche, a été notre contact avec Meetic. Très gentiment, le service contacté nous a informés qu’il n’était pas capable de nous apporter la réponse, et nous a donné l’adresse d’un autre service, très aimablement, lequel autre service, après s’être à son tour déclaré incompétent sur le sujet, nous a envoyé un lien vers… leurs offres d’emploi. Meetic recrute, sachez-le, au cas où.
Des amours fumeuses
Par acquit de conscience, nous avons poussé notre recherche jusqu’à FetLife, site de rencontre/réseau social des “sexualités alternatives”, notamment des communautés sado-masochistes et fétichistes, et un administrateur nous a répondu : “Chez nous, la vape et le tabac sont des kink comme les autres”. Un kink est une préférence sexuelle qui peut être vue comme déviante. Revenons au sujet, et faites attention à votre imagination.
Par contre, les nombreux sites que nous avons découverts durant la phase de recherche entrent-ils dans le domaine des sites de rencontres ou du kink ? Ce n’est pas une nouveauté, les sites de rencontres par affinités existent. Et pas seulement en fonction de l’âge ou des préférences sexuelles. Il existe des sites de rencontres entre catholiques, entre protestants, entre musulmans, entre juifs, il en existe pour les fans de musique metal ou rap, pour les fans de sports, et même un site qui vous propose des rencontres en fonction de vos opinions politiques. Pour ce dernier, on espère que l’algorithme est bon, sinon les échanges peuvent être animés.
Et il y a les sites de rencontres de fumeurs. Réservés uniquement aux personnes qui fument, oui. Tous ceux que nous avons trouvés étaient américains, mais accessibles depuis le monde entier. Et si certains étaient ouverts aux vapoteurs, d’autres au contraire précisaient qu’ils ne sont pas les bienvenus. Grand bien leur fasse, s’ils veulent fumer les yeux dans les yeux, au moins, “jusqu’à ce que la mort nous sépare”, ce sera moins long pour eux que pour les autres.
Les histoires d’amour finissent mal…
Restait à vérifier si tout cela avait réellement des applications concrètes sur le terrain. Par le biais d’amis d’amis et par un appel à témoignage, nous avons pu recueillir quelques expériences. Assez de journalisme, place à l’amour. Après avoir changé, à leur demande, les prénoms de nos témoins.
Parfois, ça se passe tout simplement, comme l’explique Auguste : “Je commence à discuter avec une fille sur Adopte, et un jour, nous passons en visio. Je ne lui avais jamais parlé de la vape que je consomme au quotidien depuis mon arrêt du tabagisme il y a des années. La conversation devenant stimulante, je décide de tirer discrètement une taffe à l’écran, en me disant ‘de toute manière, elle le saura tôt ou tard’, comme si de rien n’était. La fille voit tout de suite ma vape et me dit : ‘Ah ouf, tu vapotes, attends, je vais chercher la mienne alors’”.
En revanche, parfois, tout ne se passe pas comme espéré. “J’avais rendez-vous avec un homme avec qui je discutais sur un site de rencontre, témoigne Lucie. Il m’avait précisé qu’il ne supportait pas les fumeuses. Ça fait cinq ans que j’ai arrêté de fumer grâce à la vape, et un an que j’ai arrêté la vape elle-même. Lorsqu’on s’est retrouvés, il m’a dit que je fumais toujours et que j’étais une menteuse. À cause, selon lui, de la couleur de mes dents.” Il est très très impoli de juger les qualités morales en fonction de la couleur supposée de ses dents. En revanche, rien n’empêche de juger une personne sur son éducation. Ou l’absence de celle-ci, comme ce monsieur.
Des gens qui ne supportent pas le tabac, c’est fréquent. D’autres qui ne supportent pas la vape, ça arrive, mais souvent, c’est à cause de préjugés et de mauvaises informations. À condition d’être cohérent, pas comme le prétendant de cette jeune femme.
“J’ai rencontré un homme formidable, simplement, il ne supporte ni les fumeurs, ni les vapoteurs. Quand ça a commencé à devenir sérieux entre nous, il m’a demandé d’arrêter la vape, ce que j’ai fait, mais ça n’a pas été facile”, raconte Catherine. “C’est devenu sérieux au point qu’il m’a invitée chez lui pour me présenter ses enfants, deux ados. Tous les deux en train de vaper sur des atomiseurs immenses qui font des nuages énormes, avec de la nicotine, j’ai vérifié. Quand je l’ai confronté à ce sujet, il m’a répondu que : ‘ce n’est pas pareil, ce sont des jeunes, il faut bien qu’ils s’amusent.’ Je me suis réinscrite sur le même site de rencontre, sans rancune.”
Catherine précise que, désormais, quand elle discute avec un homme qui lui dit ne pas supporter la vape, elle le blackliste sans autre forme de procès. Un petit peu de rancune quand même, donc, mais méritée, certainement.
… En général
Nous vous parlions tout à l’heure de rencontres par affinités. Elles existent, et même sur des sites non spécialisés. Kilian en a fait les frais.
“J’ai rencontré une fille sur AdopteUnMec. Mon profil insistait sur le fait que j’étais très sportif, et précisait que j’étais non-fumeur après avoir arrêté. Cette jeune femme a le même profil. On discute, tout va très bien, jusqu’au moment où je lui dis que je suis vapoteur. Et elle, de me faire un discours sur le fait que c’est pareil que d’être fumeur. Donc, mon argument massue : non, ce n’est pas pareil, d’ailleurs mes performances sportives sont équivalentes à celles d’un non-fumeur. Elle a décidé de me laisser une chance et de m’accorder un premier rendez-vous. Sur un terrain de sport, pour pouvoir vérifier ça…” Bon, les deux tourtereaux sont sortis ensemble quelque temps par la suite, mais ça n’a pas fonctionné.
Mais, et c’est plus rare, l’amour peut conduire à la vape pour arrêter le tabac. “Une anecdote peut-être un peu hors sujet, explique cet anonyme, sur la façon dont je suis devenu vapoteur. J’avais arrêté la clope depuis six ans, à la volonté, sans rien. Dans ma boîte, j’ai flashé sur une jeune femme, qui allait fumer à la pause. J’ai repris le tabac afin d’avoir un prétexte pour sortir en même temps qu’elle. Une semaine, je ne la vois pas aux pauses, puis je la croise à la sortie du travail. Je me lance et lui propose de sortir boire un verre. Elle me répond qu’elle vient d’arrêter de fumer avec l’e-cigarette et que l’odeur de la clope l’indispose.” Pour finir, il a arrêté la cigarette, lui aussi grâce à la vape… Et s’est fait friendzoner par la demoiselle.
Mais nous ne pouvions pas finir cette série de témoignages sur une note douce-amère. Parce que, parfois, dans une rencontre, la vape est une alliée involontairement précieuse. “Je suis très timide, explique Coralie. Mais quand je dis très, c’est très, et maladroite socialement. J’ai eu plein de rendez-vous, suite à des matchs sur les sites de rencontres. Mais ils n’ont rien donné, parce qu’au moment où il fallait faire ou dire quelque chose, je n’osais pas. Un jour, rendez-vous avec un garçon qui me plaisait. On va boire un verre, ça se passe bien, il me propose de m’inviter dans un petit restaurant qu’il connaît et la soirée se passe super bien. En sortant du resto, l’ambiance est douce, il me propose d’aller marcher un peu en bord de mer.”
Parfait, donc ? Non. “Mais à ce moment, il se rend compte, désolé, que la batterie de sa vape est vide et qu’il n’en a pas d’autre. Il m’explique, navré, qu’il est en plein sevrage tabagique, et que ça tombe mal, mais, devant mon air déconfit, il me dit qu’il va évidemment faire l’effort pour moi, avec un grand sourire sincère. Et là, je lui dis que non, il ne faut pas prendre ce risque, j’habite à deux pas, je lui propose d’aller chez moi recharger sa vape. Ce qu’on a fait. Coup de pot, j’avais un câble adapté, et un canapé minuscule qui force à la proximité. Plus à l’aise chez moi, j’ai pu lui faire comprendre qu’il pouvait m’embrasser s’il le voulait. C’était il y a cinq ans, il vape toujours et il n’a pas retouché une cigarette. Comment je le sais ? On a fêté nos noces de coton en août.”
Quelle leçon tirer de tout cela ? Que l’on vape avant tout pour sa santé, et que, pour pouvoir aimer, il faut déjà commencer par être en vie et le rester. Bonne Saint-Valentin en retard.
