Vous savez que c’est très mal de juger un homme sur son prénom ? Ceci n’est absolument pas le sujet de l’article du jour, mais un peu, quand même.
Il était une fois
Laissez moi vous raconter une histoire.
C’est l’histoire d’un type lambda, que par commodité nous appellerons Célidor, parce que, d’une, c’est un vrai prénom, et de deux, il nous enseigne que ses parents étaient vaguement cultivés et ne l’aimaient pas spécialement. C’est vrai : Célidor, ça sonne comme un fromage à l’étiquette bucolique, mais qui en vrai est fabriqué dans une usine du centre de la France.
D’ailleurs, vous pouvez vérifier : il n’existe aucun Célidor célèbre.
Durant sa morne existence, Célidor devient fumeur, ce qui arrive même aux gens intelligents, ce qui arrive même aux gens courageux, ce qui arrive même aux gens à la bonté extraordinaire, alors pensez, ce pauvre Célidor n’avait aucune chance.
Et Célidor en a connu, des galères de fumeur.
Finalement, il arrivera cinq minutes après la fermeture du seul tabac ouvert après 22 H de la région, et finira par aller négocier avec le portier d’une boîte de nuit le droit d’aller jusqu’au bar de l’établissement acheter un paquet dont le prix amputera considérablement l’héritage que Célidor espérait laisser à sa progéniture.
Et un soir, enfin, le moment vint, Célidor ne se souvient pas qui bougea, légèrement, la tête en premier, mais il se rappelle de ses beaux yeux, qu’il ne cessait d’admirer, se clore au fur et à mesure que leurs visages se rapprochaient, il se rappelle la douceur de ses lèvres, et puis, il se rappelle des premiers mots qu’elle lui dit après leur premier baiser : « euh… Ça t’ennuierai d’aller te laver les dents avant de recommencer ? ».
Soudain, alors qu’il s’apprêtait à en allumer une, un minuscule objet jaillit devant ses yeux. La pierre de son seul briquet, en l’occurrence.
Célidor n’en avait pas d’autres, il se remémora dans un gémissement douloureux qu’il avait omis d’acheter des allumettes de ménage, sous le prétexte qu’il n’en avait pas besoin : la petite kitchenette était équipée de plaques chauffantes électriques.
Ne disposant pas de véhicule, et, tout nouveau dans la ville, ne sachant pas où se trouvaient les buralistes ouverts à cette heure tardive, Célidor se lança dans un exercice de science appliquée en essayant d’allumer son tube d’herbe séchée avec une plaque chauffante poussée à fond.
Sa conclusion : oui, c’est possible, mais c’est très long. Au moins obtint-il le privilège de se voir accorder illico un statut de “client V.I.P” chez son fournisseur d’électricité.
Aujourd’hui, Célidor peste et râle. Pourtant, depuis qu’il a écrasé sa dernière cigarette juste avant d’entrer dans une boutique de vape, il y a plusieurs mois de cela, Célidor est heureux. Il sait que les boutiques n’ouvrent pas le dimanche, mais il a toujours, à la maison, une réserve de son produit préféré, et son conseiller lui a appris à avoir toujours un flacon et une résistance dans des endroits stratégiques, sa voiture, son bureau…
Son amoureuse, qui est devenu depuis la mère de ses enfants, ne commente plus jamais son haleine de cendrier froid, et est moins avares de ses baisers. Sauf quand il a mangé de l’aïoli.
Il a un briquet en or sur son bureau et une caisse pleine de Bic dans son garage. Il n’a d’usage ni de l’un, ni des autres.
Et pourtant, Célidor peste et râle, parce que, absorbé par quelconque distraction, il n’a pas fait attention au remplissage de son réservoir et vient de faire un dry hit. Il blêmit, tousse, crache, jure, et finit par maudire sa vape, qu’il la hait en ce moment ! Il la voue aux gémonies et lui souhaite les pires tourments dans l’enfer des produits électroniques.
Oui : Célidor est ingrat, ce n’est pas le moindre de ses défauts. Et il a la mémoire courte, aussi.
La morale de cette histoire : les articles du vendredi sont de retour.
L’auteur s’excuse par avance auprès de tout Célidor qui viendrait à lire cet article.