La vape rend distrait : c’est la conclusion d’une étude réalisée par une équipe américaine et reprise avec délectation par quelques sites putaclic. Les lecteurs et la rédaction du Vaping Post sont ils dans la lune ? Toute modestie mise à part, la réponse n’est pas si évidente.
Oh, un oiseau
Une étude transversale a montré une association entre le tabagisme, le vapotage et les difficultés graves de concentration, de mémoire ou de prise de décision chez les jeunes en raison d’un état physique, mental ou émotionnel. Les résultats de l’analyse de sous-groupe ont montré que plus un adolescent commençait à fumer jeune, plus son association avec des difficultés intellectuelles graves signalées par lui-même était élevée en raison d’un mauvais état mental.
C’est la conclusion d’une étude américaine publiée en décembre 2020 par des chercheurs de la Pittsford Sutherland High School et de l’université de Rochester.
La méthode choisie pour cette étude est assez simple : les données de l’enquête nationale sur le tabagisme chez les jeunes de 2018, portant sur 18535 étudiants et scolaires, ont été utilisées pour l’analyse. Toutes ces données incluent les jeunes qui ont répondu s’ils sont atteints d’un trouble grave du comportement lié au tabac et qui ont indiqué leur statut de fumeur et de vapoteur.
Des modèles de régression logistique pondérés à plusieurs variables ont été utilisés pour examiner l’association entre les émanations et le tabagisme et le risque de chez les jeunes, en considérant un plan d’échantillonnage complexe.
Voilà. Donc, les jeunes qui fument ont du mal à se concentrer, et plus les jeunes commencent tôt à fumer, plus ils ont la chance de devenir distraits. C’est un résumé un peu caricatural, évidemment. Et, surtout, qui laisse un certain nombre de failles dans les données utilisées.
J’avais oublié
On pourra observer, tout d’abord, que l’étude a été menée sur des données non spécifiques. Concrètement : le questionnaire Youth Tobacco Survey 2018 était un outil destiné à mesurer la consommation de tabac et de vape chez les jeunes américains, accompagné de questions complémentaires sur leur état de santé physique en mentale.
Mais ce questionnaire n’était pas destiné à mesurer les effets du tabac et de la vape chez les jeunes, mais à le contextualiser. Un exemple parlant : on sait, par diverses études, que la consommation tabagique dépend de la CSP. La prévalence tabagique est beaucoup plus prononcées chez les ouvriers que chez les chefs d’entreprise, par exemple.
Ce résultat est obtenu en corrélant la catégorie professionnelle et les revenus avec les habitudes de consommation tabagique. Dès lors, peut-on imaginer une étude qui affirmerait que si vous êtes pauvre, c’est parce que vous fumez, et qu’arrêter vous permettrait de vous élever socialement ?
Second point, l’étude l’avoue elle-même : les chercheurs n’ont aucune idée du pourquoi. Là encore, les données ne permettent pas de comprendre, ni même d’approcher d’une réponse concernant le lien entre la nicotine et les difficultés intellectuelles. On ignore si les jeunes concernés sont par ailleurs médicamentés, si ils s’alimentent normalement, si ils souffrent de « dys » divers, tout ceci n’est pas explicité faute de données.
Là encore, on sait, grâce à diverses études statistiques et observations, que les personnes atteintes de troubles mentaux sont plus enclines à développer une accoutumance nicotinique que les autres. Est-ce le cas aussi pour les jeunes atteints de déficits de l’attention ? Bonne question, mais à la lecture de cette étude, aucune idée de la réponse, de l’aveu même des auteurs.
En peu de mots : l’année 2020, déjà de sinistre mémoire, se termine avec une étude spectaculaire qui tire des conclusions angoissantes de données inadéquates. Même les auteurs avouent ne pas comprendre leurs résultats et appellent à réaliser d’autres études sur le sujet. On ne peut que le souhaiter, et sur des bases saines, ce serait mieux.
On peut dès lors affirmer que la seule valeur de cette étude est celle des revenus publicitaires qu’elle engendrera sur les sites putaclic qui en feront leurs choux gras.