De nombreuses boutiques de vape cherchent depuis plusieurs mois à se positionner face au débarquement du CBD dans le paysage français. Avec la demande croissante pour les “fleurs”, qui apparaissent dans les rayons de certains concurrents ou dans de nouvelles boutiques dédiées au CBD, un dilemme évident se présente : faut-il étendre son offre ou garder sa spécialisation ? Observons cette situation de plus près et voyons comment le CBD pourrait, lui, être un relais de croissance prometteur alors que les fleurs, elles, pourraient mener notre filière à sa perte.

Historiquement, c’est entre opportunité économique et révolution de santé publique que s’est construite la vape française. Dans un premier temps, jusqu’au milieu des années 2010, de manière un peu désordonnée avec une croissance folle et des orientations dispersées. Ce développement tous azimuts a connu un sérieux coup d’arrêt en 2014/2016, suite à la mise en œuvre et l’application de la directive sur les produits du tabac (TPD).

La vape est alors entrée dans un “deuxième âge”, centré autour de l’amélioration volontaire et proactive de la qualité des produits : c’est la santé des fumeurs et l’efficacité pour les faire arrêter la cigarette qui ont motivé une profession nettement plus structurée. Cette réorientation de la filière n’a pas empêché sa bonne santé, dès 2016, et avec de belles années jusqu’à la crise du Covid. 

Des lettres de noblesse gagnée à la sueur de notre front

Le souhait des pouvoirs publics de l’époque, au travers de l’encadrement de la vape, était clair : les produits du vapotage ayant une utilité sanitaire, leur développement ne doit pas être uniquement motivé par l’opportunité financière qu’ils représentent. 

C’est sur cette base que la filière française a forgé son identité : l’indépendance vis-à-vis de l’industrie du tabac et une distinction claire entre produits à fumer et produits du vapotage. Les boutiques spécialisées ont été placées au cœur d’une démarche bienveillante d’accompagnement du fumeur vers une vie sans tabac. Ajoutons à cette éthique l’instauration de normes volontaires définissant et encourageant les meilleures pratiques dans la fabrication des e-liquides.

Ce sont les garanties qui ont permis un travail constructif avec les autorités de santé et la meilleure transposition d’Europe. Grâce à cela la filière française est une exception mondiale : organisée, dynamique, rentable et plus que jamais au service de l’arrêt du tabac. 

Les fleurs, un produit à combustion par destination

Sauf que, la vente de fleurs de CBD dans une boutique de vapotage… vient complètement remettre en question tous ces acquis. En ne discernant pas la molécule de son mode de consommation et en proposant des produits destinés à être fumés dans des points de vente qui ont construit leur réputation en menant une guerre contre la combustion, on effondre la crédibilité des boutiques spécialisées et plus largement la démarche du vapotage. 

La combustion, c’est bien le point d’achoppement sur lequel vient se fracasser l’idée d’une compatibilité entre une boutique spécialisée en produits du vapotage et la vente de fleurs au CBD. Car il n’existe aucun moyen de garantir l’usage qui sera fait de ces produits – ce n’est pas le cas d’un e-liquide qui, lui, ne trouve sa place que dans un réservoir de vapoteuse. Dans les faits, ces fleurs seront fumées dans plus de 90 % des cas, renvoyant les consommateurs vers une pratique incluant de la combustion, et donc un danger important pour leur santé. Les inclure dans la catégorie des produits que l’on peut trouver dans une boutique spécialisée, au même titre que les produits du vapotage, ne peut se faire en toute bonne foi. 

Quid alors de la “vaporisation” de ces fleurs ? Une pratique qui effectivement réduit le risque par rapport à la combustion. Ces questions doivent être débattues et abordées avec le plus grand sérieux pour que les boutiques spécialisées puissent trouver une voie qui garantisse le respect de l’éthique qu’elles ont mis en avant depuis toutes ces années. De façon pragmatique et à de rares exceptions près, les boutiques spécialisées ne sont pas encore en capacité d’accueillir des fleurs et de garantir par l’expertise de leurs conseils que leur utilisation sera faite en majorité dans des vaporisateurs. 

Devrions-nous vraiment jouer avec le feu ?

La période n’est pas vraiment propice aux égarements et aux expérimentations. À la veille de la révision de l’encadrement général de la filière, donner des signes de faiblesse et d’incohérence aux pouvoirs publics pourrait s’avérer dangereux. Seules la constance et la solidité du positionnement de la filière pourront donner à la vape une chance de tirer son épingle du jeu face aux menaces européennes. 

Silencieux, absent, trop prudent… le gouvernement fait l’objet de nombreuses critiques, légitimes, par les défenseurs de la vape que nous sommes. Mais avec le recul, et en sortant l’exemple anglais de l’équation depuis le Brexit, force est de constater que la France est aujourd’hui l’un des pays européens les plus favorables à la vape : plus de la moitié de nos voisins ont instauré une taxe au niveau national et un certain nombre d’entre eux ont également interdit des arômes, à l’heure où la France n’envisage pas de telles mesures. 

Aussi, alors que le gouvernement annonce haut et fort vouloir interdire la vente de fleurs de CBD en mentionnant littéralement les dangers de la combustion, pourquoi risquer de détruire l’image de la vape en s’associant avec une tendance de marché en rupture avec notre éthique ? Car c’est ce même gouvernement qui jouera un rôle déterminant dans la définition de ce que sera la vape de demain. 

Donnons les moyens à la France de défendre la vape…

Le rôle du gouvernement français sera déterminant dans les négociations européennes sur l’avenir de la vape : il héritera de la présidence du conseil de l’UE en janvier 2022 et ce jusqu’à la fin du mois de juin. Son simple veto suffirait à faire capoter le projet, et dans le cas où une taxe serait adoptée, il reviendrait à chaque gouvernement d’instaurer un niveau de taxe de son choix sur son marché national. 

Alors restons cohérent avec notre positionnement historique, ne montons pas notre “presque allié” contre nous, n’agissons pas en faveur d’un profit immédiat mais au détriment certain des intérêts de la vape française et de ses défenseurs à long terme. 

… et rentrons intelligemment dans l’avenir du CBD

Les alternatives autour du CBD existent et leur vente est totalement compatible avec nos engagements éthiques ! Pourquoi ne pas accompagner un sevrage cannabique avec une huile sublinguale ? Pourquoi ne pas jouer sur deux tableaux avec des e-liquides nicotinés et des e-liquides au CBD pour aider un fumeur de cannabis et répondre à sa double dépendance ? Autant de postures qui, si elles étaient embrassées par les boutiques spécialisées, seraient créatrices de valeur tout en perfectionnant l’accompagnement proposé aux clients fumeurs.

Le CBD peut s’intégrer dans l’accompagnement au sevrage tabagique et cannabique et doit devenir une expertise au service de la santé publique. Nous devons l’intégrer dans nos gammes de produits de façon intelligente, en cohérence avec notre approche en réduction des risques basée sur l’absence de combustion. Nous en avons l’expertise et les compétences, ne laissons pas les fleurs de CBD priver les Français d’un sevrage efficace.

Gaëtan Gauthier, délégué général de la Fivape

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