On ne peut pas vous laisser seuls cinq minutes, les vapoteurs : à peine le dos tourné, voilà que débarque quelque chose de totalement nouveau et inattendu…
Le dos tourné
Voilà : j’avais pris du recul avec le monde de la vape pendant quelques semaines, afin de mettre la dernière main à mon livre – sortie prévue fin octobre, début novembre – et voilà que, tout ragaillardi, je venais reprendre mon poste à Ma-Cigarette.fr, lorsque je me rendis compte que tout le monde se payait ma tête. Motif ? Mon Taifun Gt d’où s’élevaient des nuages de vapeur. « Mon pauvre, tu n’y es plus, on vape à induction, maintenant » me fis-je expliquer.
Science-fiction ? Presque, pas tout à fait. Une société américaine est en plein développement d’une vapoteuse à induction. Pourquoi est-ce que ce terme vous dit quelque chose ? Parce que vous avez peut être de l’induction chez vous. Dans votre cuisine. La plaque, celle ou vous faites chauffer votre lait – attention, d’ailleurs, il va déborder.
Ce n’est pas un nouvel atomiseur que ces gars-là proposent, mais carrément une nouvelle manière de vaporiser votre liquide. Faut il les prendre au sérieux ?
Hommage à Michel Chevalet.
Pour résumer brièvement, l’induction consiste à soumettre un conducteur électrique à un champ magnétique variable. Simplement, il s’agit d’une résistance soumise à une aimantation de force variable, qui donne lieu à un phénomène de transfert d’énergie qui… Je vous barbe ? Oui, je sais.
Pour faire bref : grâce à l’induction, on peut chauffer des trucs avec une précision indicible, pour un bête brûleur au gaz, s’entend. En cuisine, bien entendu. Parce qu’en vape, comment dire ?
Induction, sa vie, son œuvre
L’induction est un système complexe à mettre en œuvre, ou, du moins, pour relativiser, plus complexe que « je fais passer du courant dans un fil résistif, ça chauffe ». Le projet de Evoke, puisque c’est le nom de cette e-cig, est simple : plus de résistance reconstructible, plus de mèche en mesh, fibre ou coton, juste une colonne qui sert à la fois de fibre et de résistance. Un peu comme si votre mesh pouvait directement chauffer.
Le projet est présenté sur un site de crowdfunding, système que l’on ne présente plus. A ce jour, sur 70 000 dollars nécessaires… le projet en a récolté 148 000, soit plus du double. Autant dire que l’attente est grande.
Néanmoins, quelques petites chose m’ont chagriné. Pas que je trouve l’Evoke en soit laid, c’est purement subjectif, dans ce cas. Mais…
Un système fixe
Un des arguments développé par la société, c’est que leur système ne recours pas à des fibres ou du coton pour conduire le liquide, ce qui est plus hygiénique : tout passe par cette fameuse mèche centrale en acier, qui eut se voir comme du mesh perpétuel.
Je ne sais pas vous, mais moi, ça me rassure, le coton. J’en choisis du bio, non traité, je le fais bouillir pour être sûr. Tous les soirs, avant d’aller me coucher, je change mes mèches, toutes mes mèches, comme ça, la nuit, elles ont le temps de bien s’imprégner de mes nectars favoris. Je les change parce que j’aime bien conserver la saveur de mon liquide sans que les gouts parasites s’en mêlent, je ne le change pas spécialement par hygiène, parce que j’ai confiance dans les produits que j’ai sélectionné.
Par contre, ce qui m’ennuie un peu avec l’Ewoke, c’est que un an plus tard, je vaperai toujours sur la même mèche. Des couches successives de jus coagulé y formeront une croute et macèreront, s’oxyderont pour produire des gazs que je n’aurais peut être pas forcément envie d’inhaler…
Un système propriétaire
La deuxième chose est : si l’idée est bonne, quid de la propriété ? Bien sûr, Ewoke ne sera pas propriétaire du système à induction.
Mais imaginons : si l’inventeur de la e-cig avait “copyrighté” son invention, et protégé sa propriété industrielle, à l’heure qui l’est, vous seriez probablement en train d’ouvrir votre paquet de tabac.
Entendons nous bien : que l’Ewoke soit leur propriété exclusive, que leur système soit le leur, c’est normal. C’est leur boulot, ils méritent d’être payés pour. Mais si, par contre, ils se débrouillent pour verrouiller l’usage de l’induction dans la e-cig à leur bénéfice exclusif, alors ont peut considérer que c’est un champ de recherche qui se bouche : la société privilégiera toujours son propre profit au détriment de l’intérêt commun.
Des arguments spécieux
Sur le site Tech Crunch, une interview de Neeraj Bhardwaj, un des créateurs d’Ewoke, m’a mis quelque peu mal à l’aise. Rien à signaler de particulier, jusqu’au moment ou Neeraj déclare « When you use the traditional “wick and coil” system, dangerous particles like formaldehyde get into your lungs ». [« Quand vous utilisez le système traditionnel ”coton et coil”, de dangereuses particules de formaldéhyde vont dans vos poumons »].
Euh… Ah bon ? Je me demande comment Neeraj a pu les trouver, vu que c’est précisément ces particules que les détracteurs de la e-cigarette cherchent, et que, jusqu’à présent, de nombreuses études ont fit chou blanc.
Entendons nous bien : que Ewoke prétende que son système est mieux que les autres, c’est du business, c’est de bonne guerre. Qu’il prétende, en revanche, que les autres sont dangereux, c’est un mensonge avec circonstances aggravantes : dans l’esprit du public, un fabriquant d’e-cigarette déclare dans un média que l’e-cigarette est dangereuse, avec des arguments dont on a prouvé l’inanité.
[ndlr: le profil toxycologique de l’e-cigarette n’est pas entièrement limpide dans la mesure où les protocoles expérimentaux dans les études ne sont pas encore standardisés. Le type d’atomiseur, son mode d’utilisation ou encore l’alimentation en e-liquide de la mèche, peuvent faire varier significativement les mesures.]
Alors, au final ?
Pétard mouillé ? Révolution de la vape ? Franchement, je n’en sais rien. Un succès de curiosité à venir, en tout cas, aucun doute à ce sujet. Plusieurs questions restent ouvertes, est-ce que la technologie restera ouverte, permettant à des gens comme Taifun, Dicodes, Svoemesto, d’aller mettre leur nez dedans, voir ce qui peut être amélioré, ou sera-ce l’exclusivité d’une seule société ?
Et surtout, jusqu’où Ewoke est prêt à taper sur la vape pour vendre son produit, puisque nous avons vu qu’ils ne semblent pas s’embarrasser de scrupules. Attendons et voyons. Mais rien que pour ça, Neeraj, je n’achèterai pas ton Ewoke.
Plus d’infos sur le site officiel du projet Evoke